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d Reconstruction des populations par un procédé itératif

III.4 Différents types de mesures QND

III.4.4. d Reconstruction des populations par un procédé itératif

L’histogramme de la figure III.12 montre qu’en répétant la mesure un grand nombre de fois, on obtient les populations de l’état initial. Nous nous sommes ensuite intéressés à la relaxation des états de Fock : l’objectif est de mesurer l’évolution des populations P(n, t|n0) lorsque le champ est préparé à t = 0 dans un état de Fock cible n0. On peut alors obtenir les taux de fuite depuis l’état de Fock n0 vers les autres états de Fock. L’idée consiste donc à sélectionner les trajectoires quantiques pour lesquelles le champ est proche de l’état de Fock cible, puis de suivre l’évolution ultérieure des populations. Néanmoins, le temps de mesure nécessaire pour décimer complètement les populations comme nous venons de le faire aux paragraphes précédents est de

près de 26 ms. Ce temps est comparable au temps de vie des états de Fock dont nous aimerions mesurer la relaxation. Nous avons donc mis en oeuvre une méthode permettant de reconstruire les populations du champ en utilisant un nombre d’atomes Natbeaucoup plus faible que les 110 atomes utilisés dans les paragraphes précédents. Ce travail est traité en détail dans la thèse de Julien Bernu [43] et dans un article de 2008 [32]. Plus que sur les résultats physiques obtenus, nous insisterons surtout ici sur la méthode de traitement des données expérimentales afin d’entrer progressivement dans le sujet de la reconstruction des états quantiques.

Les taux de fuite que nous aimerions mesurer sont donnés par l’équation pilote : dP(n, t)

dt = κ(1 + nb)(n + 1)P(n + 1, t) − κ[(1 + nb)n + nb(n + 1)]P(n)

+ κnbnP(n − 1). (III.85)

où κ = 1/Tcav est le taux de perte de la cavité et nbest le nombre moyen de photons thermiques à la fréquence νcavdans l’environnement de la cavité. On retrouve bien à la limite où la température est nulle (nb= 0), le temps de vie du neétat de Fock :

Tn =Tcav/n. (III.86)

Ainsi, on doit pouvoir mesurer des phénomènes dont la constante de temps est de l’ordre de Tcav/7 ≈ 18 ms pour les plus courts. On mesure l’évolution des populations P(t) en analysant les données d’une fenêtre glissante de Nat atomes successifs dont les instants de détection sont centrés autour de t. Ainsi, si l’on se contente d’utiliser la méthode précédente, l’instant de la première mesure après la sélection des trajectoires correspondant au temps nécessaire pour ras-sembler 110 atomes, est de près de 26 ms. Comme nous le disions en introduction, cela ne laisse aucun espoir de mesurer correctement les temps de vie des états de Fock de nombre n élevé.

Une première idée consiste alors à réduire le nombre d’atomes Nat dans la fenêtre afin de réduire le temps de mesure. Chaque fois que le champ a une population dans l’état de Fock cible n0proche de 1 (P(n0) > 70 %), on commence à enregistrer l’évolution ultérieure en considèrant qu’elle appartient à une nouvelle réalisation d’indice r. Partant des probabilités plates initiales P0(n) = 1/8, on infère la distribution de population p(n, t) pour toutes les fenêtre suivantes de Natatomes.

p(r)(n, t) = 1

Z(r)P0(n) · Π(r)Nat,t(n), (III.87) où Π(r)N

at,t(n) est la fonction de décimation construite à l’aide des Natatomes dont l’instant d’arrivée est centré autour de t. L’exposant(r)indique les variables dépendant de la réalisation particulière considérée. Lorsque Nat est grand, comme nous l’avons vu, on a affaire à une mesure projec-tive, ainsi, la distribution p(r)(n) est indépendante de la distribution à priori P0(n) (à condition qu’aucun des P0(n) ne soit nul). Cependant, si l’on réduit le nombre d’atomes Nat, la fonction de décimation n’exclut pas totalement tous les nombres de photons sauf un : on réalise une me-sure faible. La distribution p(r)(n) est alors biaisée par le choix de la distribution à priori P0(n). Cependant, si l’on considère l’ensemble des réalisations sélectionnées, on peut reconstruire une distribution moyenne P1(n) :

III.4. Différents types de mesures QND 119 où la moyenne porte sur les différentes réalisations du champ. Cette nouvelle distribution, même si elle est biaisée par le choix de la distribution initiale P0(n), est toutefois plus proche de la distribution réelle. On peut alors partir de cette nouvelle distribution pour calculer les popula-tions dans chaque réalisation en remplaçant P0(n) par P1(n, t) dans (III.15). Afin de s’affranchir totalement du biais lié à la distribution initiale P0(n), il suffit donc d’itérer un grand nombre de fois la transformation :

Pl+1(n, t) ≡ Pl(n, t) · Π(r)Nat,t(n)(r). (III.89) La distribution Pl(n, t) tend alors vers une distribution indépendante du choix initial P0(n) lorsque l tend vers l’infini. Nous allons voir un peu plus loin qu’il s’agit de la distribution maximisant la vraisemblance compte tenu de la série de résultats de mesures obtenus. On peut ensuite re-commencer le processus en sélectionnant les trajectoires proches d’un autre nombre de photons n0.

La figure III.15 montre l’évolution temporelle des distributions obtenues pour les réalisations ayant convergé vers les états de Fock n0 = 0 à 7 à l’instant t = 0. Le nombre d’atomes choisi pour la fenêtre est de Nat =25, ce qui correspond à un temps de mesure de 6 ms. Comme attendu, les huit valeurs de P(n0,t|n0) sont maximales pour t = 0. La valeur de P(n0,0|n0) correspond à la fidélité de la procédure de sélection de l’états de Fock n0. On obtient les valeurs... . Ces chiffres proches de 1 confirme que deux mesures successives donnent bien en général le même résultat. Aux temps long (t > 400 ms), l’état |0i est toujours le plus probable, révélant l’évolution irré-versible du champ vers le fond thermique proche du vide. Pour n0 = 0, la probabilité P(0, t|0) décroît légèrement en dessous de 1, tandis que P(1, t|0) augmente jusqu’à atteindre une valeur d’équilibre autour de 0,06. Cela reflète le processus de thermalisation du mode en contact avec un bain thermique à 0,8 K. Pour n0 = 1, on observe une décroissance exponentielle de P(1, t|1), parallèlement à l’augmentation de P(0, t|1). Ce que nous observons ici est la relaxation d’un pho-ton vers le vide [31]. Pour n0 >1, P(n0,t|n0) décroît exponentiellement avec un taux augmentant pour les valeurs croissantes de n0. Les fonctions P(n, t|n0) pour n = n0− 1, n0− 2,...1 présentent un maximum à des instants successifs, reflètant la cascade du nombre de photons de n0à 0.

Les courbes en trait plein sont obtenues en ajustant les taux de départ sur le début des courbes expérimentales. Les taux obtenus sont en très bon accord avec l’équation pilote (III.85) (voir [32]). En particulier, la relaxation des populations n’est pas affectée par le processus de me-sures répétées car l’intervalle entre deux meme-sures successives est bien plus long que le temps de mémoire de l’environnement12.

Commentaire sur la méthode précédente Nous allons montrer ici que la méthode précédente n’est rien d’autre que la méthode proposée par Lvovsky (voir I.1.5.c) pour trouver l’opérateur densité maximisant la vraisemblance. En effet, la fonction de décimation ΠNat(n) n’est autre que l’élément diagonal de l’opérateur du POVM (ENat.)n,n. On peut alors interpréter la formule (III.87)

12Afin d’observer l’effet Zenon quantique, on peut par exemple coupler la cavité à une source classique dont le temps de cohérence est lui, plus long que l’écart entre deux mesures. La mesure répétée empêche alors le champ de croître dans la cavité (voir [42]).

n =0 n = 1 Probabilité n =2 n = 3 Probabilité n =4 n = 5 Probabilité n =6 n = 7 Probabilité Temps (ms) Temps (ms)

F. III.15 – Évolution des populations mesurées P(k, t|n) (traits pleins) et ajustées P(k, t|n) (ti-rets). Les valeurs de k allant de 0 à 7 sont respectivement représentées en bleu, vert, rouge, cyan, mauve, jaune, noir et bleu. Les huit séries de courbes correspondent à la sélection des différents états de Fock |ni.

III.4. Différents types de mesures QND 121 en terme d’éléments diagonaux de la matrice densité13:

p(r)(n) =         ENat.(r) ρ0 TrE(r) Nat.ρ0         n,n . (III.90)

où ρ0 est une matrice densité choisie à priori, par exemple ρ0 = ✶/N. Ainsi, l’équation (III.89) se traduit par : ρl+1 ≡ R0ll (III.91) avec R0l) = 1 Nr Nr X r=1         E(r)Nat. TrE(r) Nat.ρl         . (III.92)

L’opérateur R0l) étant diagonal, deux itérations de la transformation (III.91) correspondent à une itération de l’opération :

ρ→ R0(ρ)ρR0(ρ). (III.93)

On reconnaît là l’équation (I.137) permettant de trouver la matrice densité correspondant au maximum de vraisemblance. Cependant, comme l’opérateur R0l) est diagonal, il est clair que le résultat final va dépendre de la matrice initiale ρ0choisie. En fait, la vraisemblance des matrices densités par rapport à l’ensemble de mesures réalisées est indépendante de leurs éléments non-diagonaux. Nous verrons à la fin du chapitre suivant que cette méthode permet de reconstruire complètement l’état du champ lorsqu’on l’applique à des mesures dont le POVM présente des éléments non-diagonaux.

Chapitre IV

Préparation et reconstruction d’états

non-classiques du champ

Nous avons vu au chapitre précédent que l’on pouvait utiliser les atomes afin d’interroger le champ piégé. En particulier, un grand nombre d’atomes successifs permettent de réaliser une mesure très proche de la mesure idéale de von Neumann du nombre de photons. En la répétant un grand nombre de fois, cette mesure donne donc accès aux populations d’un état quantique du champ. Dans ce chapitre, nous montrerons qu’en adaptant la méthode précédente, on peut reconstruire la matrice densité complète du champ piégé. Grâce à ce procédé, nous avons re-construit plusieurs états non-classiques du champ. Le premier état non-classique que nous avons préparé et reconstruit est l’état « chat de Schrödinger ». Il est produit grâce à l’interaction d’un atome avec un champ cohérent. L’atome, en réalisant une mesure de parité, agit en retour sur la phase du champ et prépare un état « chat de Schrödinger ». Nous décrirons en détail ce procédé dans une première partie. Nous reconstruirons un tel état, ainsi que des états de Fock produits par la technique de mesure QND du nombre de photons à l’aide de la méthode d’entropie maxi-mum. Nous présenterons ensuite la technique du maximum de vraisemblance sur l’exemple de l’état chat de Schrödinger. Nous montrerons finalement sur des simulations qu’il est possible d’améliorer significativement la reconstruction en adoptant une stratégie de mesure différente.

IV.1 L’expérience de pensée de Schrödinger revisitée