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Chapitre 2 : Revue de la littérature et approche conceptuelle

2.3 L’organisation sociale informelle

2.3.2 Les positions institutionnelles

Les positions institutionnelles n’ont été abordées que de manière superficielle dans la littérature sur la participation publique. Elles jouent pourtant un rôle majeur sur la participation des acteurs. Chaque acteur impliqué dans un processus de participation publique occupe une position qui lui est propre (Folke et al. 2005). Cette position lui est

47 attribuée en fonction des caractéristiques qui lui sont reconnues par les autres acteurs du comité de gestion. De cette manière, pour qu’une personne ait une position dans un comité, il ne suffit pas qu’elle s’auto-attribue la légitimité de cette position pour pouvoir l’occuper. La reconnaissance de cette position et du rôle qu’elle lui confère, relève de la reconnaissance qu’il recevra des autres acteurs. Ainsi, les positions institutionnelles des acteurs sont définies dans l’interaction entre ces derniers et en fonction du contexte social au sein duquel cette interaction prend place. La position confère ainsi un rôle social à l’acteur au sein des processus de participation publique. Bourdieu parle d'ailleurs du « sens de la position ». Selon lui, les acteurs auraient non seulement une position déterminable au sein d'une institution, mais aussi une appréciation subjective de cette position. Dans certains cas, on peut ainsi noter un décalage entre la position occupée par un acteur et celle qu'il pense occuper (Bourdieu 1984).

La littérature sur la participation publique et la gestion adaptative s’est particulièrement intéressée au rôle joué par les acteurs clefs au sein des processus de participation publique (Folke et al. 2005). Selon plusieurs chercheurs, le rôle des acteurs clef est celui de médiateurs et de leaders (Bouwen et Tailleu 2004). Il s’agit souvent d’individu reconnus en tant qu’experts et qui détiennent une expertise sur un sujet particulier. Ils peuvent agir à titre de facilitateurs, d’interprètes et de « ponts relationnels » (Folke et al. 2005). Dans le cadre des relations interculturelles avec les Premières nations, l’acteur clef est souvent celui qui détient des connaissances dans les deux cultures, en particulier les cultures autochtones, et qui est capable d’agir à titre de médiateur et de traducteur (Lertzman 2006, McGregor 2006). Il agit alors à titre de « passeur culturel ». Compte tenu de l’expertise et de la reconnaissance dont jouissent les acteurs clef, ces derniers détiennent souvent une certaine influence au sein du processus. Cette influence varie nécessairement en fonction des contextes puisque la position n’est pas fixe et varie selon les enjeux en cause et les acteurs en présence.

Ainsi, quoique l’architecture institutionnelle puisse favoriser l’inclusion de tous les acteurs au sein d’un processus participatif en attribuant une certaine place et une sphère de légitimité à chacun, elle ne permet pas forcément d’éliminer les relations de pouvoir au sein des processus de participation, relations qui sont susceptibles de produire ce que Young nomme l’exclusion interne (2002). L’exclusion interne se produit lorsqu’un individu ou un groupe d’individus sont nominalement inclus dans un groupe ou un processus, mais qu’ils ne puissent pas y participer activement compte tenu des caractéristiques du processus ou

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de leurs caractéristiques en tant qu’acteur. Par exemple, des individus qui serait invités à participer, mais dont les connaissances, les expériences, les préoccupations, ou les idées seraient jugée non pertinentes ou inappropriées par les membres de l’organisation pourraient être dits se trouver en situation d’exclusion interne dans ce processus; leur point de vue étant implicitement reconnu comme moins valide que celui des autres acteurs (Parkins et Mitchell 2005, Young 2002, Ribot 2003).

Dans un processus scientifique dominé par le savoir expert, la maîtrise du langage, de la science et la technique est le principal mode de légitimation du pouvoir (Habermas 1968). Il porte à exclure de l’arène des débats les acteurs et les préoccupations qui ne s’inscrivent pas dans cet ordre de discours (Foucault 1971). Le savoir expert a été identifié assez clairement comme organisant et structurant les relations de pouvoir au sein des processus participatifs (Nadasdy 2003). Cette prédominance, comme le notait déjà Habermas, se traduit par une dynamique où les acteurs centraux des processus considérés ont tendance à définir la majorité des enjeux comme relevant de questions scientifiques et techniques, et à éviter de les cadrer en termes politiques. Ce cadrage des enjeux en termes techniques et scientifiques a souvent pour effet de retirer ces enjeux de l’arène politique, ou même des discussions, et d’attribuer un pouvoir de décision à l’acteur qui détient de l’expertise sur ce sujet, marginalisant les acteurs dont la légitimité au sein du processus repose sur d’autres assises (Ferguson 1994). Les acteurs possédant la connaissance scientifique sont ainsi susceptibles d’être davantage entendus et écoutés et de jouer un rôle plus grand dans le comité.

Synthèse de chapitre

La participation publique est un phénomène complexe qui regroupe une diversité de processus. La présent cadre théorique a voulu se concentrer sur les dynamiques de la participation publique qui sont susceptibles d’influencer la participation d’un acteur, plus particulièrement les Premières nations, à des processus participatifs similaire au CSAFM, c’est-à-dire un processus qui existe à long terme et où les autochtones interagissent avec une diversité d’acteurs du monde forestier. Nous avons tenté d’illustrer une diversité de facteurs pouvant influencer la participation et de ne pas nous restreindre à un seul. Nous espérons que ce regard plus complet contribuera à décrire et comprendre la participation des Premières nations dans toutes ses nuances.

49 La première section de ce chapitre fût l’occasion d’observer les différentes approches de la participation publique, c’est-à-dire l’approche instrumentale et l’approche normative, ainsi que leur critique. L’approche normative, nous a semblé plus pertinente pour cette recherche. En s’intéressant à la qualité de la participation des acteurs, elle permet de mettre en lumière l'importance de certains facteurs tels que: le rôle joué par les capacités des acteurs, l’architecture institutionnelle et différentes caractéristiques des relations sociales telles que la confiance et l’interdépendance entre les acteurs. Cette approche qui tente de mieux comprendre la participation en elle-même nous invite ainsi à nous pencher plus en profondeur sur un facteur majeur de la participation publique et pourtant encore peu reconnu: l'organisation sociale informelle.

Tout au long de ce mémoire, nous tenterons de mieux comprendre comment l’organisation sociale informelle contribue, conjointement à la diversité des facteurs identifiés plus haut, à influencer et à orienter les dynamiques de la participation de la Nation huronne-wendat. Afin de diriger nos observations et nos analyses, nous nous intéresserons à deux facettes de l’organisation sociale informelle, soit la pensée institutionnelle de la Forêt Montmorency et les positions institutionnelles du CSAFM. Ces deux facettes sont particulièrement importantes car, contrairement à l’architecture institutionnelle dont les effets potentiels sur le processus sont plus faciles à identifier, l’organisation sociale informelle est tout aussi déterminante sur les dynamiques de la participation des acteurs et des Premières nations. Ces deux facettes devraient ainsi nous permettre d’observer certaines représentations de la Forêt qui sont susceptibles d’en influencer non seulement la gestion de manière générale, mais aussi les positions institutionnelles plus particulières des acteurs au sein du CSAFM, positions qui influencent grandement la légitimité de leur participation.

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Chapitre 3 : Question de recherche et approche