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Reconstruction de l’état « chat de Schrödinger »

IV.2 Reconstruction des états par entropie Maximum

IV.2.2 Reconstruction de l’état « chat de Schrödinger »

Nous venons de voir une méthode permettant de mesurer directement une fonction appro-chante de la fonction de Wigner. On ne peut cependant pas se satisfaire de cette analyse pour plusieurs raisons. Premièrement, la fonction mesurée n’est pas exactement la fonction de Wigner

(a)

(b)

(c)

F. IV.6 – Deux coupes de la partie réelle de la fonction de Wigner généralisée. La figure (a) montre le résultat attendu théoriquement. Les valeurs mesurées sur la coupe rectiligne et sur la coupe circulaire sont représentées respectivement en (b) et (c) en bleu (carrés) pour le chat pair et en rouge (triangles) pour le chat impair. Les franges d’oscillations sont bien en opposition de phase tandis que les composantes classiques sont identiques. Les fluctuations rapides des signaux mesurés sont dues au bruit statistique.

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F. IV.7 – Les différents point de mesure de la fonction de Wigner généralisée αν dans le plan complexe.

du champ. De plus, Les points mesurés sont tous entachés d’un bruit statistique et le nombre de points dont nous disposons ne permet pas de réaliser une interpolation satisfaisante de la fonction en tout les points de l’espace des phases. En outre, la fonction de Wigner possède une certaine régularité2. Ainsi, les différents points de la fonction de Wigner apportent une information redon-dante et nous verrons qu’il suffit en pratique d’un petit nombre de points de mesure pour pouvoir reconstruire l’état.

La méthode du maximum de l’entropie présentée au chapitre I permet naturellement de réa-liser cette reconstruction. Les valeurs de la fonction de Wigner généralisée en différents points du plan complexe seront les observables utilisées pour contraindre la matrice densité. Ces quan-tités directement accessibles à l’expérience ont toutes les chances de contraindre complètement la matrice densité à cause de leur ressemblance avec la fonction de Wigner. On notera {G(αi)} les différentes observables correspondant à la mesure de la partie réelle de la fonction de Wigner généralisée au point d’amplitude complexe αi, et on notera giles valeurs moyennes mesurées :

gi =hG(αi)i = TrhD(αi)ρD(−αi) cos(Φ( ˆN) − Φ(0))i

. (IV.25)

Il est très simple de varier la phase ou l’amplitude du nombre complexe α en balayant la fréquence du générateur servant à injecter le champ dans la cavité ou la durée de l’injection. Nous pouvons ainsi facilement obtenir différentes « coupes » de forme circulaires ou rectilignes dans le plan complexe. La figure IV.7 montre par exemple les différents points αi utilisés pour reconstruire un état chat de Schrödinger. Au total, nous disposons de Npoints ≈ 600 couplesi,gi). L’état doit alors vérifier le jeu de contraintes :

Tr(ρG(αi)) = gi, (IV.26)

tout en présentant l’entropie la plus grande possible. Nous avons vu au chapitre I qu’une méthode pour résoudre ce problème consiste à partir d’une matrice densité de la forme :

ρ0= 1 Z exp       −X ν≥1 λνGν        (IV.27)

et de trouver la valeur des multiplicateurs de Lagrange λν qui minimise l’écart aux points expé-rimentaux : χ2 = M X ν=1 (Tr(ρ0Gν) − gν)2. (IV.28) La figure IV.8(a) présente le résultat obtenu en réalisant toutes les opérations dans un espace de Hilbert très grand (N = 20). On distingue déjà à ce stade les caractéristiques physiques at-tendues : deux composantes classiques nettement séparées et un jeu de franges oscillants entre valeurs négatives et positives au centre. Néanmoins, la fonction de Wigner présente de nom-breuses « vaguelettes » sans origine physique. Ces oscillations rapides sont dues au bruit statis-tique que l’on peut observer par exemple sur la figure IV.2.1. En effet, en permettant les nombres de photons très élevés, on autorise des oscillations très rapides de la fonction de Wigner gé-néralisée. Ainsi, pour s’ajuster sur les fluctuations statistiques des données expérimentales, la matrice densité va faire intervenir des nombre de photons élevés correspondant à des bruits à haute fréquence sur la fonction de Wigner. En quelque sorte, ce problème est inhérent à la mé-thode d’entropie maximum puisque la matrice densité choisie doit impérativement reproduire les valeurs moyennes mesurées. Afin de lisser ces oscillations rapides, on peut utiliser un argu-ment physique. Etant donnée l’énergie injectée initialeargu-ment dans la cavité, on sait que le nombre de photons dans le champ ne peut excéder une dizaine. On va donc reconstruire l’état dans un espace de Hilbert de dimension réduite. De plus, l’état obtenu n’est pas centré sur l’origine de l’espace des phases, mais entre les deux composantes classiques au point d’amplitude complexe

αcentre = 0,8. Cela signifie que le nombre de photons moyens sera le plus faible si l’on définit

l’origine des phases au point αcentre. On va donc effectuer la reconstruction en choisissant ce point pour origine de l’espace des phases et en utilisant des opérateurs Gνtronqués jusqu’à N = 10. On effectue alors l’opération formelle suivante sur la matrice densité obtenue afin de la redéplacer dans l’espace des phases3:

ρ = D(αcentre)ρD(−αcentre). (IV.29)

La figure IV.8(b) montre le résultat obtenu. Les oscillations rapides ont bel et bien disparu de la fonction de Wigner reconstruite. La figure IV.9 présente les données expérimentales pour les deux coupes présentées plus tôt, ainsi que la valeur moyenne obtenue par les différentes procé-dures de reconstruction. On voit que les deux dernières procéprocé-dures reproduisent assez bien les différents motifs obtenus. Cependant, les grandes excursions de la valeur moyenne mesurée (à l’occasion des passages dans les composantes classiques et les franges d’oscillation) sont tou-jours sous-évaluées. Ceci est certainement dû au fait que la plupart des points expérimentaux

3Cette opération est effectuée dans un espace de Hilbert agrandit afin de ne pas distordre l’état du champ dans l’opération.

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(a) (b)

(c) (d)

F. IV.8 – (a) Fonction de Wigner de l’état chat de Schrödinger pair reconstruit par entropie maximum dans un espace de Hilbert de dimension 20. (b) Le même état reconstruit dans un espace de dimension 11 centré autour de l’amplitude complexe αcentre. (c) A présent, on utilise en plus la loi (IV.31) pour pondérer l’importance des différents points expérimentaux. (d) La dernière étape consiste à tronquer la matrice densité finale en une matrice de dimension 11 (après application du déplacement D(αcentre).

mesurent un signal proche de 0. Ainsi, l’ajustement sur les données expérimentales s’efforce es-sentiellement de reproduire le bruit statistique autour de 0 plutôt que de reproduire les quelques motifs intéressants où le signal prend des valeurs conséquentes. Afin de donner plus de poids aux motifs intéressants, on pondère simplement les contraintes en fonction de la valeur moyenne mesurée. On a par exemple utilisé la loi suivante :

κν = 1

0,1 + (gν+0,05)2. (IV.30)

Le résultat est donné sur la figure IV.8(c). L’état a encore une fois été reconstruit dans un espace de Hilbert de dimension 11 centré sur αcentre. Cette fois, la minimisation de la distance aux points a été réalisée avec la fonction suivante :

χ2 = M X ν=1 (Tr(ρ0Gν) − gν)2 κν . (IV.31)

La figure IV.9 permet de se rendre compte que l’ajustement passe à présent beaucoup mieux par les points de forte valeur absolue. Finalement, afin de lisser la fonction de Wigner obtenue, on tronque les nombres de photon supérieurs à n = 10 dans la matrice densité résultant du dernier déplacement (IV.29). Encore une fois, l’argument physique utilisé est que le champ ne peut pas contenir des nombres de photons plus grand que le champ cohérent injecté initialement. Le résultat final est représenté sur la figure (IV.8(d)).

La fidélité de l’état reconstruit ρ par rapport à l’état pur (IV.2) peut se calculer par la simple formule :

f =Tr(ρ|ψ

+ihψ+|) = 0,43. (IV.32)

Pour tenir compte du contraste fini de l’interféromètre, on doit définir la fidélité de deux mélanges statistiques ρ1 et ρ2. La formule généralement utilisée dans la communauté est la suivante [98] :

f =Tr qρ1ρ2ρ

1

2

. (IV.33)

Elle possède toutes les propriétés naturelles attendues pour une telle grandeur. On peut alors calculer la fidélité de l’état reconstruit par rapport au chat obtenu avec un interféromètre de contraste fini. Par exemple, avec un interféromètre de contraste 54 %, on obtient une fidélité

f =0,64.

Si l’état obtenu présente qualitativement toutes les caractéristiques physiques attendues, l’étu-de quantitative l’étu-de sa fidélité par rapport à l’état idéal montre qu’il reste une granl’étu-de marge pour de possibles améliorations. Nous avons toutefois reconstruit des chats de Schrödinger de tailles plus modeste. Dans ce cas, la reconstruction est plus facile car la dimension réduite de l’espace de Hilbert diminue d’autant le nombre de degrés de liberté. La figure IV.10 montre par exemple la fonction de Wigner d’un état chat de Schrödinger crée à partir d’un champ cohérent contenant 2,1 photons en moyenne. L’état a été reconstruit dans un espace de Hilbert de dimension 7 et le poids des contraintes associées à chacun des points de mesure est identique. Les fidélités de l’état pair et de l’état impair par rapport à l’état pur correspondant sont respectivement 66,7 % et

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(a)

(b)

F. IV.9 – Les valeurs mesurées pour les points expérimentaux de la figure IV.2.1 dans le cas du chat impair sont représentés par les croix noirs. La ligne en pointillés rouges correspond aux valeurs obtenues dans le cas de la reconstruction directe dans un espace de Hilbert de dimen-sion 20 (voir IV.8(a)). La ligne interrompue verte correspond à la reconstruction dans un espace tronqué de dimension 11 (voir IV.8(b)). Enfin la ligne en tirets bleues représente les points ob-tenus lorsqu’on pondère l’importance des points expérimentaux suivant la valeur mesurée (voir IV.8(c)).

72,9 %. Ces fidélités montent à 89,0 % et 78,7 % lorsqu’on considère un état idéal préparé avec un interféromètre de contraste fini c = 0,7. On obtient même les fidélités de 90,8 % et 85,4% en introduisant un champ cohérent à hauteur de 3 % dans l’état idéal pour le chat pair et de 7 % pour le chat impair. Ainsi, pour cet état de plus petite taille, l’essentiel des imperfections est dû à la préparation imparfaite du champ. La reconstruction quant à elle reproduit assez fidèlement l’état préparé.

Nous allons tout de même voir dans la suite que tout espoir n’est pas perdu pour reconstruire efficacement des états de « grande taille » nécessitant un espace de Hilbert plus grand.

(a) (b)

F. IV.10 – Les fonctions de Wigner d’états chat de Schrödinger pairs et impairs reconstruits par la méthode d’entropie maximum. Ces états ont été préparés par interaction d’un atome avec un champ cohérent de 2,1 photons en moyenne. Le désaccord est de 65 kHz. La reconstruction a lieu dans un espace de Hilbert de dimension 7.