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Le concept de «point» opposé à celui d'«extension plus ample»

III Approches du signifié de y à travers son signifiant et sa relation avec la personne

2. LE THÈME EN -Í S'OPPOSE AU THÈME EN -Á

2.3. Le concept de «point» opposé à celui d'«extension plus ample»

Plusieurs auteurs ont défendu la thèse de la dimension de l'espace représenté comme fondement de la discrimination sémantique entre les formes en -í et les formes en -á. Les premières indiqueraient un lieu de taille réduite alors que les secondes diraient un espace de plus grande extension.

Selon Xavier Terrado, beaucoup de grammairiens, insatisfaits de la théorie exposée par Vicente Salvá300 pour expliquer la différence sémantique entre les formes en -í et en -á, en ont cherché une autre et en 1855 José Joaquín de Mora en propose une basée sur la taille de

300 Voir le chap. III, 2.2 Opposition «contexte dynamique» / «contexte statique», p. 93.

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l'espace représenté : «Acá envuelve un sentido más vago y se aplica a una localidad más extensa que aquí […] Allí sirve para ideas más determinadas, más concretas que allá»301. Cette théorie a eu ses adeptes et ses opposants. Parmi les premiers, on peut citer Joan Corominas :

«[allá] Se ha diferenciado siempre de allí por referirse a un lugar más amplio (región, país, continente, el otro mundo) o localizado más vagamente»302. Luis Eguren, dans le panorama qu'il dresse sur la question, fait état des auteurs qui soutiennent cette théorie : «Otros autores hacen especial hincapié en el hecho de que los temas en -á suelen identificar lugares de mayor amplitud que los temas en -í»303. Ou encore la Nueva gramática de la lengua española : «acá y allá designan espacios concebidos como áreas o zonas, más que como puntos o localizaciones específicas, como sucede con los adverbios de la otra serie»304. D'autres, en revanche, manifestent leur scepticisme en faisant remarquer que ces considérations ne sont pas valables pour toutes les variantes de l’espagnol, car il y a des variations diatopiques, en particulier le fait qu'en espagnol péninsulaire l'emploi des formes en -í s'est généralisé (en réalité, depuis que nous avons des témoignages écrits)305 au détriment des formes en -á. En Amérique latine, au contraire, acá, tend à remplacer aquí, d'où il s'ensuit que des deux côtés de l'Atlantique il y a eu neutralisation de cette opposition sémantique : aussi bien aquí, en Espagne, que acá, en Amérique, sont capables d'exprimer les deux sortes d'espace306. Manuel Alvar et Bernard Pottier ne disent pas autre chose :

Se han dado diversas explicaciones acerca de los valores de aquí (punto fijo y determinado) y acá (centro de una región más o menos extensa) y de sus usos, pero lo que ha podido ser, no lo es: la geografía de nuestra lengua ha ido configurando una serie de preferencias y, en algunos sitios de América, acá ha reemplazado a aquí.307

c'est également ce que fait Luis Eguren quand il souligne que l'espace représenté est relatif et

constituye una 'región de proximidad', y no un lugar rígidamente acotado de antemano. Hay que distinguir, pues, el 'espacio de la percepción visual' del 'espacio geográfico' para poder dar cuenta del hecho de que una misma forma locativa se utilice para referirse a lugares de muy variadas dimensiones (en la oración Me encuentro muy a gusto aquí, el adverbio locativo puede equivaler, dependiendo del contexto, a esta casa, esta ciudad, este país, este continente, etc.)308

C'est encore ce que fait José Mª García Miguel. En effet, cet auteur, après avoir repris la définition établie par Luis Eguren concernant la série binaire en -á (selon laquelle : «Los adverbios demostrativos locativos de la serie de acá no conceptualizan un lugar como un punto o una región determinada, sino como una extensión imprecisa o un continuo»309), souligne des

301 José Joaquín de Mora (1855:5) cité par Xavier Terrado Pablo, «Sobre el valor de la alternancia /í/-/á/l» op. cit., p. 47.

302 Joan Corominas, José Antonio Pascual, op. cit., s. v. allá.

303 Luis Eguren, op. cit., p. 959, § 14.4.2.1.

304 Real Academia Española, op. cit., I, p. 1315 § 17.8f.

305 En ce qui concerne la période du Moyen Âge, dans notre corpus nous avons trouvé le nombre d'occurrences suivant par siècle, en pourcentage : XIIe s. : 0 ; XIIIe s. : 85% allí contre 15% allá ; 93% aquí contre 7% acá ; XIVe s. : 79% allí contre 21% allá ; 89% aquí contre 11% acá ; XVe s. : 91% allí contre 9% allá ; 86% aquí contre 14% acá.

306 Nous avons déjà avancé cet argument diatopique dans le chap. III, 2.2 Opposition «contexte dynamique» /

«contexte statique», p. 93, mais compte tenu de sa valeur, nous nous voyons obligés de le répéter dans ce nouveau chapitre.

307 Manuel Alvar, Bernard Pottier, op. cit., p. 331.

308 Luis Eguren, op. cit., p. 959, § 14.4.2.1.

309 Luis Eguren, op. cit., cité par José Mª García Miguel op. cit., p. 1305-1306, § 14.7.

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différences de nature syntaxique entre les formes des deux séries. Ces différences sont les suivantes :

Les adverbes en -á, dit-il, s'emploient plus fréquemment que les adverbes en -í dans les contextes suivants :

1. Avec des verbes de direction.

2. Avec des prépositions de direction.

3. Avec des adverbes de position tels que allá abajo.

4. Avec des quantificateurs : más allá

En revanche, ce sont les adverbes en –í, plutôt que les adverbes en –á, qui s'emploient avec des intensificateurs tels que exactamente , mismo... exactamente aquí310.

Mais quelques lignes plus bas, il en limite la portée :

No obstante, todo lo anterior da cuenta sólo de algunas tendencias sintácticas generales registradas por los estudios gramaticales citados más arriba y no debe verse como un conjunto de reglas válidas para cualquier variante del español. Hay considerables variaciones diatópicas, diastráticas, diafásicas y diacrónicas en el uso de estos adverbios, que limitan el alcance de tales tendencias. Entre otras cosas, acá ha sustituido casi por completo a aquí en muchas zonas de Hispanoamérica.311

Ce constat de nature diatopique, que nous avons déjà vu, bien que pertinent, ne s'applique que pour la paire oppositive aquí et acá ; allí et allá sont d'emploi courant aussi bien en Espagne qu'en Amérique, bien qu'en Espagne la première forme soit plus employée que la seconde et que de l'autre côté de l'Atlantique ce soit le contraire.

Pour la Real Academia Española la caractéristique la plus significative dans l'opposition entre les séries en -í et en -á est que la «segunda admite la cuantificación de grado (más allá, un poco más acá) y la primera tiende a rechazarla (se dice tan allá no tan allí»)312. Cependant, cet auteur atteste également l'emploi des syntagmes más aquí et más allí dans plusieurs zones géographiques : le Méxique, l'Amérique centrale, la région andine et de Rio de la plata et en Espagne.

Sur cette question de l'opposition «point / extension», Maurice Molho déclare que les adverbes en -í «n'en sont pas moins capables d'évoquer en discours des étendues variables, aussi vastes ou aussi réduites qu'on voudra ou pourra l'imaginer»313. Position que René Pellen avait rejetée, car selon lui :

Il semble cependant difficile d'admettre que lesdites étendues [représentées par les adverbes en -í] "s'évoquent à la pensée sous l'espèce de zones référées au centre ponctuel à partir

310 Il est à noter que ces différences de comportement syntaxique ont été signalées, sinon toutes du moins quelques unes, par d'autres auteurs : Maurice Molho dans «Remarques sur le système des mots démonstratifs en espagnol et en français» p. 107 ; Luis Eguren dans le chap. 14 de la Gramática Descriptiva de la Lengua Española p. 964-965, § 14.4.4.2 ; Federico Hanssen dans le chap. XX de la Gramática histórica de la lengua castellana p. 261 § 623 ; Jack Schmidely, op. cit., p. 246 et Amélie Piel dans sa thèse : Les déictiques déclinables et indéclinables de l'espagnol médiéval. Etude synchronique, p. 247.

311 José Mª García Miguel, op. cit., p. 1306.

312 Real Academia Española, op. cit., p. 1314, § 17.8d.

313 Maurice Molho, op. cit., p. 107.

101 duquel elles rayonnent, l'irradiation pouvant s'étendre aussi loin que la visée expressive le requiert". 314

Jack Schmidely, de son côté, bien qu'il ait dénoncé le caractère arbitraire de l'opposition

«lieu ponctuel / champ de parcours» de Maurice Molho, estime que les formes en -á représentent un espace de plus grande extension que celui représenté par les formes en -í. Il part du fait qu'avec un espace divisé en trois parties, chacune de ces parties est forcément plus réduite que celles d'un espace divisé en deux (parties). :

Une telle différence ne doit pas surprendre lorsque l'on songe qu'avec les formes en -í l'espace se trouve divisé en trois compartiments qui, à l'évidence, sont plus réduits, plus limités, que lorsque ce même espace est séparé seulement en deux portions, ce qui se produit avec les formes en -á. Et il s'agit, dans un cas comme dans l'autre, de zones, de champs à l'extension variable ; pas de "lieu ponctuel" au départ, mais seulement à titre de cas limite.315

Cette assertion a été remise en cause par Maurice Molho, pour qui le fait de «couper l'infinitude spatiale en trois compartiments, plutôt qu'en deux, (ne) livre (pas) des étendues sensiblement plus réduites»316. Nous ne souscrivons pas non plus à la théorie de J. Schmidely pour la raison présentée par Maurice Molho.

Une autre théorie qui essaye d'expliquer la différence de sémantisme entre les formes en -í et les formes en -á, est celle exposée par Xavier Terrado Pablo qui reprend les thèses développées par José López de la Huerta, auxquelles il adhère. Pour ces deux auteurs, les adverbes en -á sont d'une extension plus grande que les adverbes en -í, parce que les premiers représentent un espace relatif alors que les seconds représentent un espace absolu.

Su diferencia consiste en que aquí representa el lugar de un modo absoluto y sin referencia alguna a otro lugar [...] Pero acá tiene mayor extensión, porque además de representar el lugar añade por sí sólo la esclusión de otro lugar determinado, que directa o indirectamente se contrapone a aquel en que nos hallamos; [...] Con la misma proporción se distinguen los adverbios locales allí y allá. El primero representa aquel lugar absolutamente, y el segundo le representa con relación esclusiva del lugar que hablamos.317

2.3.1. Allá ~ allí

Maurice Molho318, a vu dans la forme allá un contenant de allí. C'est le cas, par exemple, lorsque allá représente un large espace incluant dans son sein une série de lieux représentés par allí, forcément de taille plus réduite. Dans notre corpus nous n'avons trouvé que quelques cas de ce type, dont voici un exemple :

76) "Di a tu hermano Aaron que non entre en todo tiempo en la camara dela tienda allend el uelo o esta ell arca, ante que non faga como te Yo aqui mandare, ca sepas que me mostrare Yo en nuue alli sobre la tabla dela piedad, o te mande que estidiessen los

314 René Pellen, op. cit., p. 455.

315 Jack Schmidely, op. cit., p. 246.

316 Ibid., note 10 bis.

317 José López de la Huerta, Examen de la posibilidad de fixar la significación de los sinónimos de la lengua catellana, 1789, p. 27. Cité par Xavier Terrado Pablo, op. cit., p. 52.

318 Maurice Molho, op. cit., p. 114-115.

102 cherubines; e que si el alla entrasse dotra guisa, que morrie por ello si esto que Yo agora mandare non fiziesse antes, como te dire".

General estoria, p. 539, 13b

Où alla se réfère à l'espace «allend o esta ell arca» et alli «sobre la tabla dela piedad»

qui se trouve à l'intérieur du premier espace.

Il ressort de ce qui précède que, pour une majorité d'auteurs, la différence de sémantisme entre les formes en -í et les formes en -á est fondée sur le caractère plus ou moins extensif de l'espace représenté par aquí, allí, acá et allá, même si aucun d'entre eux n'y voit l'unique facteur explicatif. Cependant, l'analyse des emplois de aquí, acá, allí et allá recensés dans les ouvrages de notre corpus ne permet pas de le confirmer. En effet, on trouve des formes en -í qui font référence à de grandes étendues et au contraire des formes en -á qui se réfèrent à des espaces de dimension réduite. Nous en proposerons des exemples immédiatement dans les pages qui suivent car, d'une certaine façon, le présent chapitre et le suivant se recoupent.