• Aucun résultat trouvé

Recommandations à d’éventuels investisseurs

Dans le document Pologne - République tchèque (Page 49-56)

Après quatre mois de visites industrielles au Québec dans des domaines tels que la métallurgie, la pharmaceutique, la motorisation, l’aéronautique, les services de transport, après trois semaines d’études et de visites en Europe centrale, deux cours sur la concurrence internationale et l’innovation technologique, après une année complète de préparation, d’aiguillage, de guidage, de prévision, de prévention, d’observation, de comparaison, de réflexion nous aboutissons enfin à la pierre angulaire, à la raison d’être de cette mission industrielle qu’est Poly-Monde 2006: son rapport final. Au terme de celui-ci, les recommandations.

Dans la mémoire des Polonais et des Tchèques, le souvenir de la chute du bloc communiste qui les a mené à se départir de ce régime est encore frais dans leur esprit, malgré un grand sentiment de liberté et de volonté à aller de l’avant.

En peu de temps, ces deux peuples ont procédé à des changements majeurs au sein des structures économique et gouvernementale de leur pays respectif afin de transformer leur régime communiste établi depuis presque cinquante ans en une ébauche capitaliste, ébauche qui a rapidement appris et grandement progressé en un peu plus de quinze ans.

Ce changement a bouleversé leur quotidien, les poussant à effectuer une réorganisation rapide de leur société et de leur fonctionnement. Aidés par l’implantation de sociétés étrangères détenant les connaissances mais recherchant le savoir-faire, ils ont su se montrer à la hauteur de l’attente que l’on avait d’eux en instaurant par exemple des contrôles de qualité, des suivis de production ou des gestions de ressources humaines inspirés de ce qui se faisait à l’étranger, mais totalement inédits et nouveaux aux yeux des Polonais et des Tchèques. Empiriquement, nous avons donc remarqué que les usines et firmes ayant adopté de tels moyens ont vu leur capacité de production et leur efficacité croître très rapidement aux fil des années; il n’est pas rare d’observer des croissances de l’ordre de mille pourcents sur une période d’une dizaine d’années, échelle de chiffres que nous ne rencontrons pas (ou très rarement) dans nos secteurs industriels occidentaux.

La volonté de ces peuples à progresser, à aller de l’avant et à apprendre en s’inspirant de l’extérieur constituent une de leur grande force. Cette attitude facilite l’intégration de filiales d’entreprises et de leur mode de fonctionnement sans provoquer de violentes réactions d’opposition au changement, présentes dans d’autres pays. Les structures en place sont assez souples pour s’adapter à toutes sortes d’initiatives d’entreprises voulant s’établir dans ces deux pays. En effet les capitaux étrangers ont toujours eu un rôle majeur dans la réorganisation et le développement de la nouvelle dynamique de ces marchés (depuis 1990, la Pologne a reçu 65 milliards de $ US en investissements directs étrangers (FDI)), ce qui explique le fait que les gouvernements tchèques et polonais ont toujours cherché à attirer et à garder les investisseurs étrangers, vu leurs impacts sur l’économie nationale mais permettant aussi à ces pays de s’introduire sur le marché mondial. En 2002 le gouvernement polonais a présenté un ensemble de lois appelé « Enterprise First » visant à améliorer les conditions d’établissement et de fonctionnement d’entreprises étrangères tout en simplifiant l’entrepreneuriat polonais. Il y a eu, entre autres, des simplifications dans les procédures d’imposition et de régulation des travailleurs; le processus d’embauche des travailleurs a alors été plus efficace et mieux adapté, en plus de réduire les coûts de main-d’oeuvre imposés à l’employeur.

C’est historiquement que s’explique le grand savoir-faire spécialisé de la Pologne et de la République tchèque; rappelons qu’étant sous l’emprise du bloc soviétique ces deux pays n’étaient que satellites à Moscou, ce qui a provoqué notamment une polarisation au sein de l’Union Soviétique: chaque État était alors spécialisé en un domaine. Le nord de la Pologne donnant sur la mer Baltique était le lieu de grands chantiers navals; de grandes usines de fabrication de pièces et d’outils étaient dispersées autour de Varsovie, tandis qu’en République tchèque se situaient de grandes fonderies-métallurgies ou encore des usines de textiles. Ces connaissances et la maîtrise des diverses techniques dans ces domaines sont donc ancrées dans ces sociétés depuis plus d’un demi-siècle, se traduisant par un énorme savoir-faire et donc par des ouvriers hautement spécialisés et qualifiés. De plus, la chute de l’empire communiste a laissé d’importantes séquelles sur le plan économique et social, sans oublier la tardive entrée de ces pays au sein de l’Union Européenne, expliquant ainsi un niveau de vie relativement bas de ceux-ci comparé à l’Europe de l’Ouest. De manière plus tangible, à titre comparatif, un employé polonais ne coûte qu’un quart que ce que coûterait un employé canadien similaire. Ce fait est non négligeable aux yeux des investisseurs étrangers qui justifient la relocalisation de leurs différentes fabriques en Pologne et en République tchèque par le fait qu’en plus d’avoir une main-d’oeuvre qualifiée manufacturant des produits de grande qualité, leur coût

Recommandations à d’éventuels investisseurs

en général sous les standards de l’Ouest, mais sa progression est rapide grâce à l’importation du savoir-faire étranger et à une aisance, un bien-être, une satisfaction au travail de la part des employés. Ces facteurs font que le coût unitaire de la production reste compétitif, comparable même à celui de la Chine dans certains secteurs. Mais de manière générale peut-on comparer ces pays d’Europe centrale à la Chine ? La réponse n’est pas évidente... Le niveau de vie y est plus élevé qu’en Chine, impliquant des coûts de main-d’oeuvre plus importants pour un même travail. La grande différence cependant se situe dans la qualité: les Polonais et les Tchèques ont un savoir-faire de loin plus évolué, plus affiné, plus spécialisé que les chinois. En découlent des produits certes légèrement plus chers mais ô combien plus fiables. Que se soit dans les secteurs de l’aéronautique, de l’armement, de la métallurgie, de l’automobile, bref, tout ce qui touche les industries lourdes (et qui constituent la spécialité de la Pologne et de la République tchèque) il est grandement plus prudent de s’installer ou de déléguer son travail dans ces pays européens. D’ailleurs de grandes multinationales telles que Pratt&Wittney, FIAT, Toyota/PSA ou Renault ont saisi cette opportunité et produisent ou assemblent leurs produits dans ces pays, bénéficiant de tous les avantages cités ci-dessus. À titre indicatif, le salaire mensuel moyen des Polonais en 2001 était de 535$US, salaire similaire pour les Tchèques.

N’oublions pas aussi que ces pays devaient assouvir sous peine d’interventions militaires les diverses volontés du gouvernement communiste moscovite, ce qui explique pourquoi après le démantèlement du rideau de fer il y a eu une vague pro-nord américaine et le reniement complet des anciens états camarades. Ce fait facilite beaucoup l’installation des entreprises occidentales, allant jusqu’à même créer des situations outrageuses de favoritisme (rappelons le contrat octroyé aux États-Unis par la Pologne pour l’achat d’une flotte de quelques dizaines de F-16, alors que la Suède, la France et la Grande Bretagne proposaient chacun un avion de combat plus récent, plus efficace, et meilleur marché...).

La proximité de l’Allemagne, pays limitrophe à nos deux pays, est un atout autant pour la Pologne que pour la République tchèque qui en font chacun leur pays de transactions par excellence: ils exportent et importent chacun près d’un tiers de leurs produits vers et depuis l’Allemagne, qui leur constitue un marché large, profitable et stable.

La récente entrée de la Pologne et de la République tchèque dans l’Union Européenne a non seulement provoqué une vague d’investissements étrangers privés, mais en plus l’UE a dû investir massivement dans ces deux pays afin de développer des infrastructures importantes mais jusqu’alors inexistantes telles que le réseau routier (la Pologne, qui est un pays de taille comparable à l’Allemagne, n’a qu’une centaine de kilomètres d’autoroutes dans le pays) ou les réseaux de télécommunications. Tous ces grands travaux facilitent et faciliteront l’ouverture de ces deux pays aux éventuels échanges commerciaux. Pour intégrer L’UE, la Pologne et la République tchèque ont dû se plier aux exigences de celle-ci en se dotant notamment d’une législation protégeant la propriété intellectuelle et financelle-cière, permettant au secteur privé d’intervenir dans tous les domaines économiques tout en lui garantissant une certaine protection et stabilité, mais aussi en assurant un traitement égalitaire entre les firmes locales et étrangères: l’État intervient donc très peu dans la dynamique économique du pays et ne cherche pas à favoriser ou à octroyer aux entreprises du pays une aide quelconque, directe ou indirecte, comme cela peut se faire ailleurs dans le monde. La concurrence y est donc loyale: le meilleur prend le dessus de ses concurrents. Par ailleurs, il est à noter que les transactions majeures requièrent l’autorisation du Ministère des Finances, qui s’assure ainsi de la légalité de la provenance des fonds mais surtout de la saine utilisation de ceux-ci au sein du pays: la Pologne et la République tchèque désirent en effet redorer leur image en combattant la corruption qui a malheureusement longtemps sévi à différents niveaux du gouvernement et des représentants de l’État durant les dernières années. De nos jours on prône la transparence et la légalité, même si cela n’est pas toujours le cas (un tiers du PNB en Pologne est non-déclaré, provenant principalement du travail au noir et de fausses déclarations des travailleurs polonais dits ‘’saisonniers’’ allant travailler à l’étranger durant une partie de l’année). De plus, il existe certaines restrictions et conditions quant à la destination des investissements étrangers: certains domaines sont strictement réservés aux entrepreneurs locaux (ex: la construction d’un aéroport; la concession ou la vente de parts est cependant autorisée par la suite dans des domaines tels que la production pour la défense ou la gestion des aéroports et des ports maritimes).

Certains secteurs comme le secteur bancaire, le secteur pharmaceutique ou bien celui des télécoms nécessitent des permis d’exploitation délivrés par le gouvernement; ces mesures visent à encadrer ces domaines et à y garder un certain contrôle pour éviter notamment une répétition de ce qui s’est passé il y a une dizaine d’années quand la Pologne a

Recommandations à d’éventuels investisseurs

vendu son système bancaire à l’étranger. Certains secteurs se voient aussi assigner un plafond de part d’investissements provenant de l’étranger; par exemple la Pologne a imposé les maxima suivants:

transport aérien: 49%

diffusions télévisées et radiophoniques: 33%

télécommunications à l’international: 0%

loterie et jeux: 0%

Historiquement, le secteur agricole reste fermé et est exclusif aux Polonais, pour des raisons de protection des terres face aux étrangers mais aussi pour éviter le morcellement et la dispersion des propriétés. Fait intéressant pour les entreprises désirant s’installer dans ces pays: la loi permet le rapatriement des capitaux et des profits, ceux-ci ne devant donc pas être obligatoirement réinvestis au pays. Cette approche est grandement avantageuse, autant aux investisseurs qu’à la population, tout le monde y trouvant son compte.

La Pologne et la République tchèque possèdent chacune un très grand bassin d’étudiants universitaires. Dans les universités que nous avons visitées, une grande proportion de ces étudiants est dans des domaines telles que la mécanique et l’usinage, mais des recherches en physique, biomédical et autres sont aussi en cours. Cependant le fait majeur à retenir est la capacité des chercheurs à obtenir des résultats malgré les moyens relativement restreints dont ils disposent. En effet, comme nous avons pu le constater, ils travaillent avec une fraction du budget dont disposent les chercheurs universitaires au Québec. Dans ces conditions, le financement des projets de recherche afin de développer de nouveaux produits ou techniques de production pour une entreprise comporte un faible risque puisque le coût de l’investissement est très bas. De plus, les universités sont en général très ouvertes aux partenariats avec le privé pour leurs recherches.

Le nombre relativement limité de partenariats établis à ce jour semble être causé par un manque de contacts avec des entreprises prêtes à investir, plutôt qu’à un manque d’ouverture de leur part. L’autre facteur qui contribue à cette réalité est le faible nombre d’entreprises locales ayant des activités de recherche et développement.

L’intérêt que porte l’Occident à la Pologne et la République tchèque est de loin inférieur à celui qui est porté présentement à la Chine, et pourtant ces deux entités sont similaires et comparables: pays issus du communisme, tentant plus ou moins de se redresser de ce régime et d’adopter le capitalisme, détenant des atouts majeurs attirant les capitaux étrangers, ayant des bassins de travailleurs à faible coûts cherchant des débouchés... et pourtant tout le monde parle de la Chine. En s’y penchant et en s’y attardant, il est facile de se rendre compte des avantages que représentent autant les marchés que les ateliers d’Europe centrale, et que si on s’intéresse, en tant qu’investisseur étranger, à des secteurs bien précis, il y a aisément moyen de tirer son épingle du jeu et de satisfaire ses actionnaires. Il faut même, à la limite, faire attention à ces pays: ils ont faim et soif, faim de responsabilité et de pouvoir, soif de savoir. Vu leur progression rapide et leur entrain, tôt ou tard, d’ici trente, cinquante, cent ans, ces pays seront d’importants concurrents au Canada, sans compter sur l’apport qu’ils auront au sein de l’Europe.

••

••

Dans le document Pologne - République tchèque (Page 49-56)