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III.4 Différents types de mesures QND

III.4.4. a POVM à plusieurs atomes

Nous allons utiliser dans ce paragraphe le formalisme de la mesure généralisée afin de décrire les expériences réalisées en 2006[30, 90] visant à mesurer des nombres de photons allant jusqu’à n = 7. Le désaccord utilisé à l’époque était de δ = 2π · 272 kHz et il correspond à un déphasage par photon de Φ0 ≈ π/4 comme sur les figures III.9(b) et III.10. Afin de décimer progressivement tous les nombres de photons sauf un, nous mesurons le pseudo-spin des atomes successifs dans des directions φ différentes. Nous avons utilisé les quatre phases de mesure correspondant aux quatre différentes bases (|+in=0, |+in=4), (|+in=1, |+in=5), (|+in=2, |+in=6) et (|+in=3, |+in=7) formées par les états atomiques finaux possibles. Ces phases φ, que nous indexerons par a,b,c et d sont espacées de Φ0 =π/4. Les atomes sont envoyés successivement dans l’interféromètre et détectés suivant l’une des directions de mesure8.

Comme nous l’avons vu au paragraphe précédent, lors de la traversée de l’interféromètre par un atome, le champ subit une transformation complexe, cependant, ses populations se dé-duisent facilement des populations initiales et de l’opérateur du POVM correspondant au résultat de la détection atomique. Ainsi, lorsque deux atomes successifs traversent l’interféromètre, les populations subissent la transformation suivante :

P(n|i1, φ1,i2, φ2) = 1 Pi1Pi2

E1at.(i1, φ1)n,n · E1at.(i2, φ2)n,n · P(n), (III.72) où (ik, φk) est le couple contenant le résultat de la détection du ke atome (ik = |ei ou |gi) ainsi que sa phase de détection. Finalement, après la détection d’un grand nombre Nat d’atomes, les populations sont transformées par :

P(n|i1, φ1,i2, φ2...iNat, φNat) = 1

Z(ENat.)n,nP(n). (III.73) où ENat.est le POVM à Natatomes, défini par :

ENat = E1at.(i1, φ1) · E1at.(i2, φ2) · · · E1at.(iNat, φNat). (III.74) et Z est un facteur de normalisation donné par :

Z =

Nat Y

k=1

Pik (III.75)

On introduira la fonction ΠNat(n) = ENatn,n. Elle est définie par un produit de sinusoïdes9: ΠNat.(n) = 1 Z Nat Y k=1 " A + c · ik· cos(Φ(n) − φk) 2 # , (III.76)

8La séquence des phases de détection utilisée pour des atomes successifs est aléatoire car la présence des atomes dans chaque paquet est elle-même aléatoire.

où par convention, ikvaut +1 lorsque le keatome a été détecté dans |ei et −1 lorsqu’il a été détecté dans |gi. La fonction ΠNatest appelée fonction de décimation, elle réduit la probabilité de certains nombres de photons au profit d’autres nombres de photons.

Limite de la fonction de Décimation Comme produit de sinusoïdes, ΠNat(x) tend vers une fonction très piquée à la limite où Nat tend vers l’infini. Si l’on se contente d’une seule phase de mesure φ1, la fonction ΠNat(x) reste parfaitement symétrique autour de la phase φ1 choisie. Au contraire, si l’on utilise plus d’une phase (l’idéal étant deux phases φ1et φ2orthogonales), la fonction de décimation présente un unique pic en x0tel que Φ(x0) ∈ [0, 2π]. La fonction possède alors un pic xj dans chaque intervalle [2 jπ, 2( j + 1)π]. Si l’on prend comme exemple le cas de figure utilisé dans les expériences de 2006, Φ(n) couvre une plage de 2π lorsque n varie entre 0 et 7 photons. La fonction ΠNat(n) devient très piquée autour d’un seul maximum compris dans cet intervalle. Ainsi, pour les grands nombres d’atomes, ΠNat décime tous les nombres de photons sauf un. Restreint à l’espace contenant les nombres de photons inférieurs à 7, l’opérateur ENat. tend donc vers l’un des 8 projecteurs :

E(n) = |nihn|. (III.77)

Ainsi, la mesure devient une mesure de von Neumann à la limite où le nombre d’atomes Nat est grand et où l’espace est restreint aux sous-espace où Φ(n) < 2π.

Commentaire sur la méthode Il est intéressant de noter que la transformation subie par le champ lors du passage d’un atome est extrêmement complexe (voir (III.32)). A priori, la com-plexité de cette carte augmente avec le nombre d’atomes, cependant, à la limite d’un grand nombre d’atomeset dans un espace restreint, cette carte quantique tend à se simplifier pour de-venir la simple expression d’une mesure projective. En effet, la seule carte quantique donnant lieu à la mesure non destructive du POVM (III.77) est la mesure de von Neumann décrite par les mêmes projecteurs |nihn|.

On peut alors se demander ce que devient la mesure si on ne restreint pas la dimension de l’espace. Dans ce cas, le POVM obtenu a plusieurs coefficients non-nuls. Par exemple, pour un déphasage par photon Φ(n) = π/4(n + 1/2), on sélectionne les nombres de photons modulo 8. Cette fois, l’expression du POVM ne définit pas sans ambiguïté une seule carte quantique. En particulier, on peut se demander si la méthode produit une superposition cohérente des différents états de Fock sélectionnés ou un mélange statistique. On peut aisément répondre à cette question en considérant le tout premier niveau d’approximation (III.26). En effet, avec un interféromètre de contraste parfait, la transformation correspondant à la série de Nat détections atomiques est une opération unitaire décrite par l’opérateur de Kraus :

|Ψi → |Ψi = Z1

Nat Y

k=1

Mikk)|Ψi. (III.78)

L’état s’écrit alors à la limite où Natest suffisamment grand (avec Natpair) :

III.4. Différents types de mesures QND 111 De même, après la détection du (Nat + 1)e atome dans l’état i avec la phase φ, l’état va subir l’action de l’opérateur de Kraus correspondant :

i = P1 i Mi(φ) (cn|ni + cn+8|n + 8i + cn+16|n + 16i · · · ) = 1 Pi  Mi(φ)n,n· cn|ni + Mi(φ)n+8,n+8· cn+8|n + 8i + Mi(φ)n+16,n+16· cn+16|n + 16i · · · (III.80) Or, si l’on se reporte à l’expression (III.24) des opérateurs de Kraus à un atome (dans le cas très dispersif où Φ(n) = π/4(n + 1/2) et Θ(n) = π/8), on notera d’une part que les coefficients complexes Mi(φ)n,n, Mi(φ)n+16,n+16 · · · sont égaux, d’autre part, que les coefficients Mi(φ)n+8,n+8, Mi(φ)n+24,n+24 · · · sont égaux entre eux et opposés aux précédents. Cela signifie que l’état quan-tique après détection du (Nat+1)e atome devient :

i = cn|ni − cn+8|n + 8i + cn+16|n + 16i · · · (III.81) Ainsi, la phase quantique de la superposition dépend de la parité du nombre d’atomes détectés. En pratique, dès que le nombre d’atomes est important, la parité du nombre d’atomes ayant réel-lement traversé l’interféromètre n’est plus corrélée avec la parité du nombre d’atomes détectés à cause de l’efficacité finie du détecteur. On aboutit ainsi au mélange statistique des états |Ψi et |Ψi, qui est équivalente au mélange statistique des différents états de Fock (ces deux états ont en effet la même matrice densité)10. Ainsi, il n’est pas possible dans l’état actuel des choses de préparer par la méthode de mesure non-destructive du nombre de photons une superposition du type :

|Ψi = √1

2(|ni + |n + 8i). (III.82)

On pourrait s’affranchir de ce problème en remplaçant la transition |gi ↔ |ei par la transition |ii ↔ |gi où |ii n’est pas affecté par le phénomène de déplacement lumineux (aucune transition partant de |ii proche de résonance). Le niveau circulaire de nombre quantique principal n = 49 a par exemple déjà été utilisé par le passé en tant que « niveau auxiliaire » (voir [54]11). Une telle technique présenterait le désavantage de nécessiter des temps d’interaction plus long, ou des désaccords plus faibles pour obtenir un même déphasage Φ(n) puisque le déplacement lumineux n’affecte qu’un des deux niveaux de la transition. Cependant, le calcul de l’opérateur de Kraus (III.24) montre que dans ce cas, les coefficients Mi(φ)n,n, Mi(φ)n+8,n+8, Mi(φ)n+16,n+16... sont tous égaux.

10On peut voir la préparation et la détection probabiliste des atomes comme une erreur de mesure et la traiter en utilisant une carte quantique. Le résultat serait bien entendu identique.

11Le principe de la mesure était alors différent puisque l’on mesurait le déphasage produit par une oscillation de Rabi complète sur la transition résonnante |gi ↔ |ei à l’aide du niveau auxiliaire |ii.