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La méthode de modélisation de la part structurelle du fret (distribution spatiale)

La démarche méthodologique et de modélisation

B. La méthode de modélisation de la part structurelle du fret (distribution spatiale)

La phase de distribution spatiale consiste à répartir le fret généré par chaque zone d'émission ou d’attraction de flux entre les différentes zones de destination. D’un point de vue schématique, il s’agit de remplir les cellules intérieures d'une matrice croisée origine-destination (cf. tableau II-1). La phase préalable de génération a consisté, en relation avec une variable économique, à estimer les marges de la matrice ou sommes des flux émis et reçus par les différentes régions et le tonnage total interrégional.

Nous considérons une matrice 21x 21 régions car la région Corse est regroupée avec la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Ce regroupement s'explique par des raisons d'orientation géographique, les flux à destination de la Corse traversant systématiquement la région PACA (pour le mode routier, dominant), et pour des raisons statistiques, les données économiques relatives à la Corse étant parfois regroupées avec celles de PACA.

Tableau II-1. Matrice origine/destination des flux spatialisés d'échange

Origine /

Destination région 1 région j région 21

exportations totales

région 1 - T1,21

-

région i Ti,j Ti.

-

région 21 T21,1 -

importations totales

T.j T..

Tij : flux interrégional allant de la région i vers la région j.

Ti. : exportations ou émissions de la région i vers l’ensemble des autres régions françaises. T.j : importations ou réceptions de la région j depuis l'ensemble des autres régions.

T.. : ensemble des flux interrégionaux.

Les contraintes d’égalité suivantes sont à respecter lors de l’estimation des flux croisés :

∑∑

= i j ij T T.. Ti Tij j .=

Tj Tij i . =

[II-7] 4

La définition et l’expression des formes fonctionnelles les plus couramment utilisées et du type d’élasticité qui leur est associé sont développées et expliquées dans les ouvrages de JOHNSTON (1988), pp. 73-88 et de GRIFFITHS, HILL, JUDGE (1997), pp. 119-123.

B-1. Définition et fonction des coefficients structurels

L'observation des matrices origine-destination des flux interrégionaux de marchandises au cours des 20 années antérieures fait apparaître un déséquilibre des tonnages échangés. Les flux ne sont pas équilibrés sur l'ensemble de territoire national. Une répartition parfaitement équilibrée reste donc une hypothèse théorique. Cette hypothèse signifie que la distribution spatiale des flux à partir d'une région d'émission serait équitable vers toutes les régions de destination. Une telle répartition peut être calculée en fonction des capacités à exporter et à importer des différentes régions. Cette répartition est donc une estimation statistique sous une hypothèse d'indépendance des marges de la matrice O-D et est calculée par l'espérance mathématique de la part du fret échangé Tij dans le fret total T.. . Le trafic ainsi calculé, défini comme le trafic “ théorique ” par opposition au trafic “ observé ” ou “ réel ” est le produit des marges rapporté au tonnage total.

L'espérance mathématique de la part du fret Tij dans le trafic total T.. s'écrit de la façon suivante : E T T T T T T ij i j ( ) * .. . .. . .. = × [II-8]

Le trafic théorique s'écrit alors :

.. . . * T T T Tij = i × j [II-9]

Ce flux théorique est considéré comme potentiellement réalisable entre les deux régions i et j dans une situation d'indépendance des émissions et des réceptions. Cette situation d'indépendance peut être interprétée comme une situation dans laquelle les contraintes géographiques ou socio- économiques influant généralement sur les échanges ne sont pas considérées. L'effet de frein de la distance ou du coût de transport ainsi que l'effet d'attraction relatif notamment aux poids économiques ou aux spécialisations sectorielles des régions n'interviennent pas. Le flux théorique donne une estimation du niveau des échanges qui pourrait potentiellement se réaliser sans l'action de facteurs spatiaux ou socio-économiques.

La distribution spatiale du fret observée et la distribution potentielle "théorique" peuvent être comparées dans l'optique d'analyse des déséquilibres spatiaux des relations d'échange. Cette comparaison fait apparaître, d'une part, des liaisons d'échanges privilégiées dans la situation observée par rapport à la situation théorique et, d'autre part, des liaisons désavantagées. Cette analyse comparative est synthétisée par le coefficient structurel, qui se définit comme le rapport entre les tonnages réalisés dans la situation observée et ceux potentiellement réalisables dans la situation théorique. i j C S T T C S i j T T T T i j i j i j i j = * ⇔ = × . . .. [II-10]

La signification du coefficient structurel est très simple. Quand celui-ci est supérieur à l’unité, les tonnages échangés dans la situation observée sont supérieurs à ceux potentiellement réalisables dans la situation d’indépendance théorique. Les échanges observés sont alors qualifiés de

privilégiés ou préférentiels. A l’inverse, si le coefficient est inférieur à l’unité, les échanges dans la situation observée sont dits désavantagés ou freinés.

La distribution spatiale du fret interrégional est donc expliquée et modélisée par l'évaluation d'un sous-modèle de coefficients structurels sur les liaisons interrégionales d'échange. Les outils de modélisation sont équivalents à ceux utilisés dans la phase de génération à savoir la régression et l’analyse des séries chronologiques. La démarche concrète de modélisation consiste à expliquer d’une part le niveau et d’autre part l’évolution des coefficients structurels par des facteurs structurels spatiaux et socio-économiques qui se présentent comme l’expression des effets de la non uniformité de l’espace et plus précisément de sa différenciation et sa hiérarchisation socio- économiques et spatiale. En statique, l’intérêt d’une modélisation de la distribution spatiale par la méthode des coefficients structurels est de déterminer les raisons pour lesquelles certaines liaisons d’échange sont privilégiées voire fortement privilégiées ou, au contraire, sont désavantagées ou encore, mais plus rarement, sont équilibrées par rapport à la situation d’indépendance théorique. En dynamique, l’intérêt consiste à déterminer les évolutions socio-économiques ou spatiales, ou les effets temporels d’inertie, qui conduisent à maintenir certaines liaisons soit privilégiées soit désavantagées à long terme ou au contraire, cas relativement rare, à faire basculer certaines liaisons d’une situation privilégiée à une situation désavantagée ou inversement.

B-2. Apports méthodologiques de la méthode des coefficients structurels

Le premier apport méthodologique important est la démarche théorique d'explication et de modélisation des volumes de marchandises échangés, qui établit une distinction dans les tonnages transportés entre une part relevant de la production industrielle de biens et une autre part issue de la structuration spatiale du territoire par les activités économiques et les réseaux d'infrastructures. Cette distinction se démarque très nettement des méthodes de modélisation reposant sur les modèles gravitaires de distribution spatiale, qui modélisent en une seule étape les tonnages échangés.

La seconde particularité importante de cette méthode est d'estimer la distribution spatiale du fret à l'aide d'un indice ayant des fondements statistiques et ne faisant pas intervenir dans sa formalisation des facteurs économiques ou spatiaux susceptibles d'influer sur cette distribution c'est-à-dire d'être a priori les facteurs explicatifs. Ainsi, premièrement, la méthode des coefficients structurels a des fondements statistiques relatifs au calcul d’effectifs dans une situation d’indépendance théorique. L’avantage direct est de pouvoir comparer les coefficients puisque ceux-ci sont construits sur les mêmes bases et sont sans unité. Deuxièmement, le mode de construction du coefficient structurel ne fait intervenir que des données de transport appartenant aux variables expliquées du modèle. Ce point est un apport méthodologique central pour deux raisons. D’une part, il ne conditionne le calcul du coefficient structurel qu'à une seule catégorie de données, ce qui diminue les contraintes relatives à la constitution de bases de données empiriques et d’autre part, l'impact des facteurs explicatifs sur la distribution spatiale est déterminé de manière isolée. La détermination du niveau des coefficients structurels est réalisée par la recherche du meilleur ajustement entre le (les) facteur(s) explicatif(s) et les coefficients structurels à l'aide de régressions. Cette démarche d’introduction des facteurs explicatifs exogènes par le recours à la régression permet de quantifier plus nettement la part explicative de chaque variable exogène.

Le troisième apport méthodologique réside dans la robustesse des coefficients structurels en terme d'évolution lorsqu'ils sont calculés sur les flux réalisés dans un système d'interactions spatiales fermé et homogène tel que le territoire national français. Le terme fermé fait référence à un espace circonscrit pour lequel il est possible de construire une matrice d'échanges complète. Le terme homogène fait référence à la nature des données empiriques. Cette caractéristique est plus facile à obtenir au sein d'un Etat tel que le territoire français où les transports de marchandises interurbains sont mesurés suivant une même méthode et font l’objet d’un suivi annuel. Le recours à la méthode des coefficients structurels ne se poserait pas d'emblée dans les mêmes termes pour une modélisation des flux européens. Le principal problème serait alors de constituer une base homogène et complète de données de trafics. Cette robustesse des coefficients structurels en évolution s’avère un atout méthodologique et prévisionnel pour mettre en exergue les tendances longues d’évolution et, si nécessaire, recourir à des méthodes de prévision des séries chronologiques.

Enfin, cette méthode est fortement flexible du point de vue de l'analyse statistique. L'introduction de variables explicatives nouvelles ne pose pas de problème spécifique de formalisation. Les outils économétriques utilisés pour expliquer et modéliser la distribution spatiale du fret sont facilement abordables, relevant de la régression simple ou multiple. L’apport explicatif supplémentaire d’une nouvelle variable est mesuré par la variation de variance résiduelle. La méthode équivaut à tester si la diminution de variance résiduelle apportée par l’introduction d’une nouvelle variable explicative est significative. Ce test est similaire à celui effectué avec la déviance dans la régression de Poisson, rapport de probabilité utilisé pour évaluer la qualité apportée à l’ajustement (Flowerdew, 1991).

II-2. Les méthodes statistiques et les outils de modélisation

L’élaboration du modèle spatial de transport de marchandises s’inscrit dans le cadre de l’économétrie traditionnelle en ayant recours à la méthode statistique de la régression. Ce choix s’explique principalement par l’adaptation de cette méthode à notre problématique (cf. section III) et aux méthodes d’analyse et de modélisation retenues et précédemment exposées. Il s’explique également par les avantages intrinsèques à la méthode de régression très couramment utilisée, sur et avec laquelle de nombreux travaux ont été réalisés permettant de bien comprendre la logique et les hypothèses de cette méthode et d’en tirer une bonne compréhension des relations établies entre les variables étudiées. Enfin, cette méthode apporte les moyens de préciser le risque d’erreur de prévision du modèle à travers des tests statistiques d’hypothèses sur les paramètres et sur les résidus de la régression.

II-2-1. La régression

Nous présentons la méthode de régression dans le cas général, à savoir avec une seule variable explicative. Nous renvoyons les lecteurs aux ouvrages spécialisés sur la régression pour les questions se référant aux extensions et notamment à la régression multiple (Tomassone et alii, 1992 ; Johnston, 1988 ; Wonnacott, 1991 ; Griffiths et alii, 1997).