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Chapitre V : Analyse de contenus de formation F c

6. Analyses transversales

6.1. La nature des connaissances transmises aux formés

Nous nous consacrons dans un premier temps aux connaissances transmises pendant la séance en question, puis nous généralisons notre analyse pour les autres séances que nous avons observées. L’analyse de ces connaissances se fait en nous appuyant sur le tableau IV.1 établi dans notre méthodologie de recherche.

6.1.1.

CCK (Commun content knowledge)

Dans la séance focalisée sur les erreurs des élèves commises lors de l’apprentissage des nombres décimaux, nous remarquons que CCK est partiellement présent, sous forme de vérification, notamment lorsque les formés vérifient si les réponses sont correctes ou non, par conséquent, nous pouvons dire que l’écoute évaluative (voir chapitre I) se présente à son tour. Or, ces connaissances restent anonymes ou ne sont pas étiquetées pour les formés. Autrement dit, les stagiaires exercent ces connaissances sans prendre consciences de leur nature parce que tout simplement elles ne seraient pas institutionnalisées ou développées par le formateur. De fait, cette catégorie de connaissances a été implicitement travaillée : détecter l’erreur ; insister sur le vocabulaire ; faire des bonnes définitions. L’extrait ci-dessous donne un exemple concret sur le travail de vocabulaire :

Stagiaire : on ajoute des zéros.

Fc : il a dit attention 13,75, virgule donc nombre décimal, donc on avait appris comme ci comme ça. On fait apparaître que c’est très bien parce qu’il faut arrêter de dire, on rajoute des zéros parce que dans la tête des élèves en difficulté ça pose un souci ça, rajoute des zéros, ça veut dire plus zéros et faire plus zéros pour certains et le temps pour qu’il comprenne bah non, ce n’est pas plus zéro qu’il a voulu dire, c’est juste j’ai écrit un zéro à la droite de la virgule, voilà, ils ont déjà loupé les 3 phrases que vous avez racontées après. L’idée qu’on fait apparaître des zéros, pour pouvoir aligner avec la virgule d’un côté la partie entière et de l’autre côté la partie décimale. Le souci là 13 comment fait se balader comme ça ! Qu’est-ce qu’il a pu se passer là ?

Il manque juste le travail de la notion mathématique, alors le quadruplet se réduit à (𝛽, 𝛾 ; 1).

6.1.2.

SCK (specialized content knowledge)

SCK émerge à plusieurs occasions dans la séance en question et ailleurs. Comme dans l’analyse de l’erreur, la représentation mathématique d’une idée ou d’une notion, etc. Voilà un extrait de la représentation d’un nombre décimal :

Fc : après je pense qu’il faut faire appel à l’axe gradué parce que là ce n’est pas

évident, s’il y avait 4/10, 3/10 évidemment 4/10 est plus grand que 3/10. Le fait d’ajouter quelque chose ce n’est pas sûr dans la tête d’élèves. C’est encore plus petit que le 4/10. L’idée c’est de revenir à la droite graduée et ça vous en faites en 6e donc prendre le temps pour certaines choses, redécomposer, là on avait un

autre 23, on l’a décomposé en 10 et puis on sait que les centimes sont là. On aurait 23 plus 1/10 c’est-à-dire 23.1. Quand on arrive à celui-là plus 7/100 et l’autre là, vous voyez ça prend de temps hein. Si on veut vraiment expliquer correctement, il faut remonter à la source, voilà, les nombres décimaux c’est comme ça ils sont enseignés.

Certes, nous ne constatons pas toutes les sous catégories de cette catégorie de connaissances, par exemple, les stratégies ou solutions alternatives sont absentes. Cependant, la plupart des sous catégories ont été travaillées explicitement ou implicitement. De la même manière que pour CCK, les formés pratiquent SCK sans prêter beaucoup d’importance à sa nature et à son usage. Dans ce contexte, un triplet (𝛼, 𝛽 ; 2) remplace le quadruplet initial.

6.1.3.

HCK (Horizon content knoweldge)

Nous trouvons peu de traces explicites de HCK, notamment si nous considérons que lier l’erreur à des savoirs ou à des notions antérieures fait partie de HCK et en parlant un peu de la liaison CM2-6e. À part cela, la liaison entre savoir enseigné et à enseigner n’a pas fait débat lors de la formation. Dans les connaissances disciplinaires, le formateur se focalise davantage sur les deux premières catégories de connaissances (CCK et SCK), malheureusement elles étaient présentées implicitement « le savoir circule sous un masque » (Brousseau, 1984). C’est pourquoi, le futur enseignant ne se rend pas compte de l’importance apportée à ces connaissances. C’est effectivement une question d’institutionnalisation, qui a pour objectif d’éclaircir « le savoir auquel on peut faire légitimement référence » pour être facilement exportable (Brousseau, 1984). Cela émergeait clairement lors de l’analyse des séances filmées en classe pour certains stagiaires. Alors, le quadruplet (𝛼, 𝛽, 𝛾 ; 3) est quasiment absent.

Malgré l’importance de la catégorie de connaissances SMK, la catégorie PCK reste plus attachée à la question du traitement des erreurs des élèves. En effet, pour traiter une erreur, il faut l’analyser, trouver son origine puis lui proposer un traitement pertinent. Ces trois étapes se manifestent largement dans la catégorie PCK. Autrement dit, afin d’analyser l’erreur, on fait appel à des typologies d’erreurs et à des profils d’élèves pour comprendre leur réflexion. Pour la traiter, on a besoin des modèles d’apprentissage et des stratégies d’enseignement. En d’autres termes, on fait appel à la catégorie de connaissances qui s’appellent PCK.

6.1.4.

KCS (knowledge of content and students)

D’après l’analyse a posteriori, une série de productions d’élèves, qui font l’objet d’analyse d’erreurs commises, a été constatée. En effet, les 19 productions ne traitent en gros que trois types d’erreurs (erreurs de calcul, opération mal posée, placement de la virgule). Ce sont les types les plus fréquents chez les élèves. Cependant, ces types comprennent également des sous types et le formateur n’a soulevé qu’un point ou deux et implicitement. En l’occurrence, le formateur n’est pas « très familier » avec ces fameux types d’erreurs mentionnés par les chercheurs (cf. Astolfi, Charnay, Portugais), selon ce qui a été dit lors de l’entretien avec lui « Un élève fait une erreur,

soit parce qu’il ne maîtrise pas les outils qu’il a déjà vus, soit il lui manque certains outils que l’enseignant n’a pas encore donnés pour avancer ou pour résoudre un problème ». Il s’est limité à ces types, c’est-à-dire, qu’il atteint partiellement une sous-

catégorie de KCS qui joue un rôle très important dans le traitement des erreurs des élèves, c’est la raison pour laquelle Shulman l’a classée dans les connaissances de base dont l’enseignant a fortement besoin dans son métier.

Dans une autre séance, le formateur a bien détaillé les trois modèles d’apprentissage en donnant des exemples concrets. Voilà un extrait de ce qui a été dit sur le modèle transmissif :

Il dépend de la mémorisation, on joue sur la mémoire des élèves ou plutôt faire mémoriser aux élèves certains concepts importants qu’on ne peut pas faire des manipulations là-dessus comme la multiplication des signes ou la distributivité a×(b + c) = ab + ac. Dans ce contexte, on se trouve devant une situation où les élèves apprennent par cœur certaines définitions. En fait, on remplit la boite noire au fur et à mesure c’est pour cela, il faut réviser de temps en temps pour que les élèves puissent se rappeler et ne pas oublier les concepts ou les définitions en les utilisant régulièrement. De plus, on les fait écrire aux élèves ou bien on dessine des figures qui simplifient la mémorisation et le retour par exemple.

Une autre sous-catégorie de KCS a été explicitement travaillée, celle des modèles d’apprentissage. En revanche, pour bien comprendre la réflexion des élèves, la lecture adéquate des profils des élèves que nous avons résumés en quatre catégories (imitant, formel, penseur, cultivé) nous semble très pertinente. Cet aspect a complètement été ignoré par le formateur, nous n’en avons trouvé aucune trace. La maîtrise de l’écoute d’élèves a été faite tacitement, notamment lors de l’analyse des productions. Autrement dit, les stagiaires étaient invités à trouver l’erreur (écoute évaluative), puis à l’analyser et à trouver son origine (écoute interprétative), enfin ils devaient proposer à partir de ce qui précède un traitement (écoute génératrice). En fait, cette sous- catégorie reste implicite et les stagiaires la font « sans état d’âme » et sans lien avec les autres sous-catégories de KCS. En réalité, ils ne pourraient comprendre cette réflexion sans « boite à outils » dont ils cherchent à trouver la bonne clé. En effet, d’après ce que nous avons développé lors du chapitre I, les profils d’apprenant, les modèles d’apprentissage et les erreurs classiques, se considèrent comme des outils pertinents permettant au futur enseignant l’accès à « la boite noire » de l’élève. Nous sommes donc dans la situation d’un « chainon manquant » parce qu’il y a un « trou » dans KCS causé par le manque de profils d’élèves ou d’apprenants et le manque de clarté par rapport à l’écoute des élèves. Donc, le quadruplet (𝛼, 𝛽, 𝛾 ; 4) initialement évoqué lors de notre méthodologie est implicitement travaillé et nous nous limitons plutôt à un couple (𝛽 ; 4).

6.1.5.

KCT (knowledge of content and teaching)

Lors de la séance, le formateur ne fait pas directement allusion aux stratégies d’enseignement pour traiter telle et telle erreur. Il s’est contenté de proposer des techniques ou des activités (cf. document 4 et 5) dans le but de ne pas reproduire l’erreur. L’extrait suivant met en lumière une de ces techniques :

Fc : on n’est pas sûr de lui parce qu’il arrive à lire les chiffres. Oui, on peut trouver d’autres raisons. Puis, comment on fait pour leur faire apprendre à aligner ça, en colonnes. Si on a bien compris ça depuis aujourd’hui matin, ce n’est pas de leur donner des méthodes toutes faites, en disant regardez, je fais comme ça et comme ça, vous avez qu’à faire pareil. Ça ne suffit pas. Je pense qu’il faut revenir à la notion ; dixièmes, centièmes, unités, dizaines, centaines. Tu fais un petit tableau de numération pour faire des colonnes. En primaire, ils apprennent comme ça. Quand ils veulent ajouter 208+13.75, ils veulent se dire : J’ai 208 unités, j’ai 13 unités et 75 centièmes. Donc je vais faire les colonnes.

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Ces techniques peuvent être traduites par un enseignement direct (voir chapitre I). Ce dernier est considéré comme l’une des stratégies les plus efficaces auprès des élèves en difficulté selon une recherche canadienne qui a analysé trois grands travaux menés sur quatre-vingt-dix recherches publiées du 1973 au 2003. Ces dernières visaient à étudier les effets de stratégies d’enseignement sur les performances des élèves, notamment ceux ayant des difficultés. Ces travaux montrent que les enseignements directs ou explicites et réciproques sont plus performants auprès de ces élèves. D’ailleurs, les activités mises à la disposition des stagiaires et non ou peu travaillées, avaient pour objectif de remonter à la source ou revoir les bases sous prétexte que la notion aurait été mal transmise, d’où les réponses des stagiaires au questionnaire telles que proposer de nouvelles explications. Le formateur focalise alors implicitement le regard sur les stratégies d’enseignement direct S(IP) et les stratégies de remédiation S(R), sans mettre en avant les autres stratégies, notamment didactiques S(D) et a-didactiques S(AD). En revanche, l’organisation et la gestion de classe ont fait l’objet d’une bonne journée de formation dans laquelle le formateur s’est servi des travaux de recherche, notamment sur l’installation de la paix scolaire (Butlen et al., 2009) et dans une moindre mesure à d’autres niveaux. D’ailleurs, les modèles d’apprentissage, à l’exception des trois écoutes des élèves, ont fait un objet d’étude lors d’une séance. De ce fait, la sous-catégorie KCT qui comprend plusieurs éléments reste à développer dans les cours de ce formateur, notamment le fait d’outiller les formés par différentes stratégies d’enseignement (Bissonnette et al., 2010) ou stratégies de travail sur l’erreur (Portugais, 1995). À cet égard, nous sommes devant un couple ( 𝛽, 𝛾 ; 5) à la place du quadruplet (𝛼, 𝛽, 𝛾 ; 5).

6.1.6.

KCC (knowledge of content and

curriculum)

Le formateur a consacré une bonne demi-journée pour le travail sur le programme et les manuels. Certes, l’analyse de programme et les manuels n’entrent pas directement dans le traitement des erreurs des élèves. Cependant, le futur enseignant peut prendre une idée de la liaison entre savoirs ou notions et par la suite HCK, même si le formateur ne le dit pas à « voix haute ». Le fait d’avoir une idée de tous les programmes, aide l’enseignant à localiser la source de l’erreur, à savoir dans quelle classe elle se situe afin de simplifier la remédiation. Le formateur a apporté plusieurs manuels, des documents administratifs et a fait travailler les stagiaires dessus dans le but de maîtriser les connaissances de sous-catégorie KCC. Le quadruplet (𝛼, 𝛽, 𝛾 ; 6) n’a pas été complètement abordé, notamment, le Bulletin officiel et la progression des notions, un couple (𝛼; 6) remplace le quadruplet.

6.2. Les stratégies de formation mises en