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3-L’ENVOL DE LA CONSTRUCTION PAILLE, LES MOYENS ET LEURS

B- LA QUESTION DE LA PREFABRICATION

D’un côté, nous avons les pro-artisans, partisan du circuit court et du faire soi même (le retour à la main contre la machine), et de l’autre, les acteurs qui sont pour la préfabrication d’une construction (entre autre les autoconstructeurs…). Il est sûre qu’une économie parallèle, s’engendre en restant hors du schéma actuelle. Mais il semble compliqué dans ces conditions d’étendre la construction paille à d’autres personnes que celles ayant des convictions éthiques forte ou ayant été sensibilisé.

De plus, même les autoconstructeurs s’étant lancé dans l’aventure y voit quelques objections. D’une part parce que cela demande un investissement énorme de temps et d’énergie, où il faudrait presque faire une « pause dans la vie » pour construire sa maison, car avec des enfants et un métier, cela semble être une charge de travail trop conséquence.

Donne-t-on la possibilité de pouvoir construire plus rapidement et plus sûrement pour des personnes qui investissent de l’argent ? Peut- on imposer une idéologie ou une certaine manière de construire? Certes, la maison qui se construit au fur et à mesure à sa propre histoire,son appropriation n’est pas la même…

De plus, l’usage d’élément préfabriqué implique de manipuler des engins, ce qui est alors moins accessible pour les autoconstructeurs. Cependant, si l’on reste dans l’optique d’étendre la construction paille ou de la varier, on ne peut nier que la technique du caisson est très appropriée (forme plus libre, possibilité d’augmenter le nombre d’étage…). A ce jour, l’immeuble de 8 étages, à Saint-Dié-des-Vosges en Lorraine, construit en ossature bois massif doublé de caissons de bois et paille, est le plus haut immeuble écologique d’habitation. il a été achevé en 2014 et conçu par l’architecte Antoine Pagnoux de l’agence ASP Architecture.

Ainsi, la préfabrication et la mise en place de lieu de stockage pourraient se développer, sans que l’autoconstruction ou les autres méthodes ne s’affaiblissent pour autant. La paille et les diverses techniques offrent la possibilité de choisir les méthodes les plus adaptées en fonction des clients, de la destination du bâtiment, des enjeux, sans pour autant que l’une en écrase l’autre.

parallèle avec des pratiques mineures. Est-il réellement possible de garder les deux sans que l’une ne prenne le pas sur l’autre. N’effacerait-on pas certaines spécificités qui font l’intérêt de la construction paille en voulant la diffuser plus largement ?

« Le terme « vernaculaire » provient du latin vernaculus, qui signifie «  indigène, domestique  », verna désignant «  l’esclave né dans la maison ». Reconnaître les cultures vernaculaires, ce serait donc d’abord rendre aux peuples réduits en esclavage leur place dans la maison commune de l’histoire des hommes. » (1)

Comme nous avons pu le constater tout au long de ce mémoire, la paille, outre ses intérêts techniques et ses qualités environnementales, permet de se décaler du circuit de fabrique de l’architecture conventionnel et d’offrir d’autres rapports et pratiques dans les relations humaines engendrées.

Cela suppose de se placer dans un contexte qui porte ses propres spécificités. En effet, la paille étant un produit indispensable aux agriculteurs, une vigilance s’impose sur sa ponction pour son utilisation dans la construction paille. Bien que la production dans la région semble tout à fait suffisante, les outils en Pays de la Loire pourraient tendre à se développer et rassembler leurs informations pour créer une base de données commune, qui rassemblerais tout les acteurs concernés et servirais de « catalogue » sur la disponibilité des matériaux de construction.

Par ailleurs se sont ces mêmes spécificités qui permettent à la construction paille d’entrer dans un cercle vertueux  : approvisionnement local, circuit court de la construction, possibilité d’appréhender la fin de vie du bâtiment, le recyclage ou le retour à la terre des matériau.

D’autre part, puisque la construction paille est intiment liée au monde agricole et en conséquence, au temps de récolte, on peut qualifier cette architecture comme étant saisonnière. Rappelons que le temps de la récolte, la fabrication de la botte et la mise en œuvre sur le chantier, se fait quasiment instantanément. C’est le moment de la fabrication de la maison où les divers acteurs se rencontrent. Toutes ces connexions dues au matériau paille permettent de rapprocher des acteurs et tisser des liens entre leur différents univers.

1- FREY Pierre : Learnig from vernacular, pour une nouvelle architecture vernaculaire. Actes sud. Tours : 2010, 173 pages.

fragilité, vient du fait qu’elle se situe dans la performance et non dans l’événement. » (1)

La construction paille est une technique abordable pour les autoconstructeurs en recherche d’habitations saines et dites ‘écologiques’. L’utilisation de la paille en marge du circuit conventionnel ne s’arrête pas là : le chantier participatif, pratique courante pour les autoconstructeurs et largement accompagné par les professionnels en Pays de la Loire, permet de mettre en place des pratiques professionnelles et individuelles hors du domaine marchand. Il est aussi le lieu de rencontres humaines ou chacun met en pratique, échanges et transmet ses savoirs et ses outils. Le chantier devient un lieu de convivialité intense.

« […] est vernaculaire, en somme, tout ce qui demeure périphérique ou extérieur aux flux mondiaux du capital et tout ce qui, de gré ou de force, se dérobe à son contrôle. » (2)

«  Une société conviviale est une société qui donne à l’homme la possibilité d’exercer l’action la plus autonome et la plus créative, à l’aide d’outils moins contrôlables par autrui. » (3)

Cependant, cette phase de la récolte et de la mise en œuvre entrelacées, peut engendrer des problèmes de logistiques, parfois lourd à supporter pour les autoconstructeurs, qui prennent le risque de repousser la construction de leur maison d’une année sur l’autre. Trouver des solutions pour pallier à ces désagrément s’avéreraient bénéfique pour les agriculteurs, les autoconstructeurs tout comme les professionnels.

1 et 2-FREY Pierre : Learnig from vernacular, pour une nouvelle architecture vernaculaire. Actes sud. Tours : 2010, 173 pages.

1-ILLICH Ivan, œuvre complète, tome 2, Librairie Arthème Fayard, Jouve, avril 2005. 951 pages. (p.367)

pratiquer son métier que dans un circuit conventionnel. Il pourrait se positionner en tant que médiateur et coordinateur.

Quand à la conception du bâtiment, l’écriture architecturale ne peut pas être la même non plus. Le matériau étant façonné par la botteleuse qui lui donne ses dimensions, l’idée serait donc de ramener le travail de l’épaisseur dans la pensée architecturale, en contre-pied à « la disparition du mur ». De même que la mise en œuvre d’un bâtiment pourrait être reconsidéré en fonction des nouveaux besoins liés à sa construction.

« Les communaux étaient les terres sur le produit desquelles tous les habitants d’une commune avaient des droits d’usage acquis, non pour en tirer des produits monnayables mais pour assurer la subsistance familiale. Les communaux sont cette partie de l’environnement dont le droit coutumier garantit la jouissance et sur laquelle il impose des formes spécifiques de respect communautaire. […] Ceux qui luttent pour la préservation de la biosphère et ceux qui, refusant un mode de vie caractérisé par le monopole des marchandises sur les activités, récupèrent par lambeaux la capacité de vivre hors du régime marchand de la rareté convergent à présent dans une alliance neuve au sein de laquelle tous les courant tendent à recouvrer et agrandir les communaux. Cette réalité sociale en émergence et convergence, André Gorz l’appelle l’ « archipel de la convivialité ».(1)

La construction paille, tel qu’elle est pratiquée aujourd’hui, requiert le déploiement d’interactions humaines, d’expérimentations, de retour dans un cycle naturel... Elle propose une philosophie à l’encontre de l’architecture-produit. Elle naît d’un contexte géographique, d’outils et de matériaux naturels, d’envies et de pratiques du faire soi-même.

l’introduction de l’ouvrage «  Learning from vernacular, pour une nouvelle architecture vernaculaire » de Pierre Frey.

Sans établir de règles préétablies et en donnant la possibilité d’innover, la construction paille peut être un acte de résistance qui peut heberger une architecture de la convivialité.

Sommes-nous témoin d’une évolution de la fabrique de l’architecture qui perdurera, à l’image d’une société qui prendrait une autre direction ? Ou n’est ce qu’un balbutiement qui se verra récupéré et balayé comme un « fétu de paille » par les codes établies du monde de la construction ?