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Encadré : Les consommateurs face au prix de l’eau et de l’assainissement

D) Un recouvrement équitable des coûts

La contribution de chacun à l’intérêt collectif doit être proportionnelle à la responsabilité effective en matière de pollution et de consommation déraisonnable (particuliers, entreprises, metteurs sur le marché de produits polluants, agriculteurs, …), ce qui suppose une application équitable du principe pollueur-payeur, le renforcement des sanctions en cas de non respect de la législation et de la règlementation concernant la préservation des ressources, et des mesures plus contraignantes pour réduire les pollutions à la source.

Les services publics de l’eau et de l’assainissement ont toute latitude pour déterminer leur structure tarifaire et leur règlement de service. Il dépend de leur volonté politique d’engager une véritable concertation avec les représentants des consommateurs et usagers, notamment au sein des Commissions consultatives qu’il convient de généraliser.

Comment améliorer le financement et la durabilité des services publics d’eau et d’assainissement français? | 12/02/2013

Encadré : Comment paie-t-on l’eau ailleurs, et que faut-il comparer ?

(B. Barraqué, directeur de recherche au CNRS, Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement (CIRED), EAU&3E)

Depuis le milieu du XIXe siècle, l’invention du compteur d’eau a détaché potentiellement l’eau comme bien de consommation de l’eau comme ressource, et en a transformé le caractère de bien commun (common pool resource) en celui de bien de club, défini par la liberté d’adhésion et l’égalité dans la tarification. Mais il reste des pays où on paie encore au forfait, d’autres où l’assainissement n’est pas payé dans la facture, et d’autres encore où il n’y a qu’un compteur par immeuble dans les villes. La documentation historique est sur ce point assez limitée, mais au milieu du XIXe siècle, les réseaux d’eau étaient déjà en pleine expansion en Angleterre, et les coûts étaient généralement couverts par des forfaits, voire par des taxes locales. Ce rapport à l’eau comme service administratif local est resté dominant dans la culture d’autres pays du Commonwealth comme le Canada et aujourd’hui encore, deux tiers des ménages britanniques (et une proportion encore supérieure des Irlandais) n’ont pas de compteurs, et paient l’eau et l’assainissement via des impôts locaux liés à la valeur locative de leur logement (les rates), malgré la privatisation totale des services d’eau qui avait prévu la généralisation des compteurs en 2000.

En revanche, comme la plupart des Européens du continent, les Français paient tous l’eau via un compteur et des factures. En effet, les services à caractère industriel et commercial (eau, gaz, électricité) correspondent à la notion de service rendu, et doivent être facturés, non pas financés par l’impôt. Inversement, ils paient par des impôts et à des autorités publiques les services publics à caractère administratif parce qu’obligatoires : par exemple le drainage de la pluie ou l’enlèvement des ordures ménagères dans beaucoup de cas ; l’assainissement des eaux usées était couvert par les taxes foncières, jusqu’au décret d’octobre 1967 qui a permis de transférer les charges dans les factures d’eau. Et cela a fait augmenter le prix de l’eau considérablement. Si l’on décompose la facture d’eau française moyenne, on s’aperçoit que (depuis 1996) la part de l’assainissement (redevance pollution incluse) est supérieure à celle de l’eau potable dans le prix du m3 d’eau. Avec la nécessité de respecter les directives européennes en matière d’assainissement, la structure de la facture d’eau devrait encore évoluer vers une plus grande part du coût à long terme de l’assainissement. En Allemagne, où les redevances aux agences de l’eau n’existent pas, l’assainissement fait nettement plus de la moitié de la facture d’eau…

Pour les services depuis longtemps commerciaux, si EDF et GDF gèrent la distribution jusqu’au domicile de chaque ménage, donc jusqu’aux appartements dans les immeubles, ce n’est pas le cas pour l’eau : dans les immeubles collectifs, il n’y a souvent qu’un compteur en pied d’immeuble, et la compagnie ou la régie envoie une seule facture au gestionnaire, et ne s’occupe pas des réseaux intérieurs. C’est d’ailleurs une situation fréquente dans de nombreuses villes d’Europe, où le comptage est collectif, quitte à ce que la mise en place de compteurs que l’on appelle divisionnaires permette de répartir la facture en fonction des consommations de chaque appartement et non plus des surfaces ou autres données. Dans beaucoup de villes espagnoles et portugaises,

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25Voir la présentation du tarif de l’eau de Los Angeles et de ses conséquences en termes de consommation dans le blog du projet de recherches ANR-EAU&3E: http://eau3e.hypotheses.org

et à un moindre degré en Italie, les compteurs d’eau ont été installés en même temps que les réseaux, c'est-à-dire plus tard qu’en France, aux Pays-Bas ou en Allemagne : la technologie des compteurs était alors d’usage courant, et ainsi, aujourd’hui, chaque famille, même en immeuble collectif, reçoit sa propre facture d’eau.

Aux États-Unis, la situation est contrastée : le comptage de l’eau est généralisé, notamment dans les villes de l’Ouest où l’habitat est surtout pavillonnaire et où les consommations d’eau par personne sont trois à cinq fois plus élevées qu’en Europe. Mais de très grandes villes de l’Est comme New York et Chicago n’ont introduit les compteurs que très récemment, et n’ont pas encore fini de s’équiper. Lorsqu’elles le font, elles choisissent le comptage collectif plutôt qu’individuel. New York a même mis au point un dispositif d’aide financière à la conversion au comptage, avec un plafonnement des factures d’eau au niveau antérieur des rates pendant deux ans, le temps que l’immeuble trouve et réduise ses fuites… Mais les États-Unis sont aussi le pays de naissance des smart meters, les compteurs à télé-relève, qui permettent un suivi en temps réel si on le désire et à coût marginal nul, des consommations des habitants, ainsi que des tarifications sophistiquées, saisonnières et/ou par tranches croissantes25. Ainsi, Boston, qui a généralisé les compteurs collectifs d’immeubles à télé-relève, offre aux résidents une tarification par tranches croissantes tenant compte du nombre d’habitants derrière chaque compteur… Cela suppose que les habitants regroupés derrière un compteur seulement 10 sociétés privées appartenant à de grands syndicats mixtes de communes et de provinces, et elle est payée au volume. L’assainissement est couvert par des taxes d’habitation payées aux communes. Mais l’épuration des eaux usées est payée, avec la protection contre les inondations, à ces institutions uniques et historiques de drainage, les wateringues, qui en ont été chargées. Du coup, ce service d’épuration est payé sur une base familiale de 2.5 ou 3 personnes sans tenir compte du nombre d’enfants, sauf pour les célibataires qui paient pour un. Par exemple, pour un ménage propriétaire d’une maison à Delft, l’accès à l’eau s’élève à 556€ par an (soit 5,71€/m3), dont la facturation est répartie de la manière suivante :

- pour l’eau potable : 177€ soit 1,82€/m3 - pour les égouts : 165€ soit 1,70€/m3 - pour l’assainissement : 214€ soit 2,20€/m3

Cela rend le coût total de la gestion de l’eau urbaine plus acceptable.

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Pour conclure, on doit attirer l’attention sur le fait que le prix de l’eau au mètre cube n’est pas un indicateur suffisant pour faire des comparaisons internationales. En effet, à cause du poids des coûts fixes liés à l’infrastructure, des consommations élevées se traduisent par une baisse du coût marginal même à long terme. Et, si le prix unitaire s’en trouve réduit, la facture annuelle ne baisse pas. Autrement dit, si les Allemands paient en moyenne leur mètre cube 30% plus cher que les Français, comme leur consommation par personne est de 20% moins élevée, ils se retrouvent avec à peu près la même chose à payer par an ; et ils paient même moins par abonné, puisque la taille moyenne de leurs ménages est nettement inférieure à celle des Français (2.1 contre 2.5, les néerlandais étant à 2.3).

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1.4.2 Les évolutions des modes de consommation : l’analyse des impacts économiques, financiers et techniques de la baisse des consommations d’eau potable

(C. Wittner, UMR GESTE, Irstea-Engees )

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