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F. I.13 – Franges de Ramsey : La probabilité de détecter l’atome dans |gi dépend sinusoïdale-ment de la phase accumulée entre les deux impulsions de Ramsey.

I.3 Interaction atome-champ quantique

I.3.1 Le Hamiltonien de Jaynes-Cummings

Afin d’étudier l’interaction entre l’atome et la cavité contenant quelques photons, il est néces-saire de garder une description quantique des deux systèmes. L’évolution des deux systèmes n’est alors plus séparable et elle est décrite par un terme d’interaction qui s’écrit dans l’approximation dipolaire électrique :

Hint =−d · ˆE = −E0f(r) deg· ǫ|eihg|a + d

eg· ǫ|gihe|a+ deg· ǫ|eihg|a + d

eg· ǫ|gihe|a. (I.155) Les deux premiers termes correspondent à des processus résonnants (ou au moins proche de résonance lorsque la fréquence atomique est voisine de la fréquence de la cavité.) : Le champ perd un photon tandis que l’atome gagne un quantum ou encore, le champ gagne un photon tandis que l’atome se désexcite. Les deux derniers termes, correspondant au gain ou à la perte de deux quanta au total par le système sont très fortement non-résonants et seront donc négligés dans la suite. On peut choisir les phases des niveaux |ei et |gi de sorte que le terme −deg· ǫ soit réel et positif. On note alors Ω0 =−2E0deg· ǫ/~. Le hamiltonien d’interaction s’écrit alors :

Hint= ~Ω0

2 f(r)(|eihg|a + |gihe|a). (I.156) Le paramètre Ω0/2π caractérise le couplage entre les deux systèmes et est appelé fréquence de Rabi du vide. En effet, il s’agit de la fréquence à laquelle une cavité initialement vide échange

réversiblement un quantum avec un atome initialement excité.

On peut alors écrire le Hamiltonien total connu sous le nom de hamiltonien de Jaynes-Cummings : HJC = ~ωat 2 σz+ ~ω0(aa +1/2) + ~Ω0 2 f(r)(σ +a + σa). (I.157) Il s’agit du hamiltonien décrivant toutes les expériences mettant en jeu un oscillateur harmonique couplé à un spin 1/2. Il s’applique aussi dans le cas des ions piégés ou des qubits supraconduc-teurs par exemple.

Nous allons diagonaliser ce hamiltonien dans la base des états stationnaires des deux sys-tèmes libres. Remarquons que les espaces du type {|e, ni, |g, n + 1i} sont stables par action du hamiltonien. On peut alors écrire le hamiltonien Hnrestreint au sous-espace de base {|e, ni, |g, n+ 1i}7 :

Hn = ~ ω0(n + 1) + δ/2 Ωn/2 Ωn/2 ω0(n + 1) − δ/2

!

, (I.158)

où δ = ωat− ω0représente encore une fois le désaccord entre cavité et transition atomique et Ωn = Ω0

n +1 (I.159)

est le couplage entre les deux états |e, ni et |g, n + 1i. Les états propres de ce hamiltonien s’écrivent : |+, ni = cosθn 2|e, ni + sinθn 2|g, n + 1i |−, ni = sinθn 2|e, ni − cosθn 2|g, n + 1i, (I.160) avec tan θn = n δ . (I.161)

On les appelle « états habillés de l’atome et du champ ». Leurs valeurs propres associées sont : E±,n= ~ω0(n + 1) ±~2q2n2. (I.162) La figure I.14 montre la variation de ces énergies en fonction du désaccord. A très grand désac-cord, les niveaux sont très peu affectés par le couplage et leur énergie est très voisine de celle des niveaux non couplés. A résonance, au contraire, les états propres habillés sont des états où les deux systèmes sont maximalement intriqués et leur énergie diffère maximalement de celle des états non couplés. On sépare donc en général deux régimes de fonctionnement différents. A désaccord nul, le régime d’interaction résonante est caractérisé par un échange cohérent d’éner-gie entre atome et champ. A grand désaccord, l’interaction dispersive ne donne lieu à aucun échange d’énergie, mais à une modification des niveaux énergétiques. Nous allons étudier dans ce chapitre le cas résonnant. Le régime dispersif, fondamental pour nos mesures non-destructives de la lumière sera étudié en détail au chapitre III.

I.3. Interaction atome-champ quantique 49

F. I.14 – Energie des états habillés en fonction du désaccord atome-champ δ. Les lignes poin-tillés représentent l’énergie des états non couplés. L’interaction lève la dégénérescence des ni-veaux à résonance, formant un anticroisement.

I.3.2 Régime résonnant

I.3.2.a Les états habillés

On peut réécrire les états propres du hamiltonien dans le cas résonant (δ = 0) : |+, ni = 1

2(|e, ni + |g, n + 1i) |−, ni = 1

2(|e, ni − |g, n + 1i) . (I.163)

Ces états sont qualifiés d’états habillés de l’atome par le champ en raison de la forte intrication entre les deux systèmes et leurs énergies respectives sont données par :

E±,n= ~ω0(n + 1) ±~2n. (I.164) Le système (I.163) peut être inversé afin d’obtenir l’évolution d’un atome initialement préparé dans l’état |ei où |gi :

|e, ni = 1

2(|+, ni + |−, ni) |g, n + 1i = 1

2(|+, ni − |−, ni) . (I.165)

I.3.2.b Oscillations de Rabi du vide

Supposons que l’atome est préparé dans l’état |ei et la cavité dans l’état vide |0i. On peut décomposer l’état du système suivant les états propres du hamiltonien grâce à (I.165) :

a.c.(t = 0)i = |e, 0i = √1

Ainsi, l’état évolue aux temps ultérieurs en : |Ψa.c.(t)i = √1

2e−iE+,0t/~

|+, 0i + e−iE−,0t/~

|−, 0i, (I.167)

que l’on peut réécrire à un facteur de phase globale près :

a.c.(t)i = cos2 |0t e,0i − i sin2 |0t g,1i. (I.168) Le système oscille donc au cours du temps entre l’état initial |e, 0i et l’état |g, 1i. On assiste donc a un échange cohérent d’un quantum d’énergie entre l’atome et le champ. La probabilité de trouver l’atome dans |ei évolue au cours du temps selon :

Pe(t) = 1

2(1 + cos Ω0t). (I.169)

Elle oscille donc à la pulsation Ω0. Ce phénomène est appelé oscillation de Rabi quantique. Il se généralise aisément au cas où le champ contient un nombre de photons non nul à condition de remplacer la fréquence de Rabi Ω0par Ωn= √n +

1Ω0.

On parle de régime de couplage fort lorsque la période de Rabi du vide Trabi = 2π/Ω0 est à la fois plus courte que le temps de vie de la cavité et que celui du système atomique. Dans ces conditions, on dispose de suffisamment de temps pour intriquer les deux systèmes en les faisant interagir avant qu’ils ne relaxent. Nous allons voir au chapitre suivant que notre système expérimental nous permet d’atteindre très largement le régime de couplage fort.

Chapitre II

Le système expérimental

Nous venons d’étudier un modèle très simple permettant de décrire l’interaction entre un atome à deux niveaux et un mode du champ électromagnétique. Nous allons à présent décrire le système expérimental que nous utilisons pour implémenter le modèle de Jaynes-Cummings. Notre dispositif d’électrodynamique quantique en cavité permet de contrôler et de faire interagir deux systèmes quantiques très simples. Dans une première partie, nous donnerons une vue d’en-semble du dispositif expérimental avant de nous concentrer sur les deux acteurs principaux des expériences : des atomes excités dans les états de Rydberg et une cavité micro-onde de grande finesse. Enfin, nous reviendrons sur le montage expérimental et les techniques utilisées pour manipuler les deux systèmes.

II.1 Schéma général du dispositif expérimental

Le système idéal vers lequel nous aimerions tendre consiste en une série d’atomes à deux niveaux traversant un à un une boîte capable de piéger les photons pour un temps très long. Ce système isolé de son environnement est décrit par le Hamiltonien de Jaynes-Cummings, et permet de générer des états intriqués entre photons piégés et atomes. Afin de se rapprocher au maximum de cette image idéale, nous devons minimiser la relaxation des atomes dans les modes de l’en-vironnement ainsi que les pertes de la cavité et au contraire, maximiser le couplage des atomes et du mode de la cavité. Les cavités offrant les temps de vie les plus longs tout en conservant un encombrement raisonnable sont obtenues dans le domaine des micro-ondes, résonnantes autour de quelques dizaines de gigahertz pour des longueurs d’onde λ de l’ordre du centimètre. Les pho-tons micro-onde, dont l’énergie est plus faible que le gap de certains matériaux supraconducteurs autorisent leur utilisation pour la surface des miroirs. Cela réduit significativement les pertes par effet Joule à la surface du miroir et a permis d’obtenir des temps de vie de l’ordre du dixième de seconde avec nos cavités en Niobium. Les transitions micro-onde utilisées habituellement en physique atomique (transitions Zeeman ou transitions hyperfines) ne sont pas adaptées à notre problème à cause de leur couplage très faible au champ électromagnétique. Nous utilisons des transitions entre états de Rydberg hautement excités. Ces transitions sont très fortement couplées au champ électromagnétique. Il existe une multitude d’états de Rydberg autour d’une énergie

donnée différant par leur moment angulaire. Les états de Rydberg de faible moment angulaire se désexcitent rapidement vers des états de faible énergie via des transitions optiques. Afin de pallier à ce problème nous utilisons les états de Rydberg circulaires pour lesquels les règles de sélection interdisent cette voie de désexcitation. Le temps de vie des atomes de Rydberg circu-laires utilisés dans nos expériences est de près de 30 ms, ce qui correspond à un trajet de plusieurs mètres à des vitesses thermiques.

La figure II.1 représente une expérience typique d’électrodynamique quantique en cavité avec des atomes de Rydberg circulaires. Un four contenant une vapeur de Rubidium produit un jet thermique d’atomes dont la vitesse v varie typiquement de 150 à 500 m/s. Les atomes traversent le dispositif expérimental dont le coeur est la cavité supraconductrice C. Ils sont d’abord excités dans les états de Rydberg circulaires dans la boîte B appelée « boîte à circulariser ». Ils traversent ensuite une première cavité de faible facteur de qualité R1appelée zone de Ramsey dans laquelle ils peuvent subir des impulsions micro-ondes résonnantes afin de manipuler leur état interne. Ils interagissent ensuite avec la cavité pendant un temps variant de λ/v ≈ 10 à 40 µs selon leur vitesse. Afin de choisir la direction de détection de leur pseudo-spin (voir paragraphe I.2.3), les atomes traversent ensuite une deuxième zone de Ramsey R2 avant d’être détectés par ionisation dans le détecteur D. On obtient pour chaque atome une information binaire correspondant à la détection de l’atome dans |gi ou |ei.

Nous allons étudier dans la suite de ce chapitre, différents aspects de l’expérience en com-mençant par les atomes de Rydberg utilisés, puis la cavité supraconductrice, et enfin, nous étu-dierons plus précisément les techniques expérimentales mises en jeu dans nos expériences, telles que la préparation, la sélection en vitesse et la détection des atomes de Rydberg.