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Les linguistes d'inspiration guillaumienne

II. LES CAPACITÉS RÉFÉRENTIELLES DE Y

2. VALEURS ET HISTOIRE DE Y DANS L'HISTORIOGRAPHIE LINGUISTIQUE

3.1. Y est-il un déictique ?

3.1.3. Les linguistes d'inspiration guillaumienne

Pour les linguistes d'inspiration guillaumienne, la déixis et l'endophore sont des fonctions qui opèrent dans le discours, mais pas en langue. De ce fait, quel que soit le lieu –

235 Luis J. Eguren, op. cit., p. 934.

236 Ibid.

237 shifter : «classe de mots [...] dont le sens varie avec la situation [...]», selon la définition donné par Jespersen dans le Dictionnaire de la linguistique de Georges Mounin.

238 Manuel Alvar, Bernard Pottier, op. cit., p. 329 § 217.

239 Citée par Cristóbal Macías Villalobos, op. cit., p. 21 Ana Mª Vigara Tauste, «Sobre deíxis coloquial», Pragmática y gramática del español hablado, 1996, Universidad de Valencia, Antonio Briz et al., p. 257-258.

240 citation extraite de Cristóbal Macías Villalobos, op. cit., p. 21.

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extra-discursif ou intra-discursif – où un mot puisse apparaître, son signifié sera toujours identique. Il nous semble donc important de bien différencier ces deux notions, de façon à ne pas attribuer à un signifié ce qui serait, en réalité, un fait du discours.

Maurice Molho ne dit rien d'autre lorsqu'il affirme :

Le système ainsi construit se prête à toute sorte de visées discursives. Rien ne serait plus préjudiciable à l'analyse que d'attribuer à la langue ce qui ressortit au discours, qui en est la subséquence expressive. Aussi se gardera-t-on ici de distinguer, comme il est d'usage de le faire, plusieurs espèces de déixis : une déixis "ad oculos", dont le propre est de désigner un être supposé présent ou absent au regard, une déixis anaphorique qui n'opère que dans le champ du dire, une déixis temporelle qui aurait pour fonction de montrer des lieux de temps, une déixis affective, une déixis évocatrice, etc. Il n'y a en langue qu'une seule déixis : celle que le système institue et en vertu de laquelle il apparaît compétent, sans que sa forme ou son contenu de représentation en soient nullement altérés, à l'endroit de toutes les déixis que le sujet parlant, lié à son expérience du moment, se trouverait dans le cas de devoir ou de vouloir produire.241

Justino Gracia-Barron et Amélie Piel dans «Sémiologies de l'existant : est-, es-, aqu-»

se démarquent des grammairiens traditionnels et posent d'autres critères :

En chronologie de raison, la "monstration linguistique" est l'aboutissement d'un parcours décomposable en trois étapes :

l'on doit tout d'abord se représenter un ensemble homogène d'éléments

puis isoler un ou plusieurs de ces éléments

et enfin, opposer le (ou les) élément(s) saisi(s) à tous ceux qui n'ont pas été retenus.

Autrement dit, la "monstration linguistique" repose sur une double contrainte. Pour qu'il y ait deixis :

il faut en premier lieu que les formes qui la réalisent composent un ensemble oppositif. [...]

par ailleurs, il faut aussi que chacun des paradigmes qui composent l'ensemble

"démonstratif" possède sa façon à lui, différente de celle des deux autres, de saisir l'élément qu'il accompagne ou qu'il remplace.242

Jack Schmidely dans son article «Déictiques spatiaux de l'espagnol» adhère aux thèses de Maurice Molho, qu'il cite243, et conteste la classification proposée par Karl Bühler (la déixis ad oculos, la déixis anaphorique ou cataphorique et la déixis am phantasma) déjà exposée ici car, dit-il : «Il nous semble que cette division correspond déjà à une classification de faits de discours et que le système de base préexistant à ces différentes exploitations n'a pas été mis en lumière»244.

241 Maurice Molho, «Remarques sur le système...», op. cit., p. 119-120.

242 Justino Gracia-Barron, Amélie Piel, «Sémiologie de l'existant : est-, es-, aquel-» Actes du 11e colloque de linguistique de LIbeRO, 2006, Université Paris XIII, à paraître.

243 Jack Schmidely, «Déictiques spatiaux de l'espagnol» Mélanges offerts à Vincent Aubrun, 1975, Paris, éd.

hispaniques, t. 2, p.239.

244 Ibid.

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3.1.4. Synthèse

La déixis est une fonction qui consiste, lors d'un acte de communication, à signaler un élément nouveau et à l'introduire dans le discours en l'actualisant par rapport aux trois coordonnées : yo, aquí et ahora du locuteur. L'endophore consiste à rappeler, dans le discours, quelque chose de déjà mentionné (cas de l'anaphore) ou à anticiper quelque chose (cas de la cataphore)245.

Certains auteurs assimilent l'endophore à la déixis et l'appellent déixis fórica ou intra-textuelle, en espagnol et en français respectivement, en alléguant que cette dernière n'est qu'un type particulier de monstration. Ou alors, suivant Karl Bühler, ce n'est qu'une translation psychologique du champ de la monstration au contexte du discours. Pour ces auteurs, la monstration est le caractère définitoire de la déixis et l'égocentrisme, la subjectivité et l'actualisation sont secondaires.

D'autres, en revanche, s'en tiennent à une définition plus précise et plus restrictive de la déixis et n'incluent pas l'endophore dans celle-ci.

Les guillaumiens, enfin, considèrent la déixis et l'endophore comme des fonctions discursives qui, donc, n'opèrent pas en langue. D'où, l'importance de bien distinguer ce qui appartient au discours de ce qui ressortit à la langue246.

Il reste à signaler, enfin, les auteurs, qui ayant étudié le problème de la disparition de y, et sans théoriser le concept de la déixis, se sont prononcés sur le caractère déictique (au sens large) ou simplement anaphorique de y (sens strict)247. Parmi les premiers, outre Carlos E.

Sánchez Lancis et Mónica Velando, déjà mentionnés pour avoir adopté les théories bühleriennes plus explicitement, on peut citer : Antonia Mª Coello Mesa : porque i, debido a su carácter deíctico...248, et Erica C. García : El cambio es relativamente transparente en el caso de IBI: debilitamiento deíctico de y, que requiere su reemplazo por la forma reforzada ahí249. Parmi les seconds : José de Azevedo Ferreira, qui annonce sa position dès l'introduction : «le pronom adverbial y et sa fonction de pronom anaphorique»250, Elisabeth Douvier : L'adverbe de lieu Y a une fonction de pronom anaphorique...251, Antonio Meilán García, qui affirme :

245 Parmi les linguistes qui considèrent la référentialité et l'égocentrisme comme des caractéristiques des expressions déictiques, on peut citer à l'exemple de Luis Eguren : Lyons (1977a: 574), Juan Antonio Vicente Mateu (1994: 170) et Vaneli et Renzi (1995). D'autres comme Cinque (1976), Kerbrat-Orecchioni (1980: 48) ou Moreno (1991: 163) soulignent spécialement l'égocentrisme seulement. Luis Eguren, op. cit., note 2 p. 932.

246 La place de la syntaxe dans l'analyse linguistique est objet de débat depuis de nombreuses années. Pour Gustave Guillaume, la syntaxe d'un signe de langue dépend directement de ce qu'est le signifié de ce signe.

Certains linguistes en déduisent que cette syntaxe est un élément du signifié d'un signe. D'autres auteurs, en revanche, pensent qu'une fonction peut se rattacher à un signifié sans pour autant être partie intégrante de ce signifié. C'est justement sur cette opposition entre simple dépendance ou intégration totale que se fonde la controverse actuelle.

247 Il nous semble que les auteurs qui qualifient y de déictique sont partisans des théories bühleriennes, donc d'une déixis au sens large et ceux qui le qualifient d'anaphorique sont partisans d'une déixis plus stricte.

248 Antonia Mª Coello Mesa «Funciones y valores...», op. cit., p. 58.

249 Erica C. García, op. cit., p. 562.

250 José de Azevedo Ferreira, «Les verbes haber – tener et l'emploi de l'anaphorique y dans le Libro de los gatos», Boletim de Filologia, 1981, Lisbonne, Instituto Nacional de Investigação Científica, Centro da Linguística da Universidade de Lisboa, t. XXVI, p. 263.

251 Elisabeth Douvier, op. cit., p. 33.

86 Es claro, por otra parte, que y era un "sustituto", pues aparece como referente de sustantivos –con posibilidad léxica de referirse a "lugar"–, [...] Parece, por tanto, que tal elemento tenía un valor "anafórico" semejante al de los sustitutos pronominales, puesto que casi siempre remite a una unidad –generalemente "locativa"– expresada previamente.252

et José Mª García Miguel, qui classifie y parmi les adverbes déictiques aquí, ahí, allí, acá et allá, et décrit leur fonction référentielle uniquement par rapport à la réalité extralinguistique, sans tenir compte de leurs capacités anaphoriques : Los adverbios deícticos 'demostrativos' o 'pronominales', identifican un lugar con referencia al espacio de la enunciación y sus participantes253.

III Approches du signifié de y à travers son signifiant et sa