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Chapitre V : Analyse de contenus de formation F c

5. Analyse de l’entretien avec le formateur

Nous questionnons le formateur dans le but d’éclaircir certains points. Nous mettons l’accent sur cinq questionnements : la conception du formateur sur l’erreur et l’importance qu’il lui accorde lors de ses cours de formation ; la nature des savoirs transmis en formation ; les stratégies mises en œuvre ; les ressources nourrissant les cours de formation ; le potentiel des stagiaires à appliquer ces idées dans la classe.

5.1. Sa conception sur l’erreur

L’idée du formateur sur l’erreur peut se résumer en deux phrases qu’il cite lui- même :

Un élève fait une erreur, soit parce qu’il ne maîtrise pas les outils qu’il a déjà vus, soit il lui manque certains outils que l’enseignant n’a pas encore donnés pour avancer ou pour résoudre un problème. [….] Se tromper, cela va me permettre d’avancer ou de corriger et travailler telle et telle procédure ou telle et telle compétence.

Pour lui, l’erreur d’un élève se traduit par un manque d’outils ou une non maîtrise et c’est utile de se tromper.

Pour comprendre l’erreur d’un élève, le formateur s’appuie davantage sur l’explication de l’élève sur sa propre erreur que sur l’analyse a priori de cette erreur. Or, la plupart du temps, nous pensons que les élèves ne sont pas en mesure de justifier ou d’expliquer pourquoi ils se trompent, il faudrait faire des hypothèses et aller vérifier auprès d’eux au lieu de perdre du temps à leur demandant comment ils font et pourquoi. Autrement dit, c’est une sorte « d’évasion didactique », le formateur se sert davantage de ses vécus antérieurs que des éléments didactiques comme l’analyse a

priori ou le recours à des typologies d’erreurs citées par les travaux de recherche.

Par ailleurs, le message que le formateur a envie de transmettre aux stagiaires se traduit également par une simple phrase : « faire une erreur […], ce n’est pas une fin, ce n’est pas une catastrophe ». Tandis que les stagiaires perçoivent l’erreur comme négative, une chose constatée par le formateur lorsqu’il était un tuteur, pour cette raison il insiste sur le fait que les formés abandonnent cette vision :

Quand on est stagiaire, […], on a envie que les élèves réussissent tout de suite, c’est-à-dire, on pose une question, on veut la bonne réponse, donc l’erreur est assez négative, et on se dit soit les élèves ne sont pas bons, soit ce que je leur ai proposé est trop difficile et je n’ai pas su l’expliquer.

Les stratégies de remédiation S(R) apparaissent « noir sur blanc » dans plusieurs passages et citations du formateur. À cet égard, le fait de se tromper n’est qu’un avantage permettant de revenir ou d’approfondir telle et telle notion et par la suite « ne plus faire cette erreur ». À notre avis, le formateur a réussi à transmettre le message « ne plus faire », cela se voit clairement lors de l’analyse du questionnaire. En effet, de nombreux étudiants qui ont répété ce principe pensent que le fait de corriger l’erreur permet de « ne plus la faire ». Cependant, nous ne sommes pas sûrs qu’il ait réussi à faire passer les autres idées comme l’approfondissement de certaines notions via le travail sur l’erreur. Le formateur nous fait partager son doute sur l’efficacité de son enseignement :

Pour moi l’erreur est un vecteur d’apprentissage oui c’est utile de se tromper je vois comme ça. Après le faire passer aux stagiaires, ce n’est pas évident.

5.2. La nature des connaissances envisagées

Les savoirs que le formateur a tendance à diffuser auprès de ses stagiaires, qui sont déjà enseignants pour lui, peuvent s’articuler plutôt sur l’aspect pédagogique parce qu’ils ont besoin d’être liés à la classe.

Honnêtement, je fais plus de pédagogie que de didactique, ça dépend des groupes et des années, j’aimerais faire moitié moitié on va dire, si je ne fais que de didactique, il y a certains groupes qu’ils ont du mal à accrocher. Ils sont liés à comment faire en classe directement, je suis obligé de revenir à des exemples de classe précis.

En fait, le formateur met l’étiquette « didactique » sur tout ce qui est théorique comme l’analyse a priori et a posteriori, et il attribue l’étiquette « pédagogie » sur les vécus de la classe.

Oui, je parle d’analyse a priori et a posteriori, mais je ne sais pas, si je le dis souvent. Contrat didactique, j’en parle au début, parce que cette idée que les élèves forcement répondent, résoudre un problème, chercher une opération, il y a des histoires d’habitudes comme ça ou de contrat qu’il faut connaitre. Bon, le stagiaire va dépasser après dans sa classe. C’est pour ça, je disais au départ que je suis plutôt dans la pédagogie que dans la didactique, je ne suis pas sur des termes de la didactique, on peut dire un peu théorique, je n’utilise pas beaucoup finalement. Je parle de variables didactiques de temps en temps, mais pas

forcément beaucoup non plus. Peut-être, on travaille sur le fond, on ne le dit pas souvent.

Dans cette citation, nous remarquons que le formateur avoue implicitement qu’il ne fait pas régulièrement l’institutionnalisation (EFF-INS) (on ne le dit pas souvent) et il a répété cette phrase deux fois dans ce paragraphe.

Le formateur se focalise sur le déroulement de la séance et les activités données ce qu’il appelle pédagogie. Mais très peu de savoirs mathématiques sont abordés. Il « jongle » seulement entre deux entrées « didactique et pédagogique » privilégiant la deuxième dans le but de lier les stagiaires à la classe.

5.3. Stratégies à mettre en œuvre

Les stratégies basées sur l’homologie n’attirent pas l’attention du formateur et il est rare qu’il en mette en œuvre, à part quand il parle des problèmes ouverts : « L’homologie me fait peur, je ne peux pas dire qu’il faut faire ça et ça ». De même, il n’adopte pas les stratégies basées sur la monstration :

Après la monstration non plus, je n’ai pas envie, il n’y a pas de modèle que j’adopte pour le transmettre, je parle de ma pratique mais le moins possible.

Ici le formateur confond les stratégies basées sur la monstration et sur l’homologie. En effet, il appelle « le fait de faire adopter sa pratique aux stagiaires » de la monstration, sachant que cela relève de l’homologie selon Kuzniak. Le la réponse du formateur sur la nature des savoirs envisagés était plus appropriée avec la pédagogie qu’avec la didactique. De plus, il opte pour les savoirs empiriques faisant partie de la transposition pédagogique. Sa stratégie porte sur ses vécus et ceux de ses stagiaires en classe, puis il leur fait des propositions dans le but de valider une manière plus pertinente. Il donne aussi des pistes pour aider les stagiaires à faire des choix à propos de leurs activités :

C’est plutôt faire des propositions et on en discute et de se dire qu’il y a une manière dans tout ça qu’elle est plus efficace, après ça dépend à chacun de l’approprier. J’essaie de donner des pistes pour les aider à prendre des choix.

5.4. Ressources à l’appui

Le formateur s’appuie surtout, pour préparer ses cours, sur les documents d’accompagnement au collège et au lycée. De plus, il se sert d’une revue « quelles

mathématiques enseigner ? » Les travaux de Brousseau font partie des documents sur lesquels il s’appuie. Enfin, la revue petit x et les repères IREM.

5.5. Les retours des stagiaires (feedback)

Comme les formateurs n’ont plus d’accès direct aux cours de leurs stagiaires en classe, il ne leur reste que leurs retours oraux et écrits pour savoir comment cela se passe dans la classe et quelles sont les difficultés qu’ils rencontrent. Parviennent-ils à appliquer ce qu’ils ont vu en formation ?

Le formateur affirme, en s’appuyant sur les échanges qu’il a eus avec les stagiaires soit à de vive voix, soit par mail, que les stagiaires n’arrivent pas souvent à mettre en œuvre ce qu’ils ont acquis en formation faute de maîtrise de la gestion de classe. Par exemple, ils surchargent les élèves avec une liste d'exercices pour ne pas leur laisser de temps de bavarder parce qu’ils ont peur de perdre l’autorité sur la classe s’ils proposent des problèmes ouverts. En d’autres termes, les stagiaires optent pour le modèle transmissif.

Il y a quand même pas mal de stagiaires tous les ans qui disent qu’au lieu de proposer un problème ou deux sur une demi-heure, ils proposent toute une liste d’exercices de peur que les élèves n’aient pas assez à faire. Sachant qu’en disant à chaque fois ce n’est pas comme ça il faut faire mais, je n’arrive pas à maîtriser le groupe donc c’est la gestion de la classe qui les gêne au départ.

Une question se pose après cette citation : pourquoi passe-t-on à une autre chose malgré la non-maîtrise de l’ambiance de la classe ? Quel intérêt de la formation s’ils n’arrivent pas à mettre en œuvre ce qu’ils apprennent faute de maîtrise de la gestion de la classe ? Certes, les futurs enseignants maîtrisent la classe deux ou trois ans après. Cependant, les formations qu’ils ont reçues pourront se perdre au fil du temps. Autrement dit, nous supposons que lorsqu’on applique tout de suite ce qu’on vient d’apprendre, on le maîtrise mieux que si on le reporte ultérieurement. Toutefois, les stagiaires se servent en particulier des activités proposées en formation et des exemples.