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Les enseignements des “ modèles ” économiques théoriques et empiriques sur l’échange

C. La relation “ Espace-Transport ”

La relation “ Espace-Transport ” traite des liens existant entre la division spatiale des activités et la structure spatiale des transports de marchandises. Cette relation s’est principalement construite à travers les transformations des formes logistiques d’organisation des transports. Elle découle d’une accentuation de la concurrence intermodale fer/route et intramodale au transport routier d’une part et des progrès de productivité dans les transports d’autre part. Le coût de transport, qui constituait auparavant un des facteurs centraux des choix de localisation, a perdu de son importance et a ainsi renforcé le développement de la division spatiale des activités en raison d’une moins forte contrainte des coûts de séparation spatiale. La concurrence intrasectorielle au sein du mode routier, amplifiée par la déréglementation du secteur, a engendré avec les progrès de productivité des transports une diminution significative des prix et de ce fait des coûts de transport. La moindre part du coût du transport dans le coût global des produits face aux coûts de gestion et de production accrus par une plus forte valeur ajoutée intégrée aux produits a favorisé la division spatiale des activités et le développement d’organisations logistiques de transport en juste-à-temps ou en flux tendus (Savy et Veltz, 1989) intensives en déplacements.

Ces tendances d’organisation spatiale des activités et de la logistique transforment la géographie des flux de marchandises par l’augmentation des distances et par une moindre massification des envois. La tendance à l’éclatement spatial des activités est de plus fortement accrue par l’internationalisation de l’économie et la division spatiale des activités à l’échelle mondiale, avec des importations de matières premières pondéreuses presque exclusivement en provenance des pays en voie de développement. La nature des produits change également, comme nous l’avons souligné dans la relation “ Production-Transport ”, avec moins de matières premières incorporées et plus de valeur ajoutée. Cette évolution structurelle qui a des répercussions sur la

structure sectorielle de la demande et donc du fret pèse également sur l’organisation spatiale des flux. Le transport des marchandises à plus forte valeur ajoutée nécessite une moindre immobilisation de ces biens, car celle-ci s’avère alors beaucoup plus coûteuse qu’auparavant. La logique est alors celle d’une minimisation des coûts généralisés de transport (incluant le coût de stockage), “ la rapidité du transport devient un enjeu économique majeur, de même que la minimisation des stocks. A la logique de massification se substitue ainsi celle des flux tendus ” (Bonnafous, 1990).

L’évolution structurelle du système productif et l’évolution sectorielle du fret a favorisé le développement du transport express de petit colis, la messagerie. La croissance de ce type de transport a été propice à une nouvelle distribution spatiale du fret : la radialisation (Bonnafous, 1990). Ce type d’organisation spatiale des transports de marchandises ne suit plus la logique de ligne et de distance et de ce fait le coût de transport n’est plus seulement une fonction directe affine de la distance. Il fait également, et de plus en plus référence, à une prestation complète de services, à une qualité de service, à une fiabilité comprenant, outre le déplacement de la marchandise, la manutention, le stockage et parfois même le reconditionnement. La distance et donc le coût de transport stricto sensu ne correspondent plus qu’à un maillon d’une chaîne logistique complète. Les facteurs déterminants de cette logistique sont le remplissage critique des véhicules et l’efficacité nodale. Cette organisation a en effet des conséquences en termes de structuration de l’espace par l’établissement de nœuds, de points nodaux de transport qui constituent des facteurs attractifs de localisation. Cette organisation logistique de transport affecte à son tour la localisation des entreprises en favorisant les points nodaux, “ la structuration de l’espace en réseaux de transport tend à polariser les activités aux nœuds des réseaux au détriment des lieux intermédiaires ” (Jayet, Puig et Thisse, 1996). Au lieu d’un développement continu le long des axes de transport, on observe des implantations ponctuelles, observation confirmée par l’étude des impacts des autoroutes sur le développement régional (Plassard, 1977).

Les effets des différentes formes de localisation des activités économiques sur la distribution spatiale des transports de marchandises sont modélisés principalement à l’aide de modèles théoriques localisation-transport de type input-output. Les échanges de marchandises sont modélisés en fonction des différences de prix et de coûts de transport entre deux ou plusieurs régions. Le modèle multirégional MEPLAN (Simmonds et al., 1999 ; Quinet, 1998) établit une relation formalisée entre les structures économiques régionales et les flux spatialisés de transport. Ce modèle détermine les flux interrégionaux de marchandises en fonction d’un modèle économique régional faisant intervenir les structures de production et de consommation des régions et les différents degrés d’accessibilité régionale. Ce modèle permet également de rendre compte des interactions des transports sur la localisation des activités en réinjectant les coûts de transport modélisés dans le module économique.

Les réflexions relatives aux différentes relations de l’articulation “ Production-Espace- Transport ” sont formalisées, de façon plus pou moins complexe et détaillée, dans différents types de modèle, des modèles théoriques de localisation (modèle Core-periphery de Krugman), de l’échange (modèle néo-classique de Heckscher-Ohlin), ou des modèles empiriques de transport- localisation ou d’interaction spatiale. Notre approche relevant de cette dernière catégorie, nous présentons les grands traits caractéristiques de l’approche empirique de la modélisation spatiale du

transport de marchandises ainsi qu’un aperçu de quelques modèles intersectoriels appliqués, afin d’exposer les grandes méthodes utilisées pour expliciter et formaliser les deux relations “ Production-Transport ” et “ Espace-Transport ”dans un modèle appliqué de transport.

I-2. L’approche empirique de l’analyse des transports de marchandises

L’économie des transports étant une branche appliquée de l’économie, elle produit de nombreux travaux empiriques et analyses quantitatives nécessitant enquêtes, analyses de bases de données et construction de modèles descriptifs ou analytiques, de modèles de prévision ou de simulation des systèmes de transport de marchandises ou de personnes. La modélisation des trafics a davantage été développée en transport de personnes, et a connu des applications plus récentes au transport de marchandises. Toutefois, les premiers modèles empiriques relatifs au trafic entre deux zones spatiales se sont développés avec les modèles d’interaction spatiale de type gravitaire dès la fin du XIXème siècle avec les travaux de Carey en 1858 et de Ravenstein en 1885 et surtout au début du XXème siècle avec les recherches de Young en 1924, Reilly en 1929, Zipf en 1949 et Stewart en 19485. Les modèles d’interaction spatiale se sont par la suite complexifiés et diversifiés avec les modèles de maximisation de l’entropie et l’introduction de contraintes aux marges (Wilson, 1970 ; Fotheringham, O’Kelly, 1989). D’autres modèles empiriques de transport ont également été développés à partir des relations existant entre le système de transport et le système économique pour les modèles input-output et à partir de l’organisation logistique du système de transport et des interrelations avec le système de localisation et des infrastructures pour les modèles de réseau.

I-2-1. La logique des modèles d’interaction spatiale

La logique des modèles d’interaction spatiale est d’étudier et expliquer ou prévoir les flux de transport, déplacements de personnes ou trafics de marchandises, qui s’établissent entre différentes entités spatiales au cours d’une période de temps. Les modèles de transport et d’interaction spatiale sont utilisés plus généralement d’après Batten et Boyce (1986) pour faciliter l’explication et la prévision des systèmes d’interactions humaines et économiques au sein d’un espace géographique.