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RELATIONS CHANTIERS : DE LA CONVIVIALITE ? Pourquoi le choix de la paille par les architectes ?

1– RETOUR SUR LE CHANTIER PAILLE, VERS DE NOUVELLES PRATIQUES ?

A- RELATIONS CHANTIERS : DE LA CONVIVIALITE ? Pourquoi le choix de la paille par les architectes ?

Sur les questionnaires envoyés aux architectes répertoriés sur le site du RFCP, à la question pourquoi utilisent-ils la paille, ils répondent qu’ils y voient un intérêt à la mise en œuvre sanitaire du matériau, en plus des intérêts « écologiques » et des performances techniques. Tout comme les autoconstructeurs rencontrés, la question de la santé est donc primordiale. En effet, la paille ne dégage pas de produit toxique, elle est relativement facile de mise en œuvre (une botte se soulève assez facilement) et n’est pas agressive pour la peau.

L’importance d’un soutien à une économie locale ressort aussi, ainsi que l’intérêt économique. De plus, la majorité des architectes soulève le fait que l’utilisation de la paille apporte une qualité relationnelle sur le chantier et une valorisation du travail de l’artisan.

Pensez vous que le chantier est/peut être différent en utilisant la paille ? (relationnel, temps, santé, autre ?)

La santé... Comme pour tout chantier un peu écolo, le relationnel... Du fait d’un matériau écolo, une certaine motivation sur le chantier...

Il va de soi que sur un chantier paille, qu’il soit public, privé, avec des entreprises ou en autoconstruction, le relationnel est différent. Puisque les acteurs ont une certaine motivation, une certaine «  éthique  », les rapports engendrés se déroulent autrement. Cependant, on peut se demander si le facteur motivation est l’unique raison aux modifications du relationnel au moment de l’édification.

La relation maître d’œuvre, maître d’ouvrage  ; vers une coopération ?

Comme constaté précédemment, le maître d’ouvrage, lorsqu’il fait le choix de la paille, est déjà dans une démarche de recherche et d’apprentissage, ce qui en quelque sorte change sa relation avec le maître d’œuvre. Il a ses propres connaissances, et recherche plus un appui ou des conseils pour le guider qu’un créateur de projet. Il a besoin également de quelqu’un qui pourrait avoir les connaissances techniques pour suivre le chantier. D’ailleurs, lors d’un de mes entretiens, un autoconstructeur me parle d’une relation d’amitié qui s’est instaurée entre lui et le maître d’œuvre.

Même si la construction n’a pas été pleinement satisfaisante (d’un point de vue technique), l’expérience humaine n’en a pas été moins enrichissante. On peut donc parler de coopération entre maître d’œuvre et maître d’ouvrage.

Artisan et maître d’ouvrage  ; une relation au-delà des rapports strictement professionnels ?

« La marchandise et le produit tuent la production, et l’ouvrier du bâtiment est dépossédé de l’espace dans lequel il pouvait faire la preuve de son talent et de sa créativité. Il est dépossédé de l’ouvrage qui pouvait faire sa fierté. » (1)

1-Pierre Frey : Learning from vernacular, pour une nouvelle architecture vernaculaire. Actes sud. Tours : 2010, 173 p.

Lorsqu’il s’agit d’un chantier en autoconstruction accompagnée ou en auto-réhabilitation, la relation entre l’artisan et le maître d’ouvrage se voit également modifiée.

Pour cela, nous reviendrons sur les chantiers participatifs, en supposant que certains paramètres puissent se retrouver sur un chantier public. Nous nous focaliserons sur les rapports entre les différents acteurs.

On pourrait penser de prime abord que ce type de chantier pourrait faire concurrence au marché des artisans.

Viviane Hamon et Marie-Maud Gérard nous expliquent qu’il en va tout autrement (bien que l’étude soit concentrée sur les chantiers en auto-réhabilitation, en usant d’une multitude de matériaux, des parallèles peuvent être soulevés). D’abord, la participation des habitants à la construction de leur habitat est nécessaire pour que se réalise le bâtiment. De plus, les qualités relationnelles et l’implication de l’artisan va fidéliser une clientèle, ou leur en ouvrir une autre, puisque « le bouche à oreille » est le principal vecteur d’information dans le milieu de la construction.

« […] ils [ les artisans ] y trouvent leur compte non seulement d’un point de vue économique, mais également en termes personnels. En cela, ils font écho, comme en miroir, aux motivations qu’ils attribuent à leurs clients pour lesquels les questions d’accomplissement de soi et de fierté personnelle jouent tout autant que le seul besoin de réaliser des économies financières lorsqu’ils abordent ce type de projet. » (1)

1 et 2-Hamon Viviane et Gérard Marie-Maud, Des artisans du bâtiment partenaires de projets d’auto-réhabilitation : une posture bienveillante et stimulante, rapport de colloque. La construction du chez soi dans la transition énergétique : entre conceptions de la performance et pratiques habitantes. Sous la direction de Droz Céline, Requena Ruiz Ignacio, Mahé Kévin et Siret Daniel, AAU crenau, Nantes, 23/10/2015. 75 p.(p 33 et 34)

Ce qui est mis en avant ici, c’est l’idée que chacun s’y retrouve personnellement et que des valeurs ou une reconnaissance peuvent être partagées. Souvent, on assiste alors à la mise en place de nouvelles pratiques. Des échanges au-delà du service marchand, comme nous l’explique l’étude, voient le jour, qui vont du conseil, du prêt de matériels jusqu’au dépassement du temps de travail. L’artisan, en plus de sa mission première, développe un rôle d’accompagnateur. 

«  La qualité des relations établies apporte également des facilités logistiques au client, par la pratique très courante de prêt de matériel, en toute confiance de la part de l’entreprise. »

« En effet, ce type de chantier leur [ les artisans ] permet de mettre en œuvre les valeurs de transmission qu’elles ont en elles et de recevoir des signes de reconnaissance quant à la qualité et au sens du travail. »

Ainsi donc, les artisans qualifiés dans la construction paille, outre le fait d’utiliser un matériau écologique, reçoivent une gratification ajoutée à leur travail. Elle découle de la transmission et de l’échange. De plus, l’autoconstructeur, en participant à la construction, prend conscience de la valeur du travail de l’artisan.

On notera que ce n’est pas toujours l’artisan qui enseigne. Comme nous l’avons expliqué précédemment, l’autoconstructeur, initiateur de son projet, a accumulé un bagage théorique et parfois pratique dont il pourra faire profiter l’artisan si celui-ci n’a jamais eu l’occasion de travailler avec les techniques ou les matériaux utilisés sur le chantier.

« Ce sera d’autant plus sensible que cette fonction de conseil permet en quelque sorte d’abolir les barrières sociales. […] Par ailleurs, il n’est pas rare que les artisans apprennent également de ces maîtres d’ouvrage qui sont curieux, débrouillard, en recherches d’informations… et que le « formateur » ne soit pas toujours celui que l’on croit. »(1)

Relation architecte, artisan ; vers un horizontalité des hiérarchies ?

On peut supposer que la relation architecte/artisan se voit également modifiée. Comme la paille est une technique encore peut répandue, l’architecte, s’il n’est pas spécialisé dans la construction paille, devra plus que jamais prendre en compte les réflexions et les expériences des artisans. Il devra intégrer dès la conception les différences notoires entre une construction conventionnelle et un bâtiment en paille (épaisseur, ordre de mise en œuvre, répartition des charges…) Dans un sens, on peut penser qu’un chantier paille donne la possibilité d’une mise en horizontalité des hiérarchies. Chaque acteur apprend des autres, et le projet, pour qu’il soit cohérent, doit s’élaborer en collaboration, de la phase de conception à l’achèvement de l’édifice. On peut désormais se poser la question du rôle de l’architecte dans le projet d’un autoconstructeur qui souhaite bâtir une maison en paille.

1-Hamon Viviane et Gérard Marie-Maud, Des artisans du bâtiment partenaires de projets d’auto-réhabilitation : une posture bienveillante et stimulante, rapport de colloque. La construction du chez soi dans la transition énergétique : entre conceptions de la performance et pratiques habitantes. Sous la direction de Droz Céline, Requena Ruiz Ignacio, Mahé Kévin et Siret Daniel, AAU crenau, Nantes, 23/10/2015. 75 p.(p 35)