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5. Présentation et discussion des résultats

5.1. Regard des enseignants spécialisés sur la violence en contexte d’institution

5.1.1. Définition de la violence

Dans le cadre de nos entretiens, les enseignants ont été interrogés sur leur définition de la violence (voir canevas d’entretien en annexe). Il s’agissait pour eux de proposer une définition générale de la violence qui fasse sens dans leur contexte d’enseignement. Cette question était volontairement très générale, car nous cherchions à identifier, dans un premier temps, ce que la violence évoquait pour les enseignants. Tous les enseignants n’ont pas été invités à proposer une définition de la violence, car cette question a seulement été intégrée (voir canevas d’entretien en annexe) à notre canevas d’entretien à partir du 6ème entretien. Néanmoins, tous les enseignants ont laissé apparaître à un moment ou un autre leur définition de la violence. Pour ces enseignants, nous avons identifié certains passages qui nous ont permis de rendre compte de leur définition de la violence. Vous retrouvez les propos employés par les enseignants pour définir la violence dans le tableau ci-après.

Tableau n° 6 : Définitions de la violence par les enseignants spécialisés

ENS.1 : « Pour moi la violence c’est une intention, quand il y a un agissement, quand il y a une action. Quand c’est visé et ça peut être de la violence physique mais pour moi quand on a un enfant qui reste mutique par choix aussi c’est une certaine forme de violence ».

ENS. 1 : « pour moi quand j’entends violence, ça veut dire qu’on parle de choses qui ne devraient pas arriver ».

ENS.2 : l’enseignante 2 semble en accord avec le fait que les violences portent atteinte à des victimes. Elle ne définit nulle part la violence en tant que telle. Nous ne disposons donc ici d’aucun extrait d’entretien.

ENS.3 : « Je pense que ce qui fait violence, c’est du moment où on se sent agressé et là du coup ça peut être n’importe quelle forme de violence. C’est du moment où on se retrouve à travailler avec un enfant et qu’on va se sentir vraiment agressé dans notre rôle ou dans notre personne en fait ».

ENS.4 : « La violence chez nous, c'est plutôt un message, mal exprimé certes, mais un message des élèves à l'intention des adultes : "aidez-moi" ».

ENS.5 : « une grosse débauche d’énergie ».

ENS. 6 : « Et puis aussi, le fait de faire du mal à autrui, c’est-à-dire de ne pas respecter le droit de l'autre. On a le droit de pas être agressé. C'est un acte qui va faire du mal à quelqu'un d'autre et qui est répréhensible parce qu'il y a une offense qui va être faite à une personne, que ce soit un enfant ou un adulte ».

« Et puis, si elle utilise une force excessive par rapport au problème, c'est la violence. C'est une manière inadéquate de traiter un problème ou une situation qui ne convient pas aux personnes ».

ENS.7 : « Alors, c'est quand on... quand on essaie de repousser, sans ménagements, les limites de quelqu'un pour ne pas tenir compte de son... de ce qu'il est, de ses demandes, de ses besoins, que ce soit en tant qu'élève ou en tant qu'enseignant ou éducateur, je pense que c'est un peu à ça que... ça peut balancer comme ça ».

ENS.8 : « La violence c'est dès qu'on porte atteinte à l'autre, soit de façon physique ou verbale, c'est dès le moment où on s'en prend à quelqu'un. Qu'on porte atteinte que ça soit verbalement, par des insultes et menaces ou physiquement. C'est dès qu'on dépasse une certaine limite à ne pas

dépasser vis-à-vis d'un pair ou d'un adulte, c'est comme ça que je la définirai, et puis c'est le mal et la souffrance qu'on peut générer chez l'autre ».

ENS.9 : « La violence, c'est ce qui... c'est vraiment leur mal-être et leur désarroi. Ils ne savent pas vraiment comment exprimer autrement qu'à travers cette violence. Et en ECPS, on est là pour les guider. Ouais, en tout cas, moi, c'est vraiment le mal-être interne qu'ils ne savent pas exprimer à travers le langage. Parce que souvent, s'ils avaient la parole ou la manière d'exprimer ce qu'ils ressentent au lieu de frapper et d'aller faire cette violence, ils pourraient le dire à travers les mots ».

En analysant ces extraits, nous constatons que la plupart des professionnels considèrent que ce qui est violent, c’est ce qui « porte atteinte à l’autre » (ENS. 7), la violence c’est le fait de

« faire mal à autrui » (ENS. 6). Autrement dit, la violence est liée au « mal et [à] la souffrance que l’on peut générer chez l’autre » (ENS. 8). Ces extraits montrent que les enseignants interviewés accordent beaucoup d’importance à la victime dans leur définition de la violence. Effectivement, il semblerait que la violence soit surtout vue sous le prisme de ce qu’elle occasionne chez les individus, plus que sous l’angle de l’acte en lui-même.

Deux participants de notre échantillon associent quant à eux la violence au franchissement d’une limite et considèrent que ce qui est violent c’est le fait de repousser les limites de quelqu’un sans prendre en considération sa personne. Comme l’affirme l’enseignant 7 :

[La violence] c’est quand on…quand on essaie de repousser, sans ménagements, les limites de quelqu'un pour ne pas tenir compte de son... de ce qu'il est, de ses demandes, de ses besoins, que ce soit en tant qu'élève ou en tant qu'enseignant ou éducateur. (ENS. 7)

Dans le même registre, l’enseignante 6 définit la violence comme étant un non-respect du droit d’autrui à ne pas être agressé. Ces deux enseignants (ENS. 6 et 7) considèrent donc que la violence est liée au fait d’outrepasser une limite, une limite qui est propre à chacun.

Cette façon de voir la violence, c’est-à-dire, comme le franchissement d’un seuil apporte une dimension intéressante à la définition de la violence. Effectivement, par cette définition, ces enseignants montrent que la violence n’est pas forcément liée à un acte physique ou verbal, mais qu’il peut aussi s’agir de la non prise en compte des besoins, des spécificités et des droits d’une personne. Plus encore, derrière ces définitions se dégage l’idée selon laquelle la violence serait subjective et dépendrait de la sensibilité de chacun.

Les définitions proposées par les enseignants 4,6,7 et 9 montrent que la violence est aussi vue comme un mode de communication inadapté, mais un mode de communication quand même employé par certains enfants pour exprimer leur mal-être ou encore leur frustration.

A ce propos, l’enseignante 9 parle d’un « mal-être interne [que les élèves] ne savent pas exprimer à travers le langage ». L’enseignante 4 définit également la violence comme un mode de communication, et elle propose de la voir comme « un message, mal exprimé certes, mais un message des élèves à l'intention des adultes [qui signifie] : "aidez-moi" ».

L’idée de cette définition est de voir la violence comme le moyen d’expression d’un mal-être. Dans le même sens, l’enseignante 6 dit quant à elle que la violence est « une manière inadéquate de traiter un problème ou une situation qui ne convient pas aux personnes ».

Les enseignantes 1 et 6 considèrent quant à elles que la violence est un acte répréhensible.

En ce sens, elles voient la violence comme un acte qui ne devrait pas se produire, en tout cas au regard de la loi.

Enfin, compte tenu de ce que nous avons pu entendre lors des entretiens, il semble que la violence soit violence parce qu’elle produit quelque chose de désagréable chez la personne.

En outre, les enseignants ne sont pas en mesure de proposer une définition exhaustive de la

violence, justement parce que cela est une affaire individuelle, une affaire de ressenti qui appartient à l’individu comme le montre l’enseignante 1 lorsqu’elle affirme que « la sensibilité de chaque personne est différente et on ne va pas vivre la violence de la même manière, on ne va pas la décrire de la même manière » (ENS. 1).