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Par rapport à l'aragonais, le catalan et le français anciens

5. POSITION DU PRONOM ATONE

5.1. Les lois de Wackernagel et de Tobler-Mussafia

5.2.3. Par rapport à l'aragonais, le catalan et le français anciens

En revanche, si nous regardons la nature de y en fonction de sa tonicité et de son statut syntaxique en aragonais, catalan et français anciens, trois langues qui ont maintenu les pronoms y et en jusqu'à nos jours, nous constatons que dans les trois langues lesdits pronoms étaient plus fidèles aux règles de positionnement que ne l'étaient les deux pronoms en castillan ancien. Ainsi :

Edwin B. Place dans «Causes of the failure of Old Spanish y and en to survive», fait une comparaison entre les deux poèmes épiques emblématiques La chanson de Roland et El Cantar del Mío Cid. Il affirme :

On the other hand, in the Roland as elsewhere in Old French, y (i) obeys in general the same laws of position with respect to the verb as do the O. F. atonic personal pronouns, and it may be considered a weak form.167

C'est ce que signale Antonio Mª Badía Margarit pour les langues ibériques aragonais et catalan :

Nada de eso ocurría en aragonés, cuya construcción difiere, pues, fundamentalmente del castellano, a la vez que sigue las reglas del complemento átono más fielmente que éste[…]

ni en catalán, que también observa las reglas de colocación del pronombre átono.168

Il faut noter que l'aragonais est essentiellement un dialecte qui, soit par archaïsme, soit par influence catalane (compte tenu de la proximité géographique), maintient dans la langue actuelle les deux pronoms dérivés de ĬBĪ et INDE169.

D'où il résulte que des quatre langues mentionnées (castillan, catalan, aragonais et français) seul le castillan perd les deux pronoms et c'est aussi la seule langue dont lesdits pronoms, très souvent, ne respectent pas les règles de position des pronoms atones. Faut-il voir là un rapport de cause à effet ?

164 Antonio Mª Badía Margarit, «Los complementos pronaminalo-adverbiales derivados...», op. cit., p. 128 et 130.

165 Antonio Meilán, op. cit., p. 422.

166 Elisabeth Douvier, «L'évolution et la disparition de l'adverbe de lieu y dans les manuscrits du "libro de la montería» in Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 1978, Villetaneuse, séminaire d'études médiévales hispaniques, Université Parix XIII; Paris, Klincsiek, 3, p. 43.

167 Edwin B. Place, «Causes of the failure of Old Spanish y and en to survive», Linguistic Review, 1930, 21 p. 224.

168 Antonio Mª Badía Margarit, op. cit., p. 154 et 204.

169 Ibid., p. 165.

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Devant la difficulté de préciser la nature de y en fonction des critères déterminés comme ceux de la tonicité et de la position dans la phrase, Antonio Meilán García suggère un regard plus détaché et constate que :

Más importante, desde un punto de vista gramatical, es que y siempre se presenta en el entorno más inmediato del verbo; cosa que poco tiene que ver con la libertad de colocación que tienen –y han tenido históricamente– los sintagmas adverbiales.170

Et de conclure que y serait un morfema objetivo étant donné sa tendance à apparaître como elemento dependiente del verbo.

5.2.3.1. POSITION DE Y PAR RAPPORT AU VERBE EN CASTILLAN

Le Complemento pronominal y, pour reprendre les termes employés par Antonio Mª Badía Margarit, peut se présenter seul, avec un seul verbe, avec deux verbes l'un conjugué et l'autre pas, associé à d'autres pronoms atones qui, à leur tour, peuvent apparaître avec un seul verbe ou avec deux verbes dont un conjugué et l'autre pas.

Les formules par ordre de fréquence, dans les cas où le Complemento pronominal apparaît seul et, en principe, atone, sont les suivantes :

1. Position postverbale. Verbe + Complément pronominal (V – Cp) 2. Antéposé au verbe. Complément pronominal + Verbe (Cp – V)

D'où il ressort que la formule Cp – V, qui est celle qui correspond à la position des pronoms atones, n'est pas la plus fréquente. Il y aurait eu un changement accentuel :

La razón de ello está en que muy frecuentemente la fórmula V – Cp no corresponde a la realidad, sino que ésta estaría mejor expresada con la fórmula "V – Cp tónico"; en efecto, muchos de los casos en que IBI o INDE siguen al verbo no son ya completamente átonos, y llevan formas en las que indudablemente recae un acento de intensidad ni que sea secundario. No son, pues, todos los ejemplos de esta fórmula V – Cp casos de enclisis del pronombre átono.171

Par ailleurs, la combinaison Cp – V est habituelle dans des cas très concrets d'emplois de ĭbī comme par exemple ĭbī + habere. Néanmoins, Antonio Mª Badía Margarit constate également de nombreuses exceptions dans cette construction. Par exemple, dans El Cantar de Mío Cid où, selon Ramón Menéndez Pidal :

en el caso en que Y es más evidentemente átono, cuando va con el impersonal, hallamos que frente a ocho casos en que va antepuesto … se encuentran tres ejemplos con el adverbio pospuesto, contra la regla de pronombre átono.172

Edwin B. Place, dans «Causes of the failure of old Spanish y and en to survive», arrive à la même conclusion par d'autres moyens :

170 Antonio Meilán García, op. cit., p. 424.

171 Antonio Mª Badía Margarit, op. cit., p. 119.

172 Ramón Menéndez Pidal, op. cit., I, p. 417, § 208, 2 cité par Antonio Mª Badía Margarit, op. cit., p. 117.

48 It is even difficult to determine always whether y is tonic or atonic in the Cid. Many cases are doubtful. At all events, of the 43 cases of y as a pronominal adverb, fourteen represent violations of the rules for the position of Old Spanish personal pronouns as set forth by Menéndez Pidal. On the other hand, in the Roland as elsewhere in Old French, y (i) obeys in general the same laws of position with respect to the verb as do the O. F. atonic personal pronouns, and it may be considered a weak form.173

À l'instar de Ménéndez Pidal, Erik Staaf174 dans son étude sur le Cantar de Mio Cid pense que y occupe, généralement, la position d'un pronom atone :

J'ai examiné […] l'emploi de y dans le Cid et j'ai constaté que dans la plupart des cas y suit les règles des pronoms atones. Cet adverbe se trouve donc généralement placé devant le verbe lorsque le verbe est précédé d'un autre mot.

Il constate, néanmoins, plusieurs occurrences où y est antéposé au verbe en position initiale, ce qui va à l'encontre des règles de position des pronoms atones.

Un autre cas de non obéissance aux lois de position des pronoms atones, signalé par Antonio Mª Badía Margarit, est celui de la construction Cp – V avec le complément en début de proposition, car dans ce cas la règle est l'enclise. Il présente l'exemple suivant, extrait du Cantar de Mio Cid : do elle dixiere, Y sea el mojon (v. 1912). À propos de ces cas, Antonio Mª Badía Margarit affirme que presque tous les pronoms sont toniques.

Dans les constructions périphrastiques, à savoir :

1. Complément pronominal + Verbe conjugué + Verbe non conjugué (Cp – V – V).

2. Verbe conjugué + Complément pronominal + Verbe non conjugué (V – Cp – V).

3. Verbe conjugué + Verbe non conjugué + Complément pronominal (V – V – Cp).

Antonio Mª Badía Margarit ne signale aucune exception et les complementos sont, en général, atones.

Enfin, dans la combinaison avec d'autres pronoms atones, Antonio Mª Badía Margarit compte peu de cas et, en général, ils suivent la tendance observée dans les constructions où un seul complément est impliqué. Dans une combinaison de type Cp – V cet auteur ne trouve pas d'exemples à présenter, sauf dans les cas où le complément est en début de proposition et, par conséquent, probablement tonique : tornós a Carrion, I lo podrien fallar (Cantar de Mio Cid, v. 1313). Dans la construction de type V – Cp, plus fréquente que la précédente, les compléments y et ende se trouvent parfois en position finale, mais Antonio Mª Badía Margarit ne dit pas si, dans ces cas, les compléments ne deviennent pas toniques.

5.2.3.2. POSITION DE Y PAR RAPPORT AU VERBE EN ARAGONAIS

À la différence du castillan, la construction de type Cp – V est la plus courante. En effet, l'aragonais suit les règles du complément atone plus rigoureusement que ne le fait le

173 Edwin B. Place, op. cit., p. 224.

174 Erik Staaf, «Contribution à la syntaxe du pronom personnel dans le Poème du Cid» Romanische forschungen, 1906, XXIII, 621 ff. Cité par William Starr, op. cit., p. 11.

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castillan175, avec quelques rares exceptions en position initiale de proposition qui, selon Antonio Mª Badía Margarit, seraient probablement des pronoms toniques : Mas a ese logar – on me falleste primero,- Hi no me fallarás (Sta María Egipciaca, v. 1295).

Dans les constructions de type V – Cp, bien que moins fréquentes que les précédentes, le pronom postverbal est atone, par exemple dans les cas de habere + y : haY, habia y etc.

Dans les cas avec deux verbes, c'est également la formule où le complément est placé avant le verbe conjugué (Cp – V – V) qui est la plus fréquente. Les deux autres combinaisons, à savoir V – Cp – V et V – V – Cp sont peu employées.

En combinaison avec d'autres pronoms atones, la position proclitique (Cp – V) est également la plus fréquente, bien qu'il y ait des cas de construction V – Cp dans lesquels le pronom hi occupe la seconde position : Et mudo los HY del monesterio de Clunyego (Crónica S. Juan Peña, p. 42-43).

5.2.3.3. POSITION DE Y PAR RAPPORT AU VERBE EN CATALAN

La construction de type Cp – V est presque courante. Il faut signaler par ailleurs que parfois, dans la langue médiévale, lorsque la construction devrait être V – Cp, on observe des constructions inverses, c'est-à-dire Cp – V.

Ces cas sont les suivants :

1. lorsque le complément est initial, la règle est qu'un complément ne peut pas être en début de proposition ; dans ces cas, le complément devient enclitique.

2. lorsque la proposition commence par la conjonction ET, car l'ordre normal est que le verbe suive immédiatement la conjonction.

La construction de type V – Cp est de rigueur lorsque le verbe est un impératif, un infinitif ou un gérondif ; lorsque le verbe est en début de la proposition (sauf exception mentionnée plus haut) ; lorsque le verbe est précédé par la conjonction et (sauf exception mentionnée plus haut) magis ou postj (puys) ; en inversion dans les phrases interrogatives. De surcroît, Antonio Mª Badía Margarit constate aussi des cas qui devraient se construire selon le type Cp – V et qui apparaissent dans l'ordre opposé (V – Cp).

Dans les de constructions avec deux verbes dont l'un conjugué et l'autre pas, la formule Cp – V – V est de loin la plus fréquente. Néanmoins, dans ces combinaisons, il faut signaler aussi certains cas qui devraient se construire en V – Cp : lorsque hi est en début de proposition ou lorsque celle-ci commence par la conjonction et. Il y a peu de cas construits avec les deux autres formules V – Cp – V et V – V – Cp.

Combiné à d'autres pronoms atones, ĭbī occupera la seconde place, que ce soit dans des constructions de type Cp – V ou de type V – Cp.

175 Pour rappel, celles-ci sont : le complément atone se place le plus avant possible dans la phrase, sans jamais occuper la position initiale de la proposition, car dans ce cas il devient postverbal. De même si le verbe est précédé de et ou de magis, le pronom est également placé après le verbe.

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Comme on a pu le constater, la grande différence entre le castillan, d'une part, et l'aragonais et le catalan, d'autre part, est que dans le premier, contrairement aux deux autres, le pronom hi ne respecte pas les lois de position des pronoms atones dans la phrase. Par conséquence, étant souvent tonique, il aurait été plus exposé à la concurrence d'autres expressions locatives qui, à la longue, selon Antonio Mª Badía Margarit, auraient fini par s'imposer dans les emplois réservés à hi, provoquant ainsi sa disparition.