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Les modèles intersectoriels en transport de marchandises

Les enseignements des “ modèles ” économiques théoriques et empiriques sur l’échange

B. Les modèles intersectoriels en transport de marchandises

Les modèles intersectoriels de transport de marchandises regroupent différents types de modèles qui ont comme point commun de posséder un module économique et un module de transport au sein d’un système multirégional d’échange. Ces modèles s’inscrivent dans la catégorie des modèles d’interaction Transport-Localisation plus particulièrement développés dans le cadre des transports urbains de personnes. Ces modèles ont été développés à partir de l’analyse input- output du système économique d’une entité spatiale, nation ou région. Le principe des modèles input-output pour une région repose sur la construction d’une table des comptes interindustriels du système économique comportant des sorties (outputs) des diverses branches économiques et des entrants (inputs) dans les mêmes branches économiques, qui sont dans le premier cas des productions ou des importations et dans le second cas des consommations intermédiaires, des exportations ou la demande finale intérieure. Ce type d’analyse est communément utilisé en Comptabilité Nationale. La particularité des modèles interrégionaux input-output d’échange est d’étendre cette analyse aux échanges entre plusieurs entités spatiales. Le module économique comprend donc une table input-output des biens vendus et achetés, c’est-à-dire échangés entre les diverses régions du système économique étudié. Les coefficients input-output au sein de la table d’échange renseignent sur les liens entre les secteurs économiques, surtout industriels, des différentes régions. Ce type de module économique multirégional reposant sur une analyse input- output a été initialement développé par Isard (1951, cité par Gaudry et al., 1988). A partir de ces travaux, le premier modèle intégrant des tables input-output multirégionales et un modèle gravitaire de transport a été développé par Léontief et Strout (1963, cité par Gaudry et al., 1988 et Wilson, 1970).

En général, dans un modèle input-output de transport, le module économique exprime les relations interindustrielles à travers des coefficients input-output spatiaux, des coefficients de production et des coefficients de consommation finale ou intermédiaire pour un bien particulier d'une branche économique donnée dans les régions d'origine et de destination. Les équations structurelles de base intègrent la production totale d’un bien k dans une région i d'origine, le flux du bien k entre deux régions i et j, et la part de la demande finale du bien k dans une région j de destination satisfaite par la production de la région i.

Ces modèles nécessitent cependant des bases de données importantes pour l'élaboration des coefficients input-output qui sont définis généralement comme le produit d'un coefficient technique et d'un coefficient commercial, eux-mêmes difficiles à estimer. Ainsi, l’estimation des coefficients commerciaux repose sur des hypothèses simplificatrices, notamment que la proportion des inputs en provenance des différentes régions est fixe ou que le comportement des producteurs et des consommateurs est invariant avec la provenance et/ou la destination des biens (Gaudry et al., 1988).

B-1. Le modèle d’Amano et Fujita

Le modèle d’Amano et Fujita (1970, cité par Quinet, 1998) offre une évaluation de deux modules : un module économique et un module de transport. Le module économique repose sur une table input-output d’échanges commerciaux. Le module de transport détermine une matrice de structure des échanges interrégionaux en fonction de coûts de transport généralisés liés à l’offre de transport. Ces deux modules sont étroitement imbriqués et interagissent l’un sur l’autre comme le montre le schéma ci-dessous présenté par Quinet (1998) et établi par les auteurs.

Schéma I-2. Structure du modèle d’Amano et Fujita

Source : Amano, Fujita (1970), cité par Quinet (1998)

B-2. Le modèle FRET

Le modèle de simulation des flux de marchandises au Canada, FRET (Forecasting Regional Economies and Transportation) est un modèle composé de deux modules principaux (Gaudry et al., 1988). Le premier module de génération-distribution est un modèle entropique de simulation des flux interrégionaux de marchandises sur la base de contraintes input-output régionales. Le second module est relatif au partage modal et à l’affectation sur réseau. Le modèle FRET est un modèle désagrégé du point de vue spatial (67 zones) et sectoriel (88 catégories de biens et services).

La caractéristique du modèle FRET est d’intégrer partiellement les relations interindustrielles interrégionales responsables des flux d’échange de marchandises. Pour tenir compte de ces relations interindustrielles, le modèle intègre une table input-output des échanges inspirée du modèle interrégional de Isard. Le modèle de génération-distribution est un modèle entropique général, du type de celui développé par Wilson en tant que généralisation du modèle de type gravitaire de Léontief-Strout. Le modèle est de la forme suivante :

) ~ / ln( ijk ijk i j k k ij x z x MIN

∑∑∑

× [I-16]

selon les contraintes :

, n destinatio la à e contra finale demande k i ermédiaire demande R j k ij I h kh i origine l à e contra R j k ij x x int int 1 ' int 1 1 Ψ + =

= ∈ = α ∀ k I1 ; i R [I-17] 0 ≥ k ij x , k I1 ; i, j R avec : R nombre de régions

K nombre de biens et services

I1 ensemble des indices de biens commercialisables I2 ensemble des biens non commercialisables

k ij

x flux d’un bien k entre les régions i et j,

kh i

α besoins intérieurs totaux de bien k par unité de production du bien h dans la région i, k

i

Ψ demande finale du bien k dans la région i,

k ij

z~ valeur a priori pour le flux xijk

L’équation (I-18), qui est une mesure de distance entre deux distributions conduit à une solution qui tend vers les flux a priori z~ijk. Ces flux sont indirectement obtenus par régression linéaire intégrant les variables explicatives de coût de transport interrégional, de distance interrégionale, de niveau de production de la région d’origine et de niveau de consommation de la région de destination.

La résolution du modèle est déterminée de la façon suivante : ) , ( ~ k k k ij k ij z f z = ×

β

δ

[I-18]

avec : zijk flux commercialisables du bien k entre les régions i et j observés à l’année de base, k

β

ensemble des coefficients d’un modèle de régression pour le bien k, qui a la forme suivante avec les facteurs explicatifs énumérés précédemment :

) , , , , ( ~ ij k j k i k ij k k ij G CTK P A D z =

δ

[I-19] avec k

δ

ensemble des variations relatives aux variables socio-économiques inclues dans le modèle par rapport à l’année de base

k ij

CTK coût de transport par km d’une unité de bien k à l’année de base k

i

P production nette du bien k dans la région i à l’année de base k

j

A consommation nette du bien k par la région j à l’année de base

ij

D distance entre les régions i et j

Ce modèle présente donc un nombre élevé de variables et nécessite un travail important de collecte de données, en particulier pour la construction des coefficients input-output spatiaux.

B-3. Le modèle MEPLAN

Le modèle MEPLAN, élaboré par Martial Echenique et Partners en 1984 (Simmonds et al., 1999), est un ensemble de plusieurs modèles pouvant être modulés selon la demande d’application. Dans le cadre d’applications de transport à l’échelle régionale, le macro-model MEPLAN comprend essentiellement trois grands sous-modèles : un module économique de localisation (“ Land-Use module ”), un module d’interface entre localisation et transport (“ Interface module ”) et un module de transport (“ Transport module ”).

Dans les applications multirégionales de transport, l’accent est mis sur la localisation des activités industrielles et sur les mouvements de marchandises entre les différents lieux de production et de consommation. Le module économique de localisation modélise les structures économiques de production et de consommation des régions ainsi que leurs transformations à l’aide d’indicateurs d’emploi et de population. Les relations entre les divers secteurs économiques reposent sur l’estimation de coefficients input-output, fixes pour certains et variables pour d’autres, qui déterminent la part de la demande satisfaite par les importations depuis d’autres régions. Ces échanges sont déterminés à l’aide des écarts de prix entre les biens produits dans les différentes régions et les coûts de transport. Les prix du transport et les prix fonciers sont déterminés par un système d’équilibre de l’offre et de la demande entre les “ marchés ” de transport et de localisation. Le module économique de localisation fournit donc le module de distribution spatiale des échanges. Le module d’interface effectue le passage entre les échanges commerciaux et les flux de transport de marchandises. Il transforme également les désutilités de transport en pertes pour les échanges commerciaux et pour l’accessibilité, qui seront utilisées dans le modèle de transport. Le module d’interface représente donc le module de génération. Le module de transport effectue la répartition modale et réalise l’affectation des flux. Il met en évidence les phénomènes de congestion et de surcapacités routières et ferroviaires et permet de calculer les coûts de transport qui seront ensuite réinjectés dans le module économique de localisation à la période suivante.

Un quatrième module d’évaluation, “ Evaluation module ”, peut être utilisé pour réaliser une analyse coût-bénéfice de l’application d’une politique par rapport à une situation de référence. Des indicateurs de la performance du système de transport sont estimés, tels que des vitesses moyennes, des nuisances environnementales ou des consommations d’énergie.

Ces différents modules sont appliqués par période et agissent les uns sur les autres par le biais de rétroactions du module de transport vers le module économique de localisation, avec un pas de 5 années pour chaque rétroaction. De façon générale, les interrelations entre le module économique de localisation et le module de transport sont essentielles dans la structure du modèle MEPLAN. Ainsi, les flux de marchandises constituent une “ demande dérivée ” des interactions entre les différentes activités (Simmonds et al., 1999) et le transport a une influence sur la localisation des activités dans le temps en fonction des coûts de transport et des degrés d’accessibilité estimés.

B-4. Le modèle SMILE

Le modèle SMILE (Strategic Model for Integrated Logistic Evaluations) est un modèle stratégique pour le transport de marchandises et la logistique aux Pays-Bas (Tavasszy et al.,1998). L’hypothèse à la base du modèle est l’existence d’interactions étroites entre le système économique et l’organisation spatiale des activités d’une part et le système de transport d’autre part. L’évolution de la demande en transport de marchandises est donc dépendante des modifications de la structure économique nationale et internationale. En vue de comprendre et d’estimer les flux de marchandises circulant à l’avenir sur les infrastructures du pays, le modèle SMILE distingue les transports en lien direct avec les structures de production et de consommation néerlandaises et les transports indépendants de ces structures, c’est-à-dire les flux de transit.

Le modèle SMILE comprend trois niveaux : le niveau économique intégrant les chaînes de production, le niveau logistique intégrant le stockage dans des chaînes de distribution et le niveau transport traitant de la modélisation des flux de marchandises dans des chaînes de transport multimodales.

Schéma I-3. Structure globale du modèle SMILE

Source : Tavasszy et alii (1998)

Le premier niveau comporte des tableaux “ Make/Use ” qui fournissent des fonctions de production, pour chaque catégorie de produits, obtenues à partir d’une analyse détaillée des facteurs de production et de l’activité de chaque secteur de produits. Après confrontation avec des fonctions de consommation, des chaînes de production sont modélisées pour chaque catégorie de produits puis agrégées en réseaux de production plus vastes. Le deuxième niveau consiste à passer des échanges commerciaux aux échanges en flux physiques de transport. Ce passage est effectué en tenant compte des problématiques d’entreposage et de stockage de chaque chaîne logistique. Enfin, le troisième niveau établit une relation entre les chaînes logistiques et les différents réseaux multimodaux de transport. L’itinéraire optimal est alors recherché pour chaque type de produit.

C. Application récente en France de la modélisation intersectorielle et des interactions