• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5 : La discussion des résultats

5.4 Le rôle de la réciprocité sur la participation de la Nation huronne-wendat au

Les données recueillies par les entrevues semi-dirigées nous ont permis de mieux comprendre que la participation de la Nation huronne-wendat aux instances du CSAFM découlait aussi d’attentes et d’intérêts à longs termes, propre à la Nation huronne-wendat et à l’Université Laval. L’entente récemment signé contribue à répondre aux intérêts de la Nation et de l’Université. Afin de mieux comprendre le processus de réciprocité qui s’est installé entre ses deux acteurs, nous débuterons notre analyse par le contexte d’inclusion des Premières nations au CSAFM, c’est-à-dire la certification FSC et le projet d’agrandissement de la Forêt Montmorency.

127 Comme nous l’avons vu précédemment, la Forêt Montmorency est tenue, par son architecture institutionnelle, d’appliquer les meilleures méthodes de gestion et d’aménagement à l’intérieur des limites de son territoire. C’est-à-dire qu’elle a pour mandat d’être à l’avant-garde des pratiques en foresterie au Québec et que ce mandat a une incidence directe sur l’identité de la forêt. L’optimisation quelle fait de l’utilisation de ses ressources, en particulier par l’aménagement polyvalent, et les modèles d’aménagement forestier qu’elle a développés par le passé ont largement contribué à la définir comme exemplaire. C’est dans cette même perspective d’être une Forêt exemplaire, qu’elle entreprit le processus de certification forestière FSC.

La Forêt Montmorency entreprit son processus de certification FSC en 2010, répondant promptement à un contexte où le gouvernement provincial venait d’annoncer son intention de faire certifier l’entièreté du territoire forestier public. La perception chez les gestionnaires de la Forêt et chez les membres du CSAFM était que cette dernière se devait d’obtenir la certification FSC à la fois pour pouvoir l’enseigner, mais aussi pour conserver son statut de forêt exemplaire.

Le second projet qui fut entrepris durant la même période que les démarches de certification forestière est celui d’agrandissement du territoire de la Forêt Montmorency. S’inscrivant dans la pensée institutionnelle de la Forêt Montmorency qui est cadrée comme un laboratoire, le projet d’agrandissement était perçu par plusieurs acteurs du milieu forestier comme le meilleur moyen de faire en sorte que les modèles d’aménagements développés sur le territoire de la Forêt Montmorency puissent être applicables sur l’entièreté du territoire forestier québécois. Il répond en partie à une certaine contradiction qui était devenue apparente dans la pensée institutionnelle du CSAFM, où la représentation de la Forêt Montmorency comme exemplaire se trouvait mitigée par la reconnaissance du fait que l’aménagement pratiqué sur le territoire montmorencien n’était plus transposable à de grands territoires, éloignés des centres urbains, où la gestion multiusage n’était pas nécessairement une possibilité. La Forêt Montmorency est représentée comme le laboratoire non pas uniquement de l’Université Laval, mais aussi du gouvernement québécois. Dans cette perspective, l’agrandissement du territoire de cette forêt vient aligner ses pratiques et sa pensée institutionnelle, faisant à nouveau de la Forêt Montmorency une forêt laboratoire d’innovation pour l’Université, mais aussi pour la gestion et l’aménagement des forêts publiques.

128

Afin de réaliser ces deux projets d’envergure, la Forêt Montmorency jugea pertinent de relancer son invitation à la Nation huronne-wendat pour qu’elle vienne siéger au CSAFM. D’une part, la certification FSC, plus particulièrement le principe 3, exige que des efforts soient faits pour entamer un dialogue avec les Premières nations concernées afin de voir au respect de leurs droits et intérêts sur le territoire (Teitelbaum et Wyatt 2013, Tikina et al. 2010 ). Dans cette perspective, et en vue du projet d’agrandissement de la Forêt Montmorency qui allait se dérouler sur un territoire déjà occupé par des membres de la Nation huronne-wendat, l’administration de la Forêt recontacta la Nation huronne-wendat pour la réinviter à venir siéger au CSAFM. C’est dans ce contexte que leur participation débuta, d’abord en tant que membre absent, ensuite à titre de membres présents. Dernièrement, une seconde personne du Bureau du Nionwentsïo est venue siéger au CSAFM. La Nation huronne-wendat était bien consciente que leur participation constructive faciliterait grandement les différents projets de la Forêt. Dans la mesure où les membres du Bureau du Nionwentsïo sont déjà bien occupés et que leur participation au CSAFM nécessite plusieurs ressources, monétaires et humaines, nous considérons que cette participation accrue signifie un intérêt croissant (Stevenson et Perrault 2009) pour la Forêt Montmorency parmi l’ensemble des processus participatifs pour lesquels la Nation huronne- wendat est sollicitée.

Comme certains répondants nous l’ont explicité clairement, la participation de la Nation huronne-wendat au CSAFM, leur participation à l’élaboration du plan d’aménagements de 2013, ainsi que celle reliée à la certification forestière et le soutien qu’ils donnèrent à l’Université Laval dans le cadre du projet d’agrandissement, devait porter ses fruits pour la Nation huronne-wendat. La poursuite de la participation de la Nation huronne-wendat au CSAFM était conditionnelle à la réalisation de projets en commun à moyen terme qui s’inscrivent dans le développement d’une collaboration allant au-delà d’une approbation donnée par la Nation à des projets ponctuels. Ainsi, l’entente entre l’Université Laval et la Nation huronne-wendat pour la création d’une bourse et de deux chaires de recherche à thématiques autochtones répondaient directement à la participation constructive de la Nation huronne-wendat aux différents projets du CSAFM. Cette entente s’inscrit dans un rapport de réciprocité en constante construction.

L’émergence de liens de collaboration formels entre la Nation huronne-wendat et l’Université Laval s’est réalisée non pas au sein du CSAFM, mais par un processus adjacent qui s’est déroulé à l’extérieur du CSAFM, c’est-à-dire entre le recteur de l’Université Laval

129 et le grand chef de la Nation huronne-wendat. Il ne fut pas fait mention de cette entente au sein du CSAFM, même si deux dossiers majeurs de la Forêt Montmorency étaient directement liés à ce dialogue entre la Nation et l’Université. Quoique de tels processus de collaboration ne soient pas visibles, a priori lors des instances du CSAFM, ils ont toutefois un impact important sur la participation de la Nation huronne-wendat au Comité. Ces