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Application récente en France de la modélisation intersectorielle et des interactions spatiales : le modèle F.I.I.R.M.

Les enseignements des “ modèles ” économiques théoriques et empiriques sur l’échange

C. Application récente en France de la modélisation intersectorielle et des interactions spatiales : le modèle F.I.I.R.M.

Les modèles d’interaction spatiale traitant de la génération et de la distribution spatiale des flux de marchandises au sein d’un espace économique national ont fait l’objet d’applications empiriques relativement récentes en Europe et en particulier en France. Nous ne recherchons pas une présentation exhaustive des modèles opérationnels d’interaction spatiale développés en Europe. Nous préférons présenter une application récente dont la méthodologie d’analyse et de formalisation est par certains cotés relativement proche et par d’autres éloignée de la méthodologie développée dans le modèle QuinQuin Fret Multirégional.

Le modèle de Flux Internationaux et Interrégionaux de Marchandises (F.I.I.R.M., Calzada, 1998) présente en commun avec le modèle QuinQuin Fret Multirégional le contexte d’étude, le découpage géographique, les données de transport (SITRAM), certaines données économiques (valeurs ajoutées brutes régionales, …), et une approche chronologique de la modélisation. Il diffère en revanche par l’ensemble des flux qu’il intègre (flux internationaux), et par les outils économétriques utilisés tels que les modèles de panels (modèle à erreurs composées), ou les modèles S.A.R. et S.T.A.R. en présence d’autocorrélation et/ou d’autorégression spatiale, même si les modèles des moindres carrés ordinaires sont également employés dans certains cas. L’analyse structurelle-résiduelle menée en phase d’analyse exploratoire des données diffère également puisqu’elle repose sur une analyse dynamique8 introduisant explicitement l’effet géographique dans le modèle de décomposition en effets structurels et géographiques et non plus sur une analyse descriptive déterminant indirectement l’effet géographique par différence entre l’effet national global et l’effet structurel.

La construction du modèle F.I.I.R.M. repose sur un certain nombre de contraintes et de principes méthodologiques. L’exercice s’attache à mettre en relation les données de transport (exprimées en tonnage) désagrégées selon la classification N.S.T. et les données économiques nationales ou régionales détaillées en NAP 40. Il repose sur une analyse exploratoire des données (analyse dynamique structurelle-géographique visant à estimer l’impact de spécialisations sectorielles régionales) et sur une analyse spatiale quantitative (visant à détecter des effets d’autocorrélation spatiale et/ou d’autorégression spatiale.) Enfin, le recours à des données économiques nationales, désagrégées par secteur économique (modèle DIVA-secteurs), est privilégié à une utilisation des données régionales jugées moins fiables (modèle DIVA-Région)9.

Le modèle F.I.I.R.M. se présente comme un instrument opérationnel de prévision des flux de transport de marchandises, exprimés en volumes physiques, en France à un horizon de long terme (2015/2020/2030). Le modèle est de type macroscopique désagrégé par produit et repose sur une analyse de séries chronologiques couvrant la période 1975-1995. Il comprend deux principaux modules : le module domestique (intra- et interrégional) et le module international. Le module domestique a fait l’objet de deux approches : une approche directe d’estimation de la matrice origine-destination des flux d’échange interrégionaux, et une approche indirecte d’estimation des

8

Cette méthode est présentée dans (JAYET, 1993).

9

Nous renvoyons sur ce point au travail de CALZADA etPENTEL (1999) relatif à l’analyse des données macro- économiques régionales.

marges de la matrice d’échange, à savoir les émissions et réceptions annuelles régionales. Seule l’approche directe est intégrée dans la version définitive du modèle. Le module international a fait l’objet d’une approche indirecte d’estimation des volumes d’exportation et d’importation internationales.

Schéma I-4. Démarche d’analyse et modules constitutifs du modèle FIIRM

Source : Calzada (1998)

Le module domestique (que l’on peut mettre en parallèle avec le module de fret interrégional du modèle QuinQuin Fret Multirégional) porte sur les échanges entre 21 régions françaises, échanges exprimés en tonnes et désagrégés en 5 grands secteurs économiques (agriculture, énergie, biens intermédiaires, biens d’équipement et biens de consommation). Ce module est réalisé à partir d’une approche directe (réalisée par le CESURE) qui consiste à appréhender la matrice des flux interrégionaux dans sa globalité, de façon “ agrégée ” et ceci pour chaque secteur d’activité. Dans cette optique, une émission interrégionale est déterminée à l’aide de trois facteurs : un indicateur de friction spatiale, les demandes de la région réceptrice et les possibilités d’émission de la région émettrice. L’indicateur de friction spatiale se présente comme une matrice de contiguïté donnant à la fois une expression des coûts généralisés de transport et des capacités d’échange entre les régions. La demande de la région réceptrice est exprimée d’une part par la population et le revenu disponible brut qui donnent une estimation de la consommation finale des produits, et d’autre part, par la production régionale (fonction de l’emploi sectoriel régional corrigé du progrès technique) et les investissements régionaux. Les possibilités d’émission de la région émettrice sont fonctions de l’emploi régional.

, ; ; ; ; ; ) ( ' int , origine région émission d és Possibilit i n destinatio région ermédiaire on consommati j NAP j n destinatio région finale on consommati j j spatiale friction contiguïté ij NST EMPLOI INV EMPLOI RDB POP C f D O Flux − = [I-20]

Cette structure est adaptée pour chacun des grands secteurs d’activité par une combinaison de l’ensemble ou seulement de certaines de ces variables explicatives, spécifiques pour certaines au secteur économique considéré (branches intervenant dans la consommation finale et la consommation intermédiaire de la région réceptrice pour le secteur considéré). Cette approche apporte un élément méthodologique important dans la modélisation des transports spatiaux de marchandises : l’interaction entre les produits émis par une région et reçus par les autres régions et réciproquement. On trouve ainsi dans le modèle F.I.I.R.M. la prise en compte de liens intersectoriels, estimés par les coefficients techniques du Tableau Entrées-Sorties national appliqué au niveau régional pour estimer le montant des biens i nécessaire au secteur i’ pour produire une unité de bien i’. La spécification du module domestique est de type gravitaire de la forme du modèle de Léontief et Strout. Par son module d’interaction entre les produits, ce modèle s’inscrit donc également dans les modèles intersectoriels de transport.

Le module international se divise entre un modèle des exportations et un modèle des importations. Pour les exportations, deux versions ont été développées. La version I (réalisée par le CER) est plus simplifiée avec comme objectif de donner une estimation approximative des volumes sans considérer un nombre trop important de variables explicatives. La version II (réalisée par le CESURE) est plus complexe, elle cherche à expliquer la formation et l’évolution des volumes exportés par la construction de fonctions d’exportation régionale.

L’évolution des tonnages à l’exportation internationale des régions françaises entre 1976 et 1994 est modélisée par des modèles log-linéaires développés pour chacun des 4 secteurs d’activité (agriculture, industrie agro-alimentaire, produits énergétiques, produits manufacturés). Les régressions sont réalisées avec la méthode des moindres carrés ordinaires. La variable explicative généralement retenue est d’ordre international, il s’agit de l’indice des PIB des pays ou groupes de pays étrangers. La spécification diffère pour les produits énergétiques, elle est de type top-down, mettant en relation les tonnages exportés régionaux avec les exportations nationales des secteurs T04 (production de combustibles minéraux solides) et T05 (production de pétrole et de gaz naturel).

Volumes des exportations NST = f (PIB étrangers) [I-21]

La modélisation de l’évolution des tonnages à l’importation internationale est effectuée à l’aide de modèles à erreurs composées et porte sur des variables par tête et sur une décomposition sectorielle en 12 classes (chapitres ou sections NST). Le choix du type de modèle est expliqué par la volonté de prendre en compte les phénomènes propres à chaque région, conjoncturels ou structurels, ayant des répercussions sur les volumes importés annuellement. Ce type de modèle consiste à décomposer la perturbation ou erreur du modèle (

ε

it) en trois parties : une composante temporelle (qui agrège les impacts des variables explicatives omises), une composante individuelle et une composante résiduelle :

it i t

it =

λ

+

α

+u

Cette méthode d’estimation utilise également une analyse de la variance en sous-variances “ within ” et “ between ” (Calzada, 1998) dans le but de mieux cerner la variabilité entre une variance inter-individuelle (inter ou between) et individuelle (intra ou within). Cette analyse de variance permet de choisir la spécification du modèle à erreurs composées, entre différences premières, taux de croissance, variable par tête, etc. (Calzada, 1998). L’analyse de variance est suivie d’un test de l’égalité des variances afin de détecter la présence éventuelle d’hétéroscédasticité dans les variances des variables expliquées comme explicatives, qui affecte aussi le choix de la spécification.

Les variables explicatives des importations sont des variables régionales exprimant la consommation finale des produits d’un côté et la consommation intermédiaire de l’autre. Le revenu disponible brut régional exprime la consommation finale et les productions dans les secteurs utilisateurs du type de produit en question (intra- et inter-branches déterminées à partir de l’analyse des coefficients techniques du Tableau des Entrées-Sorties national) représentent les consommations intermédiaires.

Volumes des importations NST = f (RDBR, production des secteurs utilisateursNAP, TES) [I-23] Les résultats mettent en évidence pour chaque secteur de produits une spécificité dans les importations à l’international des régions françaises (la variance inter étant supérieure à la variance intra).

Le modèle F.I.I.R.M. met en évidence les difficultés d’élaboration d’un modèle agrégé de prévision (mais aussi de simulation) des transports spatialisés de marchandises en cherchant à intégrer les spécificités propres aux diverses entités spatiales (régions), en considérant des variables explicatives à une échelle spatiale infra-nationale (statistiques économiques régionales) et en ne disposant pas d’information sur les relations économiques intersectorielles interrégionales (à l’instar des relations au niveau national informées par le Tableau Entrées-Sorties des Comptes de la Nation).

Ce bref panorama de différents types de modèles en transport de marchandises a mis en évidence la structure très détaillée du point de vue économique mais aussi technique des modèles intersectoriels par rapport aux modèles de type gravitaire. L’approche macroscopique de simulation retenue pour développer le modèle QuinQuin Fret Multirégional s’écarte donc des modèles intersectoriels par les données très agrégées utilisées et par l’absence de module économique et plus précisément de relations intersectorielles interrégionales.

Cet exposé sur les modèles d’interaction spatiale et les modèles intersectoriels de transport a été développé dans le but de positionner le modèle QuinQuin Fret Multirégional par rapport à diverses familles de modèles du point de vue de la méthodologie, des données statistiques disponibles, ou plus généralement des contraintes déterminant la problématique interne du modèle de transport. Nous allons maintenant présenter la démarche méthodologique et de modélisation à la base de la construction du modèle QuinQuin Fret Multirégional.

Section II.