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Chapitre 4 : Résultats de la recherche

4.2 Les différentes catégories d’acteurs et de légitimité

4.2.3 Les acteurs observateurs

Les sections précédentes nous on fait observer que dans cette relation de réciprocité qui se tisse entre le CSAFM et l’acteur, l’expertise est la contribution généralement attendue de l’acteur, le fondement habituel de leur inclusion. Toutefois, on peut observer, lors des instances du CSAFM, certains acteurs qui ne s’expriment que très peu et qui ne sont que rarement sollicités. Sans sollicitation directe, ces acteurs ne prennent que très rarement la parole. Toutefois, avant la rencontre, lors des pauses-café et après la rencontre, ils discutent avec les autres acteurs du Comité. Cette présence en tant qu’ « observateur » est parfois énigmatique pour les autres acteurs, en particulier les experts, qui ne comprennent pas le rôle qu’ils viennent jouer au Comité. Quoique certains utilisent explicitement le terme de « spectateur » pour définir leur position au Comité, nous utiliserons ici le terme « observateur ». Bien que ces derniers sont souvent intégrés au Comité depuis moins longtemps que les autres acteurs et sont plutôt discrets lors des échanges, ils retirent beaucoup, selon leurs dires, de cette expérience au CSAFM. Cet extrait d’entrevue l’illustre bien:

Ça fait deux ans que je suis dessus, mais c'est sûr que moi je viens plus en spectateur, parce que moi aussi j'ai le goût de savoir comment ça se passe concrètement autour d'une table ronde, puis d'apprendre comment tout le processus de concertation. Puis j'apprends beaucoup en foresterie comme moi je n’ai pas eu une formation en foresterie au départ, toutes les choses de certification j'y connais pas trop de choses. Donc c'est sûr que moi j'apprends plus que ce que j'apporte au Comité. Ent49810

Quoique ces acteurs observateurs puissent partager une expertise en lien avec le CSAFM, souvent il ne s’agit pas de la raison ayant motivé, à l’origine, leur intégration au Comité. Cet extrait l’illustre bien. L’acteur est intégré parce qu’il représente une partie prenante et qu’il s’agit d’une « règle de base » de l’intégrer.

Quand on entend dire que quelqu'un serait intéressé à siéger, alors on va chercher [X] de [Y]. […] Quand on cherchait un [nom de la spécialisation], je

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connaissais [X]. Il était à [Y] et puis [X] pour être bon! Ça nous prend un [nom de la spécialisation] autre que moi, alors on va aller chercher [X]. Et puis, à un moment donné la règle de base c'est que l'ensemble des parties prenantes [participe]. Ent9910

Plusieurs membres du CSAFM nous ont aussi mentionné que l’intégration de différents acteurs répondait à la volonté de conserver sa crédibilité en tant que Forêt d’enseignement et de recherche.

Il y a autant les partis prenantes qui sont les représentants de la scierie, les peuples autochtones, les gestionnaires du ministère, de la faune, d'avoir sur notre Comité des membres externes, de voir qu'il y a autant de gens de l'externe. […] c'est la forêt d'enseignement et de recherche de l'Université Laval, on pourrait uniquement gérer ça à l'interne, mais ça manquerait de crédibilité. Ent59880

Il arrive également que les membres du CSAFM invitent d’autres acteurs actifs au sein d’organisations extérieures à la forêt et avec lesquels ils cherchent à entretenir de bonnes relations. Il peut s’agir de représentants du Ministère des Ressources Naturelles ou de membres de l’administration de l’Université Laval. Ces membres qui peuvent apporter une expertise viennent aussi observer comment la Forêt est gérée et l’expertise qui y est développée. La Forêt Montmorency les invite afin d’être la plus transparente dans sa gestion compte tenu qu’il s’agit d’institution envers qui la Forêt est redevable. Elle gagne à entretenir de bonnes relations avec ces acteurs puisque des projets communs en dépendent. Par ailleurs leur présence permet aussi de transmettre les connaissances développées à la Forêt Montmorency et d’entretenir des relations de confiance.

Le premier intérêt en fait, c'est que comme c'est sur notre territoire, comme on émet le permis d'intervention, qu'on s'assure qu'il respecte via le rapport annuel, le plan annuel. Donc, notre rôle, on est comme là d'office. Ent19818

Je pense que s’ils savent ce qu'on fait et qu'on a des liens avec eux, bien ça leur permet d'être un peu sympathiques à notre cause. Ce que tu connais tu as plus tendance, si tu sais les raisons pourquoi les choses sont faites [à avoir confiance] parce qu'ils ont quand même une influence à certains niveaux. Des fois on demande des fonds, ou on peut demander une collaboration, ou des données comme des cartes. C'est plus facile de les obtenir parce qu'ils savent qu'ils vont avoir un certain lien de confiance. Ils nous prêtent des documents, ils nous donnent de l'information. Ent0349

C'est tout le volet diffusion des connaissances. Si tu veux influencer une politique provinciale, ou une politique régionale en milieu forestier, et que tu es une forêt d'enseignement et de recherche créée par le ministère, ton objectif est de faire ça [d’inviter les ministères]. Si tu n'as pas quelqu'un du ministère… Ça

95 va de soi, vous [le ministère] créez des bibittes [la Forêt Montmorency] puis vous n’êtes pas là. Soyez responsables, ça va de soi. Ent0584

Ces acteurs viennent en partie au Comité pour y chercher une expertise reliée à l’aménagement du territoire et développer de bonnes relations avec les autres acteurs du milieu forestier. Ces relations leur permettent ensuite de développer des partenariats pour différents projets.

Il y a un projet qui m'a intéressé, c'est justement la coupe sur les zones récréatives, la coupe trois passes sur les zones récréatives, l'impact des usagers que ça avait ça m'intéressait pour le camp mercier. Comment on pouvait opérer la forêt dans un milieu récréatif intensif. Ent49816

Aussi, il y avait un chercheur, un monsieur géologue, il avait toute expliqué la géologie à la FM, tu sais c'est des affaires qui m'intéressent. Un chercheur qui lui parle des pluies acides, et il y a eu des problèmes avec l'épinette blanche, des nécroses. Il manque de potassium, donc ça c'est dû aux pluies acides peut- être. C'est [W] puis il travaille aussi au ministère. Puis [F] il nous amène toutes sortes d'autres chercheurs, comme là on a appris que l'éclaircie pré- commerciale dans l'épinette blanche […]. Ent29818

Mais tu vois je suis allé cet été avec [B], j'avais des interrogations dans le cadre de mon travail en harmonisation forestière, le ministère me proposait un traitement alternatif. Puis j'en ai parlé à [B], moi j'appelle souvent [B] pu j’y demande, tu penses quoi de ça? Vous le faites à la Forêt, puis j'étais allé sur le terrain avec elle pour voir les traitements en question. Ent47615

L’observation directe nous a permis d’identifier certains membres du Comité comme des « acteurs observateurs » selon les caractéristiques de leur participation. De leur côté, les entrevues semi-dirigées nous ont permis de comprendre les raisons de leur participation, et ce, tant en ce qui concerne leur contribution à la gestion de la Forêt Montmorency que les intérêts qui motivent leur participation. Alors que les experts et les acteurs clefs contribuent au Comité par leur expertise, mais aussi en raison des relations sociales qu’ils entretiennent, les acteurs observateurs amènent avec leur participation des contributions variées qui sont difficilement observables lors des rencontres du CSAFM. La principale est liée au développement d’un réseau de bonnes relations entre acteurs. L’ouverture du CSAFM à une diversité d’acteurs sur ses instances permet de diffuser les connaissances et les recherches qui sont développées sur son territoire. Ces acteurs assurent également la légitimité de la gestion qui en est faite. Cette ouverture du CSAFM envers tous les acteurs potentiellement intéressés lui confère une transparence de gestion qui contribue à accroître sa légitimité ainsi que celle de l’Université Laval à gérer la Forêt Montmorency. Par ailleurs, les acteurs observateurs acquièrent des connaissances sur le fonctionnement même de la

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Forêt Montmorency, qui leur permet par la suite d’avoir une participation plus visible, selon l’évolution de leur rôle au sein du CSAFM.

Dans cette section nous avons exploré la participation de trois catégories d’acteurs qui participent au CSAFM. Tandis que les experts, en grand nombre, sont sollicités pour l’expertise qu’ils amènent, les acteurs clef constituent une minorité des membres du Comité. Cette minorité est néanmoins appelée à jouer un rôle déterminant pour le CSAFM, et ce grâce à leur expertise, mais également aux relations qu’ils entretiennent. Quant à eux, les acteurs observateurs contribuent au développement d’un réseau de bonnes relations. Par leur présence, ils permettent à l’Université Laval et au CSAFM de conserver leur légitimité de gestionnaire de la Forêt Montmorency et, pour leur part, ils acquièrent des connaissances et un certain degré d’expertise institutionnelle leur permettant éventuellement de participer autrement au CSAFM. On observe alors que les relations entre les acteurs s’inscrivent dans un système de réciprocité. Tout en contribuant au CSAFM, les différents acteurs en retirent également un bénéfice qui provient du Comité et de la présence des autres acteurs qui y participent. Cette relation d’échange est même reconnue par les acteurs eux-mêmes.

C'est enrichissant pour ceux qui travaillent pour la FM parce qu'ils reçoivent plein d'input du monde qui vont les aider à bonifier leur document. Et c'est enrichissant pour ceux qui sont autour de la table parce qu'ils entendent toutes sortes d'affaires. Ent17718

Parce que les Hurons ont supporté l'agrandissement, ils auraient pu s'y opposer, puis si ils le supportent c'est parce qu'ils s'attendent à quelque chose à un moment donné. Ent21116

C'est comme ça que j'ai approché les gens de la FM pour travailler avec eux sur les enjeux relatifs à l'eau; que ce soit la qualité, la quantité, l'accessibilité, la sécurité, puis la protection des écosystèmes. Eux, en même temps, ils voulaient tenir compte des activités de la Forêt sur l'eau, donc c'est comme ça qu'ils ont invité le Conseil de bassin de la rivière Montmorency à siéger au Comité de la FM puis en même temps nous on était intéressés à les avoir sur notre conseil d'administration. Ent1888

Les deux sections précédentes se sont concentrées sur le contexte de la participation, en particulier sur l’organisation sociale informelle du CSAFM. Nous nous sommes intéressés aux représentations qui orientent la gestion de la forêt, c’est-à-dire la pensée institutionnelle, mais aussi aux dynamiques du CSAFM lui-même, et en particulier aux positions institutionnelles qu’on y retrouve. La section suivante s’intéressera davantage à la

97 participation d’un acteur donné dans ce contexte, soit la participation de la Nation huronne- wendat.