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Chapitre III -Méta-modèle des systèmes d'action concret

4.2 Eléments caractéristiques du SAC

4.2.3 Les relations du SAC

Nous décrivons à présent les relations du SAC, dont nous avons déjà précisé quels en étaient les acteurs contrôleurs. Il nous reste à définir, pour chaque relation, l'interprétation sociologique que l'on associera au différentes valeurs de l'états de la relation. Cela nous permettra par la suite de fixer la marge de manœuvre de chaque acteur contrôleur, c'est-à-dire l'intervalle [bmin ; bmax] dans lequel il peut fixer une valeur au terme de l'échange ; ainsi que les fonctions d'effet pour chaque acteur.

Echelles d'interprétation des valeurs d'état de relation

Pour définir l'échelle d'interprétation associée à l'espace d'état d'une relation, on associe d'abord une interprétation aux valeurs extrêmes -1 et 1. Les différentes possibilités de termes de l'échange sont ensuite énumérées et ordonnées. Leur pertinence est le fruit du travail d'analyse sociologique.

Interprétation sociologique Etat

licenciement abusif -1

non renouvellement du contrat d'intérim -0,4 renouvellement du contrat d’intérim 0,4

contrat CDI 1

Tableau 7 - Echelle d'interprétation de la stabilité de l'emploi

Concernant la stabilité de l'emploi (Tableau 6), le directeur dispose d’une marge de manœuvre réduite car il ne dispose pas du pouvoir de transformer le CDD de la secrétaire en CDI, seul le directeur régional le peut. Il ne peut donc pas jouer sur l’intervalle [-1, 1] pour fixer les « termes de l’échange » mais sur un intervalle [b_max ; b_min] où b_max = 0,4 (renouvellement du contrat d’intérim) et b_min = -0,4 car il n’est pas en mesure d'adopter une position dure ou injuste (réaction des collègues, crainte des prud'hommes, ...).

Interprétation sociologique Etat / intervalle

contrôle strict du travail de la secrétaire -1 contrôle modéré du travail de la secrétaire [-0,4 ; 0,4] absence de contrôle du travail de la secrétaire 1

Tableau 8 - Echelle d'interprétation du contenu de l'emploi

Pour le contenu de l'emploi (Tableau 7), le directeur dispose d’une plus grande marge de manœuvre. Nous interprétons les valeurs négatives dans l’espace de choix des termes de l’échange comme un contrôle strict de la quantité et de la qualité du travail réalisé par la secrétaire et de la façon dont elle s’organise, et les valeurs positives comme l’absence d’un tel contrôle. La valeur b_min = -0,4 provient de l’importance que le directeur accorde à la cordialité de ses relations avec les employés, qu’il ne souhaite pas tendre par un contrôle trop strict ; cependant, sa fonction le rend responsable de la production de l’agence et ainsi de ce que réalise chaque employé, donc b_max = 0,4 car il ne peut pas admettre un total laisser-faire.

Interprétation sociologique Etat désinformation totale -1 désinformation crédible -0,3 discrétion de la secrétaire 0 information accessible 0,7 information complète 1

Tableau 9 - Echelle d'interprétation de la diffusion d'information

Enfin concernant la diffusion de l'information, nous interprétons les valeurs positives de l’espace de choix comme la divulgation d’informations, les valeurs négatives comme de la désinformation et la valeur nulle comme la discrétion de la secrétaire à propos de ce qu’elle peut savoir de l’activité de TRO2. Les valeurs proposées, b_min = -0,3 et b_max = 0.7, correspondent à la quantité d’informations que la secrétaire peut obtenir et rendre crédible auprès du directeur de TRO1.

Fonctions d'effet

Une des méthodes permettant de définir les fonctions d'effet d'une relation est de déterminer le solde de chaque acteur correspondant à chaque état remarquable de la relation, puis d'extrapoler la fonction. Il est également possible de fixer l'amplitude maximum des soldes d'un acteur : plutôt neutre, de neutre à très bon, ... ; et il sera alors nécessaire de fixer les intervalles correspondant aux différents qualificatifs (par exemple : "neutre" correspond à [-0,3 ; 0,3], "très bon" correspond à 0,8, ...). Pour tenir compte des interactions entre les effet d'une relation sur les différents acteurs, il est possible par exemple de qualifier une relation de "gagnant-gagnant ou perdant-perdant" pour exprimer que les fonctions d'effet évoluent dans le même sens, ou de "perdant-gagnant" pour exprimer qu'elles évoluent en sens inverse. Il est également possible de qualifier une relation en fonction du type de transaction ou de jeu qu'elle impose aux acteurs. Par exemple, la relation existante entre le directeur et la secrétaire est une sorte de dilemme du prisonnier (cf chapitre V) où les deux acteurs ont intérêt à coopérer pour être satisfaits.

Fonctions d'effet Directeur Secrétaire

Stabilité de l'emploi 3 * x 10 * x

Contenu du travail - 3 * x2 7 * x

Diffusion de l'information 10 * x - 2 * |x|

Tableau 10 - Les fonctions d'effet du cas Trouville par acteur et par relation.

Concernant la stabilité de l'emploi, avoir un emploi stable produit un plein effet sur le solde de la secrétaire c’est-à-dire que si elle l'a alors Effet (1) = 10, et dans le cas contraire alors Effet (-1) = -10, -10 et 10 étant les valeurs extrêmes des soldes, d’où la fonction Effet(secrétaire, x) = 10*x. Quant au directeur, sa préoccupation pour cet emploi est en proportion avec sa stabilité mais elle reste limitée d’où la fonction Effet(directeur, x)= 3*x. On a donc deux amplitudes pour les soldes, l’une assez moyenne pour la secrétaire et l’autre plutôt neutre pour le directeur. Cette

relation permet d'exercer une interaction de type gagnant-gagnant.

Pour le contenu de l'emploi, l’effet des « termes de l’échange » sur le solde de la secrétaire est proportionnel au niveau de ce contrôle, car elle se trouvera satisfaite de n’avoir pas à subir un contrôle étroit de son travail d’où Effet(secrétaire, x) = 7*x. Quant au directeur, la fonction Effet(directeur, x)= -3*x2 correspond à l’idée que tout excès dans l’application ou le relâchement de son contrôle ne peut que lui attirer des difficultés, et que le plus confortable pour lui est d’exercer un contrôle modéré. La forme de parabole inversée de cette fonction exprime cette idée. Dans l’espace des choix possibles pour les « termes de l’échange », les soldes sont donc moyens pour la secrétaire et neutre pour le directeur.

Enfin, l’effet de l'état de la diffusion de l'information sur le directeur correspond à la pleine exploitation qu’il fera de cette information, d’où Effet(directeur, x)= 10 * x. Quant à la secrétaire, sa tranquillité lui commanderait de ne diffuser aucune information, qu’elle soit exacte ou fausse car toute autre situation peut présenter des risques, d’où Effet(secrétaire, x) = -2*׀x׀.

5 Conclusion

Nous avons développé dans ce chapitre un méta-modèle des organisations sociales dont la grande l'originalité tient à ce qu'il est fondé sur une théorie, la sociologie de l'action organisée. Ce méta-modèle, nommé RAR, s'appuie sur les concepts de Ressources, d'Acteurs et de Relations pour décrire la structure d'une organisation sociale telle que l'entendent les fondateurs de la SAO – Michel Croier et Erhard Friedberg. L'organisation est vue comme un système de Relations de pouvoir (élémentaires) entre Acteurs. Chaque Relation est fondée sur une Ressource et est contrôlée par un Acteur qui en fixe les termes de l'échange, c'est à dire un comportement qui détermine les possibilités d'accès à la Ressource pour tous les Acteurs qui en dépendent. Le comportement d'un Acteur sur une Relation est toutefois contraint la marge de manœuvre dont il dispose sur chaque Relation qu'il contrôle, cette marge de manœuvre pouvant être modifiée par un acteur qui en a les moyens. De plus, les objectifs des Acteurs les conduisent à avoir des enjeux plus ou moins important sur les différentes Relations, et ils peuvent avoir certaines solidarité les uns avec les autres. L'organisation peut alors être vue comme un jeu qui consiste, pour chaque acteur, à échanger des comportements dans la limite de sa marge de manoeuvre et, si possible, à moduler celle des autres pour servir au mieux ses enjeux, c'est à dire à disposer de la capacité d'action nécessaire à atteindre ses objectifs.

Nous montrons ensuite comment ces concepts peuvent être mobilisés pour donner une évaluation quantitative de la satisfaction et du pouvoir de chaque acteur au sein de l'organisation, l'approfondissement et la discution de ses notions étant, entre autres, l'objet du chapitre IV. Toutefois, nous avons d'hors et déjà introduit une distinction entre la satisfaction ego-centré, qui mesure la capacité d'action dont un Acteur dispose pour atteindre ses objectifs propres, et la satisfaction socio-centré, qui tient compte des solidarité et donc de la capacité des autres acteurs à atteindre leurs objectifs.

Le modèle RAR est décrit à l'aide de diagrammes de classes UML. Nous en proposons également une formalisation ensembliste. La modélisation ne couvre pas tous les aspects d'une organisation sociale et nous espérons que cette formalisation facilitera les futurs travaux qui se chargeront de ces aspects. Parmi ces limites, il nous semble que la dynamique de la structure du SAC est la plus complexe : les acteurs sociaux ne se contente pas de jouer des contraintes et opportunités d'une structure organisationnelle, ils contribuent aussi à produire cette organisation. Par exemple quelques extensions intéressantes seraient :

Quelles solidarités leurs accordent les autres ?

Dynamiques des Ressources et des Relations : comment prendre en compte le transfert de la maîtrise des Ressources et du contrôle des Relations ? Comment la disparition ou la création de nouvelles Ressources et/ou Relations impacte les objectifs des Acteurs ?

Enjeux : Comment un Acteur peut-il modifier ses enjeux et donc changer ses objectifs ? Nous avons au final proposé un exemple de modélisation d'un SAC qui est un cas d'étude de la SAO. En l'état, le méta-modèle présenté ici dispose d'un expressivité suffisante à couvrir de nombreux cas issus de cette théorie (voir chapitre VI) et s'avère suffisamment clair pour intéresser des acteurs de la recherche issus d'autres champs disciplinaires.

La pertinence du méta-modèle semble avérée dans le domaine de la simulation sociale multi-agent, et il serait intéressant d'explorer ses champs d'application dans les SMA, notamment sur la façon dont les agents gèrent leur autonomie. En effet, et dans la limites de nos connaissances, il n'existe pas de modèles organisationnels dans les SMA qui fassent de la relation de pouvoir une entité de premier ordre.

Chapitre IV - Formulation mathématique et interprétation sociologique