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1 Les deux caractéristiques centrales de la méthode d’analyse 1-1 Une conception systémique

La démarche méthodologique et de modélisation

II- 1 Les deux caractéristiques centrales de la méthode d’analyse 1-1 Une conception systémique

Les choix méthodologiques qui ont été retenus pour construire le modèle spatial de simulation du fret s’inscrivent dans une conception systémique des interactions spatiales et de la structure spatiale et socio-économique du territoire national français. La conception systémique renvoie à l’idée de dynamique, à la fois des composantes d’un système géographique et économique et des interrelations au sein de ce système.

Dans cette conception, l’espace national est considéré comme un système économique et géographique construit par la somme de ses composantes régionales. Celles-ci appartiennent à un tout, à une nation économique et politique. Cette même appartenance implique une certaine homogénéité du point de vue des marchés économiques, du cadre institutionnel ou fiscal mais n’exclut pas pour autant une hétérogénéité socio-économique et spatiale du territoire qui se manifeste par une différenciation et une hiérarchisation de ses attributs socio-économiques et géographiques. Ces deux situations, différenciation et hiérarchisation, relèvent des phénomènes de polarisation, de concentration et de division spatiale des activités d’une part et de spécialisations, sectorielles ou fonctionnelles, d’autre part. La logique de polarisation-concentration ressort à l’échelle régionale, avec des régions économiquement dominantes (Ile de France) et des régions “ périphériques ”, pour reprendre les termes de Lung (1995), qui accusent un certain retard de développement. Les régions dominées économiquement peuvent l’être du point de vue économique comme institutionnel, avec une répartition spatiale différenciée et déséquilibrée des fonctions de fabrication, d’assemblage, de décision ou de recherche et développement. La logique de spécialisation ressort avec les particularités économiques des différentes régions liées à la présence de ressources spécifiques (matières premières naturelles) comme d’actifs spécifiques ou de savoir- faire. Le renforcement des spécialisations dans une optique d’accroissement des rendements

d’échelle favorise à la fois la division spatiale des activités et le développement de pôles spécialisés, les deux phénomènes concourant à la multiplication des échanges de marchandises.

Ces deux facteurs, les formes spatiales de localisation et les spécialisations, sont les facettes territoriales de la croissance économique, et à la fois expriment les répercussions spatiales de la croissance économique d’un système et participent à la croissance par le biais d’une dynamique de l’échange. Les échanges commerciaux et les flux de marchandises, qui constituent leur expression physique, se développent au sein de l’espace en tant qu’interactions spatiales entre les composantes régionales du système économique d’ensemble. Les flux interrégionaux de marchandises sont ainsi considérés comme la matérialisation des interactions spatiales entre les sous-espaces régionaux du système. L’objet d’étude est donc le fret national éclaté selon un découpage régional. L’hypothèse sous-jacente à ces choix méthodologiques -et plus généralement à la conception systémique du cadre d’analyse- est que les relations commerciales extérieures du système n’interviennent pas dans la genèse de la structure, de la nature et de l’intensité des interactions spatiales exclusives à l’espace national. Ainsi, dans cette optique, les échanges extérieurs ne peuvent seulement que renforcer les interactions spatiales intérieures existantes. La dynamique d’un système économique national est donc déterminée par les interactions spatiales entre ses composantes socio-économiques et spatiales. Nous retrouvons pleinement la conception des interactions spatiales avancée par Vermot-Desroches (1994) : “ l’interaction spatiale s’identifie le plus souvent à une notion de dynamique économique qui spécifie et caractérise l’interdépendance entre les régions ”, ainsi que celle de Pini (1990), qui définit : “ l’ensemble des régions comme un système dont la dynamique fonctionnelle se manifeste par l’existence de flux interrégionaux de marchandises ”.

La démarche de modélisation engagée répond à la volonté de comprendre la configuration générale du système national d’interactions spatiales ainsi que son développement, dans sa dimension spatiale comme dans sa dimension temporelle, à l'instar de la logique poursuivie dans les modèles de maximisation de l'entropie. L’analyse et la modélisation des interactions spatiales sont ainsi menées dans un premier temps par une investigation en coupe instantanée. Il s’agit dans cette phase statique d’expliquer la distribution spatiale du fret à un moment donné en fonction des facteurs spatiaux et socio-économiques relatifs aux composantes régionales et aux liaisons d’échange entre ces régions (cf. XII-1 en section XII). La dimension temporelle des interactions spatiales est abordée ensuite par la recherche d’une corrélation (cf. XII-2 en section XII) entre les variations annuelles de l’intensité structurelle des échanges de marchandises et les variations annuelles des facteurs susceptibles de les affecter tels que la distance de transport, le temps et le coût de transport ou les capacités régionales à l’émission et à l’attraction (activité productive, spécialisations sectorielles, bassin de consommation, population, niveau de revenu, ...).

En raison de cette conception systémique, la démarche de modélisation des échanges interrégionaux de marchandises s’inscrit tout à fait dans la logique des modèles d’interaction spatiale qui cherchent à expliquer ou décrire, puis à projeter ou simuler, la configuration spatiale globale d’un système d’échange en établissant une relation formalisée entre la dimension “ potentiel ” du système (les capacités socio-économiques des composantes régionales, les

caractéristiques des liaisons spatiales d’échange) et de la dimension “ flux ” exprimée par les échanges de marchandises1.

La démarche concrète d’analyse puis de modélisation spatiale des flux de marchandises se déroule en deux grandes phases : la phase de génération et la phase de distribution spatiale, avec une distinction en deux temps de la première phase. La première étape de la phase de génération porte sur les volumes globaux de marchandises. Cette étape fait l’objet d’une phase descriptive du transport national de marchandises, exprimé en tonnes et en tonnes-kilomètres et distingué, du point de vue spatial, entre une part interrégionale et une part intrarégionale, du point de vue sectoriel, selon les grandes catégories de marchandises (chapitres et sections de la nomenclature statistique des transports2) et du point de vue modal selon les trois modes terrestres, route, fer et fluvial (cf. section VII). Cette première étape fait ensuite l’objet d’une formalisation dans un modèle de génération des tonnages globalement chargés soit à l’échelle interrégionale soit à l’échelle intrarégionale (cf. section XI). La seconde étape de la phase de génération s’intéresse à la participation des différentes composantes régionales dans la formation et dans l’évolution des transports de marchandises en interrégional comme en intrarégional (cf. section VIII). Cette seconde étape repose sur l’expression de parts régionales dans le fret interrégional et le fret intrarégional et sur la formalisation de leur tendance d’évolution à long terme (cf. XI-4 en section XI). La phase de distribution spatiale porte sur la description du niveau, de la nature et de l’évolution des interactions spatiales entre les composantes régionales exprimées par les tonnages de marchandises échangés annuellement (cf. section IX et X). Cette phase fait l’objet d’une modélisation par la recherche en coupe instantanée de corrélations entre les facteurs structurels socio-économiques et spatiaux, caractérisant les composantes régionales et les liaisons d’infrastructures interrégionales, et l’intensité structurelle des interactions spatiales (cf. XII-1 en section XII) puis d’une simulation par la formalisation de la tendance d’évolution de la structure spatiale des échanges de marchandises (cf. XII-2 en section XII).

Ces deux grandes phases d’analyse et de modélisation ont recours à des méthodes et des outils de modélisation spécifiques et s’inscrivent dans une méthode globale de modélisation spatiale : la méthode des coefficients structurels.

II-1-2. Une modélisation spatiale synchronique impulsée par la méthode