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l'amélioration de la performance des services publics locaux de l'eau et de l'assainissement

(P.-A. Roche70, P. Marest 71, ASTEE)

Les collectivités en France ont fait des choix divers quant au mode d’organisation de leurs services publics d’eau et d’assainissement et leurs structures actuelles ne peuvent ignorer le fruit de leur histoire. Se dessinent des exigences de progrès et des méthodes communes à ces diverses situations. On peut ainsi tracer un cadre général d’intervention, fondé sur la notion de contrat de service qui apporte de sérieuses clarifications et proposer un plan d’action de renforcement des capacités de chacun des acteurs impliqués.

A) Un défi à relever par les collectivités territoriales : la complexité

Les collectivités locales et notamment les communes et leurs groupements intercommunaux, sont tout à la fois confrontées, quotidiennement, à la mise en œuvre des services publics de proximité et à long terme, à la résolution, au niveau local, des grands défis du développement durable notamment environnementaux comme le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources et la préservation de la biodiversité, ainsi que de ceux posés par l’évolution des modes de vie. Leur nécessaire implication aux niveaux national, européen et mondial dans la gouvernance des grandes questions de société, au cœur des problématiques locales, au nombre desquelles la gestion des services publics locaux environnementaux, semble faire aujourd’hui consensus. Le renforcement du rôle des autorités locales a été mis en avant notamment par le Pacte d’Istanbul conclu au 5ème Forum Mondial de l’Eau, puis confirmé à Marseille lors du 6ème Forum en 2012.

La multiplicité et la complexité des sujets traités rendent nécessaires, de plus en plus, une grande maîtrise technique qui exige une ingénierie de plus en plus performante72. Ainsi, pour les acteurs publics locaux les enjeux induits se déclinent essentiellement sur trois grands registres, politico-institutionnel (modes d’organisation, relations institutionnelles), financier (coûts à prendre en compte) et technique (réponses technologiques), et se concentrent essentiellement dans leur capacité à exercer leurs rôles d’autorité organisatrice des services publics et de maître d’ouvrage, essentielle pour conserver la maîtrise publique.

70 Président de l’ASTEE, directeur général adjoint, responsable du pôle Aménagement du territoire au conseil général des Hauts de Seine.

71 Vice-président de l’ASTEE, délégué aux collectivités territoriales, directeur général environnement et services urbains de Nantes Métropole.

72 Yves Daudigny : « Rapport d’information n°557 du Sénat sur l’ingénierie publique du 15/06/2010 ».

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La mise en pratique soulève ainsi de multiples questions qui sont autant de défis collectifs à relever au niveau local. Les changements et les questions doivent être pris en compte ; des réponses adaptées doivent être trouvées et mises en application par les acteurs locaux73:

- une organisation efficace fondée sur des autorités organisatrices fortes. L’autorité organisatrice est l’autorité publique qui a la légitimité pour organiser un service public sur un territoire et qui en garantit la bonne exécution dans le cadre des textes en vigueur.

- des opérateurs de réseaux performants, que ceux-ci soient publics, d’économie mixte ou privés. L’opérateur de réseaux est l’organisme chargé par l’autorité organisatrice de remplir la mission de service public, c’est-à-dire délivrer la prestation à l’usager, faire fonctionner le réseau et entretenir les biens mis à disposition par la collectivité.

- des liens clarifiés par un contrat de service entre les autorités organisatrices et les opérateurs, un Etat régulateur et garant de la transparence pour les citoyens-usagers.

Le citoyen-usager, est citoyen dans sa relation avec l’autorité organisatrice et usager dans sa relation avec l’opérateur de réseaux. C’est la satisfaction de ses besoins, la réponse à ses aspirations, qui doivent gouverner l’action publique dans le cadre de l’intérêt général.

B) Pourquoi des autorités organisatrices fortes ?

L’autorité organisatrice doit pouvoir pleinement exercer son rôle. Les champs d’intervention sont nombreux et structurants : périmètre et compétences, étude des besoins collectifs, information et participation de la population, définition du service (niveau et qualité), choix des modes de gestion, gestion des patrimoines (ressources, réseaux et équipements), des moyens et de la politique tarifaire, exécution du service… La détermination de l’opérateur de réseaux est une décision majeure pour l’autorité organisatrice : elle doit être en capacité de maîtriser l’ensemble des leviers essentiels avec une capacité réelle d’action. Aussi, la mise en œuvre effective de ses missions avec le niveau de maîtrise souhaité requiert une réelle expertise « métier », scientifique et technique, mais aussi économique, sociale, juridique… et un savoir-faire éprouvé.

L’autorité organisatrice doit également préparer l’avenir en recherchant des réponses et des idées, nouvelles, indispensables, d’autant plus que le contexte économique et financier est de plus en plus contraint. Une des voies privilégiée est de développer l’innovation par la recherche partenariale, l’innovation n’étant pas seulement technologique mais portant aussi bien sur les services, les méthodes de travail, l’organisation, la logistique... pour accroître la capacité opérationnelle, la capacité d’expertise et enfin rechercher l’amélioration des services délivrés à la population.

73 Marest et Roche, in « Améliorer la performance des services publics d’eau et d’assainissement », ouvrage collectif, ASTEE, 2012.

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C) Pourquoi des opérateurs de réseaux performants ?

L’opérateur de réseau doit avoir et faire valoir une vraie légitimité technique. Sa performance, qu’il soit public ou privé, est cruciale pour délivrer le service à l’usager. En effet, c’est lui qui assure le contact de proximité, au plus proche de la population. La teneur et la qualité de sa relation contractuelle avec l’autorité organisatrice est déterminante pour le service et donc in fine pour l’usager. La formalisation de la fonction d’opérateur de service public permet d’en fixer les missions pour l’ensemble des opérateurs publics et privés :

- produire le service à l’usager tel que défini par l’autorité organisatrice ; - entretenir et maintenir les biens mis à disposition par la collectivité publique ;

- rendre compte à l’autorité organisatrice et proposer des améliorations pour faire progresser le service public.

D) Pourquoi des contrats de service ?

Les missions des opérateurs sont déclinées dans des contrats de service, marchés ou délégations avec les opérateurs privés, habilitations ou contractualisations sur des objectifs et des moyens avec les opérateurs publics, selon le contexte.

Un contrat de service est applicable quel que soit le mode d’organisation. En effet, les fonctions d’autorité organisatrice et de maître d’ouvrage doivent être très clairement séparées de celles d’exploitant ou de maître d’œuvre pour éviter les confusions de rôles et mieux cibler les expertises nécessaires. Dans le cas d’une régie, la clarification des relations entre l’autorité organisatrice et celle-ci en tant qu’opérateur de réseaux doit être de même niveau et de même clarté qu’avec une entité extérieure.

L’intérêt de disposer d’une feuille de route avec des objectifs précis est double : il permet un contrôle ciblé de l’autorité organisatrice et stimule les performances des opérateurs de réseaux. Dans tous les cas, les indicateurs de performance et les objectifs d’efficacité du service rendu aux usagers sont de même nature. L’ensemble de ces dispositions doivent figurer clairement et systématiquement dans le contrat, avec un suivi et une évaluation réguliers de la performance atteinte, par l’autorité organisatrice.

E) Pourquoi une régulation par l’Etat ?

Enfin, l’Etat doit être régulateur et garant de la transparence en collaboration étroite avec des autorités organisatrices locales à l’écoute des citoyens-usagers. Les services publics locaux de l’environnement sont d’exceptionnels outils de solidarité et rendent des services essentiels en termes de santé publique et de confort de la vie quotidienne. C’est un enjeu politique majeur.

En France cette régulation est exercée par des outils normatifs (notamment concernant l’encadrement des délégations de services publics ou autres types de contrats) ou règlementaires, par des mécanismes de taxation et de financement (agences de l’eau) et

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comme une « sunshine regulation » ou « régulation par la mise en lumière »74 par la création de l’observatoire SISPEA. Au regard de la complexité des problèmes posés, l’organisation d’un système de mutualisation national des informations s’avère un élément de réponse pertinent, à la fois pour renforcer l’expertise propre de chaque structure, mais également développer une expertise collective sur le rôle d’autorité organisatrice et de maître d’ouvrage.

F) Le benchmark et le choix des indicateurs de mesure de la performance

Cette clarification va de pair avec la mesure de la performance. Le cadre proposé permet bien de différencier les diverses évaluations à conduire, en distinguant bien la part d’évaluation des politiques publiques (indicateurs de la collectivité) et d’évaluation de l’efficience du service rendu75.

Les diverses initiatives destinées à fournir des jeux standardisés d’indicateurs et de permettre la mesure des progrès et la comparaison des services sont nombreuses. Le travail collectif piloté par l’ASTEE cité précédemment a permis d’identifier des pistes d’améliorations destinées à crédibiliser et à enrichir ces démarches :

- la recherche de moyens de vérifications indépendantes des données fournies ;

- un commentaire collectif des indicateurs avec les retours d’expérience tant dans les cercles des organisations de scientifiques et techniciens que dans les instances de partage de l’expérience des autorités, en évitant le cloisonnement des acteurs.

G) Financer et faciliter l’innovation

Les besoins de recherche et d’innovation, qui sont détaillés plus loin, sont au cœur de ce chemin de progrès mesuré. Leur financement n’est pas simple par des autorités locales dispersées. Les initiatives pour organiser et financer des appels à projets dédiés à l’innovation-action portées par la direction de l’eau et de la biodiversité, l’ONEMA et les agences de l’eau à l’occasion de la préparation de leur prochain programme d’intervention constituent sans doute la clé d’un succès rapide, en mobilisant des circuits financiers éprouvés avec un support d’institutions structurées pour porter ces initiatives et les valoriser, en lien étroit avec les pôles de compétitivité. Il est important que dans la définition de ces appels d’offres les attentes des collectivités soient entendues et traduites dans les cahiers des charges76.

74 Bruno Johannès and Pierre-Alain Roche, « The regulation of water public services in France », in « regulating network utilities in the U.E. », Oxford University Press, Oxford, 2000.

75 Payen et Roche, in « Améliorer la performance des services publics d’eau et d’assainissement, ouvrage collectif », ASTEE, 2012

76 L’ASTEE peut jouer un rôle utile dans cette dynamique pour fédérer les remontées de besoins opérationnels et de transcrire ceux-ci en besoins de recherche et d’innovation. En effet, depuis 2009, l’ASTEE a décidé de renforcer ses efforts pour accompagner les collectivités locales sur les services publics locaux de l’environnement, en partenariat avec les grandes associations d’élus et des ingénieurs et techniciens territoriaux, par la promotion de l’affirmation du rôle d’autorité organisatrice dévolu aux collectivités ainsi que par le renforcement de l’implication des collectivités locales aux niveaux européen et international. Dans ce but, l’ASTEE a lancé une initiative avec Association des Ingénieurs Territoriaux de France et Association des Techniciens Territoriaux de France, dont « l’ambition commune est de favoriser la mise en place d’un appui scientifique et technique, dans le domaine de l’environnement et des services publics locaux, dédié aux collectivités ».

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