• Aucun résultat trouvé

Reconstruction d’Agadir et évolution de sa population

2. Le Grand Agadir

2.3. Agadir de 1960 à nos jours

2.3.2. Reconstruction d’Agadir et évolution de sa population

- Résurrection et croissance physique de la ville. Suivant les conseils des géologues, tout le périmètre correspondant aux anciens quartiers de la Kasbah, Founti, Talborjt et le Plateau administratif, est déclaré territoire inconstructible à boiser. Et, pour conserver les infrastructures existantes, la ville est reconstruite au même endroit, dans le respect des règles antisismiques conseillées par les spécialistes3. Deux ans après le séisme, la reconstruction d’Agadir commence suivant le plan établi par le Service de l’Urbanisme marocain. Entre-temps, 800.000 mètres cubes de décombres ont été déblayés ; trois mille logements préfabriqués ont été édifiés ; une cité administrative provisoire a été construite ; le réseau électrique a été réinstallé et

1. COLLECTIF, 1962, p. 11. Dans ce même article, voir la figure 1 en p. 8.

2. Voir A. BAROUDI, 1971, Les mouvements de la population lors du séisme d’Agadir en 1960, Thèse de 3ème

cycle, Université de Paris I, p. 94.

3. « À la lumière des faits qui viennent d’être exposés, et en plein accord avec les conclusions présentées par nos collègues géologues, je considère que dans le plan de reconstruction toute la partie de la ville située au Nord de l’Oued Tildi devrait être neutralisée et transformée en zone verte. On remarquera que le port se trouve à proximité immédiate de cette zone : des précautions particulières devront être prises dans les nouvelles constructions portuaires ; la façon dont le bâtiment des douanes a bien résisté aux secousses peut servir d’exemple. Afin de ne pas abandonner une infrastructure considérable, la ville pourrait être reconstruite sur place, à condition de prévoir dans le calcul des constructions un coefficient séismique au moins égal à 0,10 g ». COLLECTIF, 1962, p. 19.

l’alimentation en eau a été rétablie. Le plan de reconstruction est conçu dans le respect des anciennes fonctions de la ville : commerciale, administrative, industrielle et touristique (J. KANNEGIESSER, 1962, pp.12-14). Il prévoit la création de six grands quartiers. Le centre urbain, qui comprend les établissements administratifs, peut accueillir 8.000 à 10.000 habitants. Le nouveau Talborjt compte 2.000 logements familiaux et divers établissements publics (école, marché, mosquée, jardin, etc.)1. Comme dans l’ancien plan, le front de mer est réservé aux installations touristiques et balnéaires. Le Quartier Industriel méridional est prévu pour le logement de 20.000 habitants dans des maisons individuelles. Il comprend également divers établissements publics (écoles, dispensaire, bureau de poste, centres commerciaux, etc.). Le secteur résidentiel est un quartier de villas qui s’étend sur « 45 hectares de terrain jouissant, en raison de leur situation élevée d’une très belle vue sur la baie et la ville »2. Le Secteur Mixte et l’Extension X, deux zones résidentielles de l’ancien Agadir, sont réintégrés dans le nouveau plan, à proximité du nouveau Talborjt. Le quartier d’Anza est déplacé à trois kilomètres de la ville nouvelle pour éloigner les mauvaises odeurs de l’industrie lourde des centres résidentiels et touristiques. Il comprend un secteur industriel et une cité ouvrière. « Dès 1965, la physionomie de la nouvelle ville se

dessinait », et, dès 1967, « les entreprises de construction qui avaient afflué quittent les lieux. Les seuls chantiers à ouvrir restent ceux des hôtels, le Secteur Touristique et Balnéaire auquel on avait réservé tous les terrains bordant la baie rencontrait un vif succès auprès des investisseurs »3.

Depuis la fin des années 70, le périmètre urbain d’Agadir s’est considérablement élargi (Figure 4, p. 44). Dans sa croissance physique vers le sud-est et le nord-est, la ville a englobé les anciens douars de sa périphérie, tel que Bouargane, Amsernat et Douar Rja Fellah (bidonville). Plusieurs nouveaux lotissements ont été créés et construits. Le lotissement Founti se situe au sud-ouest de la ville, au sud du Secteur

1. « Les urbanistes ont tenté, par le site, un promontoire qui rappelle un peu l’ancien, et par l’architecture de

recréer sinon la forme, du moins l’esprit de ce qu’était le quartier de Talborjt avant le séisme, c’est-à-dire le centre commercial le plus populaire de la ville avec des rues assez étroites où l’échelle reste plus humaine ». M. PÉRÉ, 1976, p. 49.

2 . Ibid. 3. Ibid., p. 43.

Balnéaire et Touristique, et à droite de la R.P. 32 en allant vers Inezgane. Les lotissements Al-Massira et Ad-Dakhla se situent au sud-est de la ville, respectivement à droite de et à cheval sur la R.P. 40. Dans le même secteur, à quelques mètres du lotissement Ad-Dakhla se trouve le campus. Les Facultés des Lettres et des Sciences d’Agadir accueillent les étudiants de la Région Sud et des provinces sahariennes depuis 1985. Le lotissement An-Najah se situe au nord du quartier Khiam et en bordure de la R.P. 40. Ce dernier quartier a largement débordé du cadre qui lui était réservé initialement. Il existe maintenant un Khiam I et un Khiam II. Le lotissement Les Amicales se situe au nord de l’Extension X et s’étend également jusqu’à la R.P. 40. Enfin, le dernier lotissement d’importance construit dans les années 80 est le lotissement Charaf, qui se situe sur des petites collines entre l’Extension X et l’hôpital Hassan II.

- Évolution de la population d’Agadir. Pendant la période de reconstruction, la ville d’Agadir est devenue un vaste chantier qui attire des chercheurs d’emplois de toutes les régions du Maroc. Grâce à l’implantation de ces nouveaux migrants, la population de la ville est renouvelée. « 16.695 personnes sont recensées en été 61 dans

les camps de tentes, les cités préfabriquées, les abris de fortune du bidonville, et les

logements du Quartier Industriel rapidement réparés près desquels s’étaient repliées

toutes les activités commerciales ». (M. PÉRÉ, 1976, p. 43). La population d’Agadir

est aussi diversifiée du point de vue de l’origine géographique et ethnique de ses nouveaux immigrants. Avant le séisme, la population marocaine de l’ancienne ville est en majorité composée de Soussis berbérophones1. Depuis la période de reconstruction, la zone d’attraction de la ville s'est élargie aux villes du Nord et aux plaines de Doukkala, Abda, Chiadma et Gharb (Figure 6, p. 62)2. Avant le séisme, 70% des chefs de foyer proviennent du Sous, notamment de la région d’Agadir et du Sud du pays, tandis que 30% proviennent des environs de Safi et Essaouira, de Marrakech et sa région et du Nord du pays. Après le séisme, le phénomène s’inverse. Dans la décennie

1. Avant le séisme, Le centre d’Inezgane et le territoire de Tiznit contribuaient respectivement à 34% et 22% au

peuplement musulman d’Agadir (A. de LA PORTE DES VAUX, 1952, p. 627).

2. Pour le détail des structures démographiques d’Agadir par origines ethniques, avant et après le séisme, voir A. BAROUDI, 1971, tableau 16, p. 133.

60, seulement 40% des chefs de foyer proviennent du Sous et du Sud du pays, tandis que le pourcentage de ceux provenant des régions de Safi et Essaouira, de Marrakech et sa région et du Nord du pays, s’élève à 60%. L’enquête faite, en 1978, dans le cadre du Schéma Directeur du Grand Agadir confirme la constance de l’extension du pôle d’attraction de l’aire urbaine aux régions et villes au nord du Sous. 59% des chefs de foyer proviennent de cette partie du pays1. EL HJOUJI A. explique la baisse tendancielle des apports du Sud du Maroc, et en particulier du Sous, par le développement hydro-agricole des plaines Sous-Massa et Chtouka, et par l’action de l’État qui vise, depuis 1974, à renforcer le potentiel administratif de la région et à endiguer l’exode des ruraux2. Quant à l’accroissement de la population migrante originaire du nord du Sous, elle s’explique, dans la décennie 60, par l’attrait d’une ville chantier où l’offre d’emplois excède la demande. La persistance de l’attrait d’Agadir sur les populations du nord du Sous s’explique par la restauration de sa position de capitale régionale avant même 1970, et par la croissance constante de son économie (industrielle, commerciale et touristique). « Le développement économique, social et urbain de l’aire d’Agadir reste le principal élément d’explication du changement de la texture ethnique du contenu humain d’Agadir d’une part, et de l’extension de la zone d’attraction de l’espace gadiri d’autre part. [...] La ville d’Agadir qui était naguère

exclusivement soussie est désormais hétérogène à l’image de son économie et de son

urbanisation. L’aire urbaine d’Agadir est la ville cosmopolite du Maroc »3.

1. A. EL HJOUJI, 1983, pp. 293 et sq. 2

. Ibid., p. 294. 3. Ibid., pp. 297, 299.

Figure 6. - Origine des chefs de foyer migrants de l’aire urbaine d’Agadir [Source : A. BAROUDI, 1971, p. 133].