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III.4 Différents types de mesures QND

III.4.4. b Résultats expérimentaux

Préparation Afin d’observer jusqu’à n = 7 photons, il faut au préalable préparer le mode dans un état pouvant contenir jusqu’à n = 7 photons. Nous avons choisi d’injecter un champ cohérent de nombre moyen de photons n ≈ 3. La population de cet état s’étale alors de n = 0 à n = 7, les nombres plus élevés de photons ayant une population négligeable. La séquence expérimentale est la suivante :

1. On commence par préparer l’état vide à l’aide d’une série d’atomes résonnants. 2. Un petit champ cohérent est ensuite injecté dans la cavité.

3. Enfin, on envoie une longue série d’atomes dans l’interféromètre. Chaque atome mesure l’une des quatre phases a, b, c ou d. La phase de mesure alterne entre ces quatre valeurs pour les paquets atomiques successifs. La séquence des phases utilisées réellement semble aléatoire car la plupart des paquets atomiques ne contiennent pas d’atomes.

Problème du temps de mesure Nous avons expliqué au III.4.4 que la mesure tendait vers une mesure projective lorsque le nombre d’atomes Nat tendait vers l’infini. C’est pourquoi on a intérêt à utiliser un grand nombre d’atomes consécutifs pour décimer les populations. Cependant, il n’est pas possible d’augmenter indéfiniment Nat. En effet, le temps de mesure doit rester court devant le temps de relaxation du champ. Il faut donc trouver un compromis entre la précision de la mesure, qui augmente avec Nat et le temps de mesure qui augmente également avec Nat. L’étude du meilleur compromis a été réalisée dans le travail de thèse de Christine Guerlin [90]. La valeur optimale trouvée est de Nat=110 atomes. En utilisant un flux atomique de 0,3 atomes par paquet, une mesure dure alors 26 ms en moyenne. Cette durée, assez courte devant le temps de vie de la cavité est cependant plus longue que les temps de vie des nombres de photons élevés notamment T7 ≈ Tcav/7 ≈ 16 ms. Néanmoins, pour résoudre le nombre de photons sur une trajectoire unique sans tenir compte d’aucune information à priori et sans tenir compte des résultats atomiques ultérieurs, il s’agit de la meilleur estimation possible. Nous verrons un peu plus loin que l’on peut utiliser un ensemble statistique de trajectoires afin de reconstruire les populations moyennes du champ à l’instant t avec une bien meilleure résolution temporelle. Cette méthode sera présentée un peu plus loin, il s’agit déjà d’une forme de reconstruction de l’état quantique du champ.

Projection progressive du champ sur un état de Fock Afin de supposer le moins possible de connaissance à priori sur le champ, nous partirons d’une distribution de probabilité plate pour tous les états de Fock. A chaque atome détecté, notre connaissance de l’état quantique est modifiée. Pour des nombres d’atomes détectés Natcroissants de 0 à 110 atomes, on peut suivre l’évolution des populations dans le champ jusqu’à l’obtention d’un état proche d’un état de Fock. La formule (III.73) permet en effet de calculer à partir de la distribution de probabilité initiale, la distribution après la détection de Natatomes.

La figure III.11 montre deux résultats typiques d’une telle analyse sur deux réalisations par-ticulières de l’expérience. La figure (c) montre l’évolution des probabilités des différents états nombre en fonction du nombre d’atomes détectés. On vérifie bien que malgré des probabilités

III.4. Différents types de mesures QND 113 initiales égales pour tous les nombres de photons, (P0(n) = 1/8), seul un nombre de photons n conserve une probabilité notablement non-nulle après Nat = 110 atomes détectés. Ce protocole réalise bien la mesure idéale de von Neumann du nombre de photons, puisque les atomes ont pour effet de projeter la fonction d’onde sur un état propre de l’observable mesurée. En particu-lier, le résultat ne dépend pas de l’hypothèse de départ sur les populations à condition que tous les nombres de photons aient une probabilité non-nulle dans la distribution initiale.

Vérification des postulats de la mesure Il est intéressant de noter que les conditions expéri-mentales sont identiques pour les deux réalisations (notamment l’intensité du champ injecté dans la cavité). Les résultats sont pourtant différents : l’état cohérent initial est donc bien composé de plusieurs nombres de photons différents. Les postulats de la mesure prédisent que la statistique des résultats de la mesure du nombre de photons d’un champ cohérent d’amplitude α doit vérifier une loi de Poisson de paramètre ¯n = |α|2:

p (n) = e−¯n¯nn

n!. (III.83)

On notera la différence de notation : p(n) est la probabilité de mesurer n, elle est rattachée à la statistique des résultats sur l’ensemble de toutes les réalisations de l’expérience, tandis que PN(n) est la probabilité, inférée à partir de la mesure, que l’on soit dans l’état |ni pour une réalisation particulière.

Il est intéressant de confronter nos mesures avec la prédiction du postulat fondamental. Pour cela, nous devons commencer par attribuer un résultat à notre mesure. Les trajectoires présentées sur la figure III.11 convergent parfaitement vers un nombre de photons bien déterminé. Il existe cependant des trajectoires pour lesquelles la mesure est ambiguë. Nous estimons donc le nombre de photons pour une réalisation donnée par la formule :

hni = X

n

n · PN(n). (III.84)

Nous construisons ensuite l’histogramme des résultats hni pour toutes les réalisations. Cet his-togramme est présenté sur la figure III.12. Plusieurs remarques importantes peuvent être faites. Premièrement, à un petit fond près, seuls les canaux correspondant à des nombres entiers sont significativement remplis. Le fond peut avoir deux origines. Pour quelques réalisations, le pro-cessus de décimation n’a pas été suffisamment efficace pour éliminer tous les états sauf un. Pour d’autres, la mesure n’étant pas instantanée, un saut quantique faisant passer le nombre de pho-tons d’une valeur à une autre peut avoir lieu pendant la mesure. Les premiers atomes tendent à mesurer un certain nombre de photons puis les derniers tendent à en mesurer un autre. Ces deux mesures partielles se moyennent et indiquent donc un nombre intermédiaire.

On peut aussi ajuster une distribution poissonienne sur les canaux entiers, l’accord est alors très bon à l’exception du canal hni = 0. Cet écart est dû au fait que, avec un déphasage par photon Φ0 ≃ π/4, notre mesure du nombre de photons est en réalité une mesure modulo 8 : l’état |8i induira un déphasage de 2π indistinguable d’un déphasage nul. Le canal hni = 0 mesure donc p(0) + p(8). Une poissonienne légèrement modifiée par ce repli modulo 8 est maintenant en parfait accord et donne un nombre moyen ¯n = 3,48 ± 0,04.

(a) i ddcbccabcdaadaabadddbadbc j ggegggggggggeegggeggegggg i dababbaacbccdadccdcbaaacc j egegeeggegegegeggegeggggg i ddcaddabbccdccbcdaabbccab j eeegeeeggeggeeeeeegegegge i bcdaddaabbbbdbdcdccadaada j eeegegegeeeeegeeegggeggeg (b) (c)

F. III.11 – Réduction progressive des probabilités du champ vers un état nombre pour deux réalisations particulières de l’expérience. (a) Résultats des 50 premières détections atomiques (j,i) où l’on note j l’état atomique et i la phase de mesure. (b) Evolution de la fonction de déci-mation ΠN(n) en fonction de N au cours des 50 premières détections atomiques. (c) Probabilités des nombres de photons en fonction du nombre N d’atomes détectés variant de 0 à 110.

III.4. Différents types de mesures QND 115 Nous confirmons ainsi les deux premiers postulats de la mesure de von Neumann : la mesure ne donne que des résultats contenus dans le spectre de l’observable mesurée et la probabilité de chacun des résultats est donnée par l’équation (I.93). Nous pouvons également interpréter ces résultats comme une confirmation des descriptions quantiques des champs classiques : une source classique produit un champ dont les p(n) suivent une loi de Poisson, ceci est compatible avec la description d’un état classique par un état cohérent. Enfin, nous verrons très prochainement que le postulat de projection est bien vérifié, lui aussi, par notre mesure.

0 1 2 3 4 5 6 7 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 P ro b a b il it é Nombre de photons <n>

F. III.12 – Histogramme des valeurs de hni inférées sur 2000 réalisations et normalisé à 1. Seuls les canaux correspondant à des nombres entiers de photons sont significativement repré-sentés. Ces canaux sont bien ajustés par une distribution poissonienne (courbe pleine) à l’ex-ception du canal hni = 0. La prise en compte de notre mesure modulo 8 dans la distribution poissonienne (tirets) donne un parfait accord pour un nombre moyen de photons de3,48 ± 0,04.