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Chapitre III : Erreurs des élèves (E 2 )

2. Les remédiations possibles des erreurs

Dans le texte qui suit, nous nous penchons sur la réaction des professeurs face aux erreurs classiques commises par les élèves en nous appuyons sur des références théoriques et des travaux expérimentaux. Autrement dit, est-ce que le professeur réagit en fonction de l’erreur en soi ou en fonction de son origine ? Brousseau & Centeno (1991) pensent que la mémoire didactique du maitre a une incidence sur les modalités de sa pratique, qu’une erreur « persistante » force le maitre à adopter une position différente de celle qu’il aurait face à une erreur « occasionnelle ». Dans ce contexte, la gravité, l’importance et la fréquence de l’erreur jouent un rôle primordial dans son traitement (Portugais, 1995).

Le rôle de l’enseignant, lorsque l’élève commet une erreur, ne se limite pas seulement à faire la remédiation, il doit aussi l’aider à la surmonter pour acquérir de nouvelles connaissances (Tarpinian, 2009). En effet, l’apprentissage des élèves pourrait évoluer involontairement même sans intervention du professeur, par exemple quand ils résolvent un exercice : on parle de l’évolution spontanée (Rogalski, 2000). C’est pourquoi, les interventions doivent être bien réfléchies. D’ailleurs, Ravestein & Sensevy (1993) dans leur article intitulé « le statut de l’erreur dans la relation didactique » listent quatre marges d’erreur : massive ; ponctuelle ; occasionnelle ; redondante. Ils essaient de mettre en évidence la réaction de professeur lorsque telle ou telle erreur se manifeste. Lorsque l’erreur est massive, le professeur met en cause la tâche prescrite (tp) et refuse de modifier ou de reformuler ses énoncés et ses consignes, il joue sur une variable didactique et réduit ses exigences. Si l’erreur est ponctuelle, la tâche effective24 , cette fois-ci, est mise en cause. L’erreur occasionnelle « sera assimilée à un ‘’faux pas’’ ». Enfin, l’erreur redondante est considérée par l’enseignant comme « faute ». Les auteurs constatent que l’enseignant ne manipule que le premier genre d’erreur et qu’il tolère en quelque sorte les autres. De ce fait, ils attribuent ce comportement au fait que, d’une part, l’analyse de la tâche prescrite et son modèle de résolution sont absents, d’autre, part, que le fonctionnement de l’élève dans la tâche effective ne convient pas aux modèles mis en place par le maitre. Cela rejoint l’hypothèse que nous avons émise au cours de premier chapitre, en particulier, lorsque nous parlons de KCS et de l’intérêt de transmettre aux étudiants les profils des élèves pour les aider à comprendre le fonctionnement de l’élève et ses réflexions.

L’enseignant s’appuie sur des paramètres relevant du comportement de l’élève pour adapter au mieux les contenus à sa classe. Puis, il passe à la prescription de la tâche, il est alors « en bout de transposition didactique ». Comme le maitre « n’a en fait pas les moyens de s’intéresser à la source de l’erreur » (Ravestein & Sensevy, 1993, p. 85), ces connaissances et bien d’autres dont Shulman a parlé peuvent représenter des sources qui alimentent l’analyse des futurs enseignants dans le but de trouver leurs origines et non pas de l’analyser en soi.

C’est ainsi que le Québécois Jean Portugais a mis en place un dispositif de formation concernant la question de l’erreur en vue de faire évoluer l’analyse des erreurs des élèves et leur traitement chez des stagiaires de 1er degré. Il y a consacré quatre séances (un séminaire abordant les analyses préalables d’erreurs et 3 TD25 sur

le traitement). Suite à ces trois TD, il a pu récupérer cinquante-et-un modèles de traitement et a essayé de les analyser selon un modèle théorique26 qu'il avait déjà construit à partir des travaux théoriques et expérimentaux. Le tableau III.20 résume son modèle théorique sur lequel il s’appuie pour établir des formalismes permettant de dégager des tendances.

Approches de stratégies N° Stratégies de travail de l’erreur Explications ou exemples C ontrôle de s a ctes d es é lè ve s Instit uti onna li sa ti on primi ti ve 1 Enseignement direct ou explicatif

Montrer explicitement le lieu de l’erreur à l’élève, puis, lui montrer la procédure

correcte

2 Enseignement indirect ou plutôt réciproque

Un élève remplace

l’enseignant et fait le même travail précédent

R

emédia

ti

on

3 Retour à la source Réexpliquer les bases

4 Combler des lacunes

5 Faire manipuler des objets Regroupement, échanges, ...

6 Simplifier la tâche Jeu d’une variable didactique

7 Faire une séquence corrective Sur une notion de base

8 Enseignement direct développé

Comme N°1 + contre- exemple

9 Une étape de vérification Faire refaire le calcul à l’élève

10 Séance ou séquence corrective Sur une notion voisine

C ontrôle du se ns Dida cti que 11 Phase de recherche individuelle de l’erreur

L’enseignant n’a qu’à déclarer

12 Faire un débat en classe Déclarer l’erreur et laisser la classe débattre sur la

question

13 Contextualiser l’erreur Faire un problème

14 Faire comparer les travaux des élèves

Résultats et procédures (conflit sociocognitif)

15 Estimer avant le calcul (conjecturer)

Établir le lien estimation- calcul

16 Prouver après avoir calculé Établir le lien preuve-calcul

17 Décomposition de

l’algorithme Faire des micros-étapes 6399 :3= (6000+300+90+9) :3

18 Faire des étapes intermédiaires 15450 :15 (15*10, 15*100, etc.)

19 Lecture à haute voix de la tâche et du résultat Prendre conscience du résultat erroné A -didac ti que

20 Inciter à estimer (conjecturer) Validation dévoluée

21 Inciter à prouver

22 Introduire une tâche impossible

En lien avec la procédure en jeu

23 Proposition d’une tâche analogue

Engendre la même erreur

24 Proposer une tâche différente Engendre la même erreur (contre-exemple)

25 Débattre plusieurs procédures erronées

26 Introduire situation problème Travailler le sens des opérations

Tableau III.20 : Modèle théorique du traitement des erreurs des élèves de Portugais (1995)

À travers les trois TD, Portugais tentait d’amener les stagiaires vers des stratégies de traitement dites didactique (SD) et a-didactique (SAD). La figure N° montre l’évolution des stagiaires durant les trois TD en question.

Figure III.4 : Évolution des stagiaires du traitement des erreurs des élèves

D’après cette figure, nous constatons que les stratégies a-didactiques [S(AD)] évoluent au fur et à mesure à l’inverse des stratégies de remédiation [S(R)] et d’institutionnalisation primitive [S(IP)] qui s’estompent en quelque sorte. En revanche, les stratégies didactiques [S(D)] se stabilisent.

Ce modèle reste théorique et l’on n’est pas sûr que les stagiaires puissent le mettre en œuvre dans leur classe de responsabilité où les nombreuses contraintes (gestion de la classe par exemple) les empêchent de le faire. De ce fait, nous essayons de faire un formalisme pour les cours de formation et un autre pour les cours de stage. Dans le premier, nous nous focalisons sur le modèle théorique extrait de travaux de Portugais et dans le deuxième nous nous appuyons sur un formalisme différent.

Le traitement effectif des erreurs des élèves peut être formalisé comme suit :

T(E2) = R(tp)

D'une autre manière, le traitement théorique des erreurs peut se formaliser de la manière suivante :

Ces deux formalismes avec les caractères mentionnés plus haut seront notre outil de référence pour analyser les cours de formation et de séances de stage de notre observation de deux formateurs de l’échantillon et de leur stagiaire, notamment en ce qui concerne les erreurs des élèves. En l’occurrence, est-ce que les formateurs mettent davantage l’accent sur des traitements autres que mentionnés dans notre thèse ? Quels sont les effets de ces traitements sur les traitements des stagiaires en classe ?

Conclusion

Tout au long de ce chapitre, nous tentons de nous focaliser sur les erreurs des élèves dans les différents domaines. Puis, nous avons pu mettre en avant une typologie globale. Ce travail a pour objectif de répondre à une trame de questions posées lors de notre problématique : quelles sont les origines des erreurs classiques des élèves ? Quels sont les effets des cours de formation sur l’analyse des erreurs des élèves et leur traitement effectué par les stagiaires ? Dans ce chapitre, nous avons donné des éléments de réponses à certaines questions, notamment sur les origines des erreurs et leur traitement prévu. À cet égard, nous avons pu déboucher sur ce formalisme :

T(E2) = R(tp) ou T(E2) = S(R) + S(IP) + S(D) + S(AD)

Ces trois formalismes sont des outils qui nous permettrons d’analyser les cours de formation et séances de stage observés et filmés dans le but d’étudier le fossé entre les études théoriques et pratiques d’une part et comment améliorer les cours de formation concernant la question de l’erreur d’autre part.

LA SECONDE PARTIE :

METHODOLOGIE ET ANALYSE

DES PRATIQUES