Recueil des données : outils de recueil et données recueillies

4.5.1. L’entretien de type compréhensif

Les outils de recueil sélectionnés pour cette recherche sont l’entretien de type compréhensif (Kaufmann, 2016) et l’enregistrement audio de ces entretiens. Le choix de ce type d’entretiens découle de la thématique étudiée dans ce mémoire et du type de données à récolter. En effet, ces entretiens sont les plus adaptés pour accéder aux ressentis et aux perceptions des acteurs. Ils permettent d’accéder à la subjectivité de ces derniers et de prendre en compte le sens commun comme source d’information. C’est aussi une méthode privilégiée lorsque l’on s’intéresse à des données qualitatives.

Dans le cadre de notre recherche, 9 entretiens d’environ 50 à 60 minutes ont été menés avec neuf enseignants spécialisés issus de trois écoles de pédagogie spécialisée du canton de Genève. Les participants ont été invités à répondre à un certain nombre de questions afin qu’ils puissent s’exprimer sur leur conception et leur vécu des violences, mais aussi pour qu’ils puissent décrire en toute transparence ce qui s’opère au niveau de leur activité professionnelle lorsqu’ils sont victimes, voire témoins d’une situation perçue et vécue comme violente. Les enseignants interrogés ont donc été questionnés sur leur perception de la violence au travail, puis ils ont été invités à se remémorer et décrire de façon explicite une

situation emblématique qu’ils ont vécue comme particulièrement violente. Enfin, les professionnels ont été amenés à parler de leur ressenti, de leur activité pédagogique, didactique, collaborative, et de leur identité professionnelle au sein de l’ECPS à court, moyen et long terme à la suite de l’incident violent décrit.

Les entretiens compréhensifs comportent de nombreux avantages, mais aussi des inconvénients. Ils donnent à l’interviewé (plutôt informateur) une certaine liberté, et permettent ainsi à ce dernier d’aborder des points qui n’étaient pas anticipés par le canevas d’entretien. En effet, cette méthode d’entretien permet d’accéder au ressenti des acteurs.

Ce type d’entretien laisse un espace conséquent à la parole des interviewés. En revanche, mener de tels entretiens n’est pas anodin et demande de maîtriser un certain nombre de compétences. Il faut pouvoir mettre la personne en confiance pour qu’elle s’ouvre véritablement et parle de son vécu, il faut savoir faire les bonnes relances au bon moment, il faut aussi, compte tenu du caractère assez libre de ces entretiens, pouvoir ramener les interviewés à la question de la recherche et ne pas trop déborder. En d’autres termes, il y a une attitude et un savoir-faire spécifique à développer pour pouvoir mener convenablement ce type d’entretien.

Les données recueillies sont des données qualitatives. Leurs réponses et les propos obtenus pendant ces entretiens sont donc le matériau principal de cette recherche.

L’enregistrement des entretiens a été réalisé au moyen d’un enregistreur audio emprunté à l’UNIGE. Ces enregistrements ont été conservés en sécurité sur un ordinateur sous un fichier protégé par un mot de passe et ont été détruits aussitôt leur transcription réalisée.

4.5.2. Le canevas d’entretien

Pour guider nos entretiens nous avons construit un canevas d’entretien organisé en quatre grandes parties : 1) conception de la violence ; 2) activité pédagogique ; 3) activité didactique ; 4) identité professionnelle. Ces différentes parties de l’entretien permettaient de faire ressortir quatre grands axes thématiques :

1. Conception de la violence 2. Vécu des violences

3. Implication des violences sur l’activité des enseignants 4. Identité professionnelle

Pour rendre compte de l’organisation générale de notre canevas d’entretien, des différentes questions qui ont été posées et des axes thématiques qui en découlent, nous proposons le tableau récapitulatif suivant (voir canevas d’entretien complet en annexe) :

Tableau n° 4 : Récapitulatif des parties, des questions et des axes thématiques du canevas d’entretien

Parties du canevas

d’entretien Questions principales du canevas Axes thématiques

mobilisés contexte implique sur votre pratique d’enseignant spécialisé ?

2. Quelles sont les formes de violences que vous rencontrez dans votre quotidien d’enseignant-e spécialisé-e ? Comment se manifestent-elles (coups, cris, violences d’attitude, etc.) ?

3. Quelle signification ou interprétation donnez-vous aux manifestations de violence ? Que traduisent-elles selon vous (plusieurs réponses possibles) ?

4. Pouvez-vous me proposer une définition de la violence qui fasse sens dans votre contexte d’enseignement ? 5. Que produisent chez/en vous les comportements violents

d’élève ? Que ressentez-vous… ? Que vous dites-vous ? A quoi pensez-vous ? En parlez-vous à quelqu’un en particulier ?

6. Pouvez-vous raconter avec précision une situation récente qui a été pour vous emblématique de la violence vécue dans votre contexte d’enseignement et qui vous a particulièrement touché-e ?

1. Dans quelle mesure considérez-vous que la situation que vous avez vécue a modifié votre façon de vous y prendre (d’être) avec vos élèves à court terme, c’est-à-dire directement après l’incident ?

2. Qu’est-ce que le vécu de cette situation a modifié sur le plus long terme au niveau de vos pratiques certains ajustements ? Si oui, lesquels ? Pourquoi ? 2. Comment évaluez-vous votre niveau d’exigences par

rapport aux élèves ce jour-là (exigences pédagogiques et exigences didactiques) ?

Implications sur l’activité des professionnels

Partie 4 : identité professionnelle

1. Vous sentez-vous à votre place lorsque vous devez gérer des situations violentes telles que celle que vous venez de décrire ? Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ?

2. Dans quelle mesure considérez-vous que la gestion de ces situations fait partie de votre fonction d’enseignant-e spécialisé-e ?

3. Vous sentez-vous outillé-e et compétent-e pour faire face à ce genre de situation ? Sur quoi ou sur qui pouvez-vous vous appuyer pour y faire face ?

4. Qu’est-ce que les situations de violence produisent sur votre sentiment de compétence et sur votre sentiment d’efficacité ? Comment vous situez-vous par rapport à ces deux points ?

Identité professionnelle

Dans le cadre de ces entretiens, les participants ont d’abord été interrogés sur leur conception de la violence. Ils ont ensuite été questionnés sur leur activité pédagogique (au travers notamment de la question du climat de classe et du rapport entretenu avec les élèves) et sur leur activité didactique en contexte d’ECPS, et ce précisément en prenant appui sur une situation singulière qu’ils percevaient et décrivaient comme particulièrement violente. Enfin, les enseignants ont été amenés à évoquer les liens établis entre leur activité professionnelle en situation perçue comme violente et leur identité professionnelle d’enseignant spécialisé.

Le canevas a été conçu de manière à ce que l’on puisse rebondir facilement d’une question à l’autre et jongler entre les questions en fonction du déroulement de l’entretien.

Effectivement, bien que celui-ci soit bien fourni et composé de beaucoup de questions, il a été pensé de façon à ce que l’on puisse l’utiliser de façon flexible. Tout a été mis en œuvre lors de la passation pour que l’entretien n’ait pas l’air d’un simple échange du type question-réponse, mais bien d’un échange le plus naturel possible. Cela était une condition nécessaire pour que les participants puissent libérer leur parole et être authentiques dans leur témoignage.

Le canevas d’entretien a fait l’objet de quelques modifications en cours de route. En effet, la passation des premiers entretiens nous a permis d’effectuer un certain nombre d’ajustements en cours de route. C’est le cas de certaines questions non pertinentes qui ont été supprimées et de certaines questions qui ont été formulées autrement, car visiblement elles n’étaient pas comprises comme nous le souhaitions par les interviewés.