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À propos de eccum- et de a-

Nous venons de faire une brève présentation de l'étymologie des adverbes déictiques d'où il résulte que l'on peut diviser le système en deux séries : celle composée de morphèmes précédés du préfixe aqu- / ac- (aquí, acá, acullá, aquende) et celle composée de morphèmes précédés du préfixe a- (ahí, allí, allá, allende).

Nous avons vu également qu'il n'y avait pas unanimité en ce qui concerne l'étymologie de plusieurs formes :

aquí : eccum hīc

acá : eccum hac / atque hac

102 Il faut noter, néanmoins, que Brian Dutton dans son édition de la Vida de San Millán, s'appuyant sur un autre manuscrit propose y et non ay. Gonzalo de Berceo, Obras completas I, La vida de San Millán de la Cogolla, 2e éd.

cor. et augm. [1ere éd. 1967], 1984, Londres, Tamesis Book Ltd., p. 85.

103 Pour les documents de notre corpus jusqu'à 1250 (certains textes des Documentos Lingüísticos et de Crestomatía, El Cantar de Mio Cid, La Fazienda de Ultramar et le Libre d'appollonio) nous avons recensé le nombre d'occurrences suivants : aquí : 212 ; acá : 26 ; allí : 234 ; allá : 41 ; ahí : 3 ; hi : XIIe siècle 30 ; XIIIe siècle jusqu'à 1250 : 410.

104 Vicente García de Diego, op. cit., p. 255.

105 Real Academia Española, op. cit., p.1281, § 17.2ñ.

106 Ralph Penny, op. cit., p. 132.

107 Xavier Terrado Pablo, op. cit., p. 58-60.

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acullá : eccum illāc / création romane acó lá

aquende : eccum ĭnde / aquí ende / eccum hinc / aquen de < eccum hinc / acá ende / allende : ellum inde / adĭllic ĭnde / allí ende / allen de < illinc / a illinc de

allí : ad-ĭllīc allá : ad-ĭllac

ahí : ad hīc / création romane a y

Indépendamment des divergences théoriques, force est de constater la présence d'un adverbe latin eccum et d'une préposition latine ad qui seraient devenus respectivement l'élément aqu- / ac- et l'élément a- des adverbes déictiques. L'interprétation de ce a- initial a fait l'objet de plusieurs explications. En effet, pour Manuel Alvar, Bernard Darbord et Bernard Pottier, la particule eccum est devenue *accu, probablement par influence du a- prospectif provenant de ad. Pour Maurice Molho aussi108, il y aurait eu une forme *accu : «Sabido es que originariamente la oposición grado pleno / grado reducido debía corresponder a una alternancia de dos prefijos: ac- (< *accu) y a- (ad)»109. Cependant, pour cet auteur comme pour les autres ici mentionnés, c'est la préposition ad- qui serait intervenue dans la formation de *accu :

Ni qué decir tiene, que una lectura diacrónica permitiría identificar dos prefijos, procedente el uno de *accu (derivado de eccum ~ ecce), el otro del elemento ad–, que en latín era preposición-prefijo, y que con toda probabilidad interviene en la formación de *accu (ad + eccum).110

Pour Antonio Mª Badía Margarit, ces adverbes proviennent du latin et d'un a- prothétique111 mais il ne donne aucune explication quant à la provenance de ce a-. Federico Hanssen considère que l'origine de ce a- initial est inconnue et Ramón Menéndez Pidal émet deux hypothèses : «la a de todos estos compuestos quizá es la conjunción ac o la preposición ad antepuesta»112.

Pour résumer, il faudrait signaler, tout d'abord, qu'il n'y a pas unanimité sur la provenance du a- prothétique, que l'on trouve par le biais d'eccum ou par le préfixe a- dans la formation de tous les déictiques. En effet, les déictiques indéclinables sont formés :

– soit par un préfixe eccum, lequel, sous l'influence de la préposition ad-, pour certains auteurs, ou sous l'influence de la conjonction ac-, pour d'autres, serait devenu *accu et cet élément se serait associé à hīc, hāc, ĭnde / hinc et illāc pour donner aquí, acá, aquende ou aquen (base de aquende) et acullá, sauf si ce dernier adverbe ne vient pas du gallicien-portugais.

– soit par un préfixe a- provenant de la préposition ad-, lequel, associé à illic et illāc, a donné respectivement allí et allá (ce même a- initial qui, selon d'autres auteurs, est de provenance inconnue).

108 Maurice Molho, «La deixis española: lectura del significante», Scripta Philologica in honorem Juan M. Lope Blanch, 1992, Mexico, Universidad nacional autónoma de México, p. 204.

109 Ibid., p. 204.

110 Ibid., p. 205.

111 Antonio Mª Badía Margarit, «Cuestiones de lenguaje: los adverbios demostrativos de lugar ahí y allí», Correo escolar, 1948, San Salvador, p. 2.

112 Ramón Menéndez Pidal, Manual..., op. cit., p. 333, § 128.2.

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Allende, par ailleurs, proviendrait de ellum (archaïque pour illum) + ĭnde, s’il ne provient pas de adĭllic ĭnde ou de a illinc ou encore de allen (base de allende) et se serait agglutiné à la préposition de, tout comme aquen, à moins que ces deux formes aquende et allende aient subi l'influence de ende lors du processus de l'agglutination.

L'adverbe ahí, enfin, fait l'objet de deux hypothèses l'une postulant une origine latine ad hīc, l'autre une origine romane a + y.

provenance a- protétique

eccum eccum > *accu

< conj. ac-

< prép. ad-

eccum (> *accu) + hīc > aquí + hāc > acá

+ ĭnde / hinc > aquende / aquen + illāc > acullá

a- ad > a- a- + illic > allí + illac > allá

allende < ellum inde adillic inde a illinc

allen (+ prép. de) origine latine ad + hīc ahí <

origine romane a + y

3. TONICITÉ

La question de la tonicité de y est essentielle pour essayer de comprendre la position de ce pronom dans la phrase et par conséquent son rôle syntaxique. C'est une affaire d'une grande complexité qui montre toute la difficulté de se prononcer sur le sujet.

Les compléments dérivés de hīc, ĭbī ou hīc et ĭbī peuvent être accentués dans la phrase – ils seront donc toniques –, ou sans accent – ils seront donc atones – et le fait d'être toniques ou atones dépend de l'aspect accentuel de la phrase et de la syntaxe des différents syntagmes qui la forment. Autrement dit, ils peuvent avoir un comportement d'adverbe et fonctionner de façon autonome comme des compléments circonstanciels, être libres et placés n'importe où dans la phrase – ils seront dans ce cas considérés comme toniques – ou être dépendants du verbe et à cet égard, ils seront considérés alors comme compléments pronominalo-adverbiaux atones. En fait, leur caractère atone est rigoureusement indispensable pour que ces pronoms

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acquièrent le statut de compléments pronominalo-adverbiaux. D'autre part, lorsqu'ils sont atones, ils sont soumis aux règles de positionnement des compléments pronominaux.

3. 1. Y était-il tonique ou atone ?

Un élément atone, par définition, s'appuie sur le mot qui le précède ou qui le suit, formant avec lui une unité accentuelle. De ce fait, l'élément atone est dépendant de celui sur lequel il s'appuie et il est contraint d'occuper une place déterminée dans la phrase, obligatoirement liée à celle de l'élément tonique dont il dépend.

Un élément tonique, au contraire, est indépendant et peut occuper n'importe quelle place dans la phrase. Selon la terminologie la plus usuelle, donc, si y est adverbe, il sera tonique et s'il est complément il sera atone.

En ce qui concerne la tonicité de y en castillan, tous les linguistes qui ont étudié cette question arrivent à la même conclusion : dans de nombreux cas il est extrêmement difficile, voire impossible, de savoir si y était atone ou tonique113. Certains privilégient son aspect étymologique, d'autres son comportement fonctionnel et syntaxique.