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Le nouveau service public de gestion des eaux pluviales et la taxe associée

Encadré : L’interaction entre approches techniques et approches financières comme vecteur de progression?

B) Le nouveau service public de gestion des eaux pluviales et la taxe associée

Pour tenter de résoudre ces difficultés, la possibilité de créer un instrument financier dédié avait été introduite dès le projet de loi sur l'eau de 1992, réflexion qui prendront près de 20 ans pour aboutir. Les travaux préparatoires des différents projets de lois sur l'eau qui ont suivi ont permis d'examiner différentes alternatives : création d'une redevance aux profits des agences de l'eau ou des communes, taxe sur les volumes raccordés, sur les surfaces imperméabilisées raccordées (LEMA) et enfin une taxe sur les surfaces imperméabilisées, raccordées ou non, en zones urbaines ou à urbaniser finalement adoptée en juillet 2010 (Grenelle 2).

Les articles de L. 2333-97 à L. 233-101 du Code général des Collectivités territoriales (CGCT) prévoient ainsi que les communes et leur groupements ont la possibilité de créer un nouveau service public administratif spécifique de gestion des eaux pluviales urbaines pouvant facultativement être financé, en totalité ou pour partie par une taxe annuelle associée : la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines. Cette disposition a été rendue applicable par le décret n°2011-815 du 6 juillet 2011 définissant et encadrant les modalités d'application de la taxe tout en permettant aux collectivités de la moduler en fonction du contexte local.

Traités spécifiquement à l'art. L. 2333-101, les départements de la petite couronne de Paris ainsi que le Syndicat Interdépartemental pour l'Assainissement de l'Agglomération Parisienne (SIAAP) peuvent également mettre en place un service public de gestion des eaux pluviales urbaines associé à la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines.

Si ce nouvel outil fiscal permet de dégager des ressources propres affectées directement à la gestion des eaux pluviales urbaines, il a avant tout pour objectif de changer les comportements en incitant à la gestion des eaux pluviales à la parcelle62 grâce à un système d'abattement lorsque sont mises en place des techniques alternatives compensant l'imperméabilisation. Ainsi les recettes apportées par la taxe sont vouées à diminuer et cette évolution devra être anticipée par la collectivité instituant la taxe.

60 Ernst &Young (2007). Étude relative à la récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau pour les districts français ou partie des districts internationaux en application de la Directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000.

Mise à jour, septembre 2007, MeDD-DE.

61Cour des comptes (1997). La gestion des services publics locaux d’eau et d’assainissement. Rapport public particulier, 172 p.

62Il peut s'agir de bassins de rétention, de puits d'infiltration, etc.

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Seules des communes ayant créé un service public de gestion des eaux pluviales urbaines63, ayant défini de fait les éléments constitutifs de son système de gestion des eaux pluviales urbaines et étant dotées d'un document d'urbanisme en vigueur64 peuvent mettre en place la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines. Lorsque tout ou partie des missions de gestion des eaux pluviales urbaines est assuré par un établissement public de coopération intercommunale ou un syndicat mixte, la taxe est instituée prioritairement par ce groupement qui reverse le produit de la taxe au prorata des dépenses engagées. Si ce groupement n'institue pas la taxe alors les communes qui en sont membres peuvent la mettre en place si elles ont gardé une partie de la compétence eaux pluviales.

La taxe assise sur la superficie cadastrale ou évaluée des terrains ou voiries est due par tous les propriétaires privés et publics dont le bien ancien ou neuf (unité foncière inclue) se trouve dans une zone définie comme urbaine ou à urbaniser ouverte à l'urbanisation dans un document d'urbanisme en vigueur. Toutefois la surface non imperméabilisée pourra être déduite de l'assiette sur déclaration du propriétaire assujetti. De fait, la taxe peut concerner directement la puissance publique et notamment les collectivités territoriales qui en tant que propriétaires des voiries publiques, notamment municipales, peuvent représenter les plus grands contributeurs à la taxe.

La collectivité instituant la taxe a la possibilité d'ajuster trois paramètres dans les limites fixées par la loi et le décret, lui permettant ainsi de définir une stratégie de tarification locale. Le tarif de la taxe ne peut dépasser 1€/m2; la superficie minimale de recouvrement à partir de laquelle la taxe ne peut être recouverte ne peut pas dépasser 600 m2 de surface imperméabilisée et enfin trois taux d'abattements attribués aux dispositifs selon leur efficacité à éviter ou à limiter les rejets d'eaux pluviales en dehors du terrain (ou de la voirie) sont à fixer comme suit :

a) Le premier taux d'abattement compris entre 90 et 100% correspond aux dispositifs permettant d'éviter tout rejet d'eaux pluviales en dehors du terrain ou de la voirie.

b) Le second taux d'abattement compris entre 40 et 90% correspond quant à lui aux dispositifs limitant les rejets d'eau pluviale hors du terrain (ou de la voirie) à un débit inférieur ou égal à une valeur fixée par délibération.

c) Le troisième taux d'abattement compris entre 20 et 40% est attribué aux dispositifs limitant les rejets hors du terrain (ou de la voirie) sans satisfaire à la condition de débit définie en b).

Ces taux peuvent être majorés de 10% au plus pour tenir compte de l'efficacité du dispositif à diminuer les besoins de traitement des eaux pluviales par le service public de gestion des eaux pluviales urbaines. Si un dispositif de limitation de rejet d'eaux pluviales appartient à plusieurs propriétaires, tous ces propriétaires bénéficieront du même taux d'abattement. La taxe peut être réduite voir annulée si le terrain constituant l’assiette de la taxe n’est que partiellement imperméabilisé ou s’il est doté de dispositifs évitant et limitant les rejets hors du terrain ou de la voirie.

63 Un service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines peut exister sans que la taxe ne soit mise en place auquel cas le budget général contribue à son financement. A l'inverse la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines ne peut être mise en place si le service public de gestion des eaux pluviales urbaines n'est pas préalablement créé.

64 Un POS, un PLU ou une carte communale.

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La délibération permettant de fixer le tarif, le seuil de recouvrement, les taux d'abattement et le débit limite doit être prise par la collectivité instituant la taxe avant le 1er octobre de l'année précédant l'année d'imposition. La taxe est calculée en fonction des éléments que cette même collectivité a en sa possession et à partir d'un système déclaratif qu'elle met en place. En effet, avant le 1er mars de la première année de recouvrement, elle adresse un formulaire de déclaration pré-rempli (avec copie de la délibération) aux potentiels redevables qui ont deux mois pour retourner le document avec si nécessaire des demandes de déduction des surfaces non imperméabilisées et d'abattement.

Le système déclaratif entraîne des contrôles. Des agents qualifiés nommés par le maire ou le président de l'établissement public ont accès aux propriétés et effectuent des contrôles sur le terrain leur permettant de vérifier les éléments déclarés (surfaces non imperméabilisées et efficacité des dispositifs donnant droit à abattement). Un avis de vérification est adressé aux propriétaires au moins 15 jours précédant la visite de l'agent. Le bénéfice de la déduction des surfaces non imperméabilisées ou de l'abattement peut-être retiré en cas de refus d'accès à la propriété ou de déclaration inexacte. Il appartient au service de prioriser et de programmer les contrôles.

La taxe est recouvrée par le comptable public selon les conditions fixées par l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales. Un état annexe au compte administratif retrace les recettes procurées par cette taxe et leur emploi exclusivement affecté à la création, l'exploitation, au renouvellement, à l'extension des installations de gestion des eaux pluviales urbaines, à l'entretien de ces ouvrages ainsi qu'au contrôle des dispositifs évitant ou limitant le déversement de ces eaux dans les ouvrages publics. Dans le cas où le produit de la taxe ne couvre pas toutes les dépenses du service, un transfert du budget général vers l'état annexe pourra être effectué pour équilibrer le budget.

La taxe s'inscrit dans une démarche globale de meilleure gestion des eaux pluviales. Elle permet à la fois de mobiliser des moyens pour mettre en œuvre une politique durable de maîtrise des eaux pluviales urbaines et constitue un outil économique transparent à la disposition des collectivités.

Au delà de l'outil fiscal, la taxe doit être perçue aujourd'hui comme étant une réelle opportunité de mener une réflexion sur le développement d'une politique globale pour une meilleure gestion des eaux pluviales urbaines en s'appuyant sur d'autres outils que les collectivités ont déjà à leur disposition (zonage pluvial, règlement d'assainissement, etc.).

La taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines est aujourd'hui à l'épreuve de sa mise en œuvre. Une veille a été mise en place par le MEDDE afin de suivre de près l'appropriation de ce nouvel instrument par les collectivités. Aujourd'hui plusieurs d'entre elles étudient l'opportunité et la faisabilité d'instaurer la taxe mais seules quelques rares collectivités l'ont effectivement mise en place en 2012, telles que la communauté d'agglomération du Douaisis (59) ou la commune de Sauzé-Vaussais (79).

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Étant donné le caractère récent et facultatif de ce dispositif, il n'est pas envisagé à ce stade de le faire évoluer. C'est à partir de retours de terrains que se dessineront les limites de cet outil et que pourront alors être envisagées d'éventuelles évolutions. Pour répondre à la complexité de mise en œuvre de la taxe sur le territoire de la petite couronne de Paris où de nombreuses échelles de compétence « eaux pluviales » se superposent65, il y aura sans doute nécessité d'imaginer et de développer des approches collectives innovantes pour décliner la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines à l'échelle la plus pertinente66.

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65 Communes, établissements publics de coopération intercommunale et syndicats mixtes, départements, SIAAP.

66 Pour plus d'informations, se référer à :

FNCCR (2008). La collecte, le transport, le stockage et les traitements des eaux pluviales : périmètre de la compétence et contribution (éventuelle) versée au budget du service de collecte des eaux usées. 11 p.

MEDD (2012). La taxe pour la gestion des eaux pluviales. Guide d'accompagnement. 92 p.

Sibeud E. (2011). Politique de maîtrise des eaux pluviales urbaines. Grand Lyon. In GRAIE (2011), La taxe eaux pluviales : textes réglementaires, guide d’application et étude d’opportunités, Recueil des supports d’intervention de la journée du 14 octobre 2011, pp. 14-18.

67 ll s'agissait alors du SIADO, Syndicat Intercommunal d'Assainissement de la région de Douai, créé en 1966. Il transfère la compétence assainissement à la CAD en 2005.

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