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Le rôle des marques transcodiques

LE PLURILINGUISME ET LA PRATIQUE SCRIPTURALE

1. Le plurilinguisme et la didactique du plurilinguisme

2.3. Le rôle des marques transcodiques

Comme nous l’avons déjà souligné dans les pages précédentes, la réhabilitation du rôle de la langue source en classe de langues étrangères a fait que la notion d’ "interférence" n’est plus répandue pour rendre compte des différents transferts entre les langues, elle a été remplacée par celle de " marques transcodiques" qui témoigne du droit qu’a l’apprenant d’une langue étrangère de passer d’une langue à autre lors de l’apprentissage.

En effet, Eline Coşereanu affirme que :

"Ce qu’on qualifiait du terme d’ interférence tend à être appréhendé aujourd’hui comme un cas particulier de "marque transcodique", notion référant à l’ensemble des phénomènes

translinguistiques liés à la parole (soit les phénomènes issus de la rencontre de deux ou plusieurs systèmes linguistiques : notamment les phénomènes de calques, emprunts,

transferts lexicaux, alternances) […]"

(Les Cahiers De l’Acedle, 2008. Non paginé).

De leur côté, Garabédian et Lerasle, cités par Aline TÉTRAULT, soulignent que :

Chapitre n° 2 : Le plurilinguisme et la pratique scripturale "Demander à l'enfant de s'exprimer uniquement dans la langue qu'il ne domine pas, loin d'être une aide à l'apprentissage, devient un obstacle insurmontable, à la fois sur le plan linguistique et sur le plan cognitif"

(2006.Non paginé).

Avant de présenter les différentes fonctions des alternances codiques3 dans une classe de langue étrangère, il convient d'abord de définir cette notion et de la distinguer d'autres concepts présents le plus souvent dans un même contexte d'utilisation, à savoir : l'emprunt, le calque, la néologie.

Selon Ayad, A., dans son mémoire de Magister, l’emprunt est le processus qui consiste à introduire dans le lexique d'une langue A un terme venu d'une autre langue B (p.41).

D’après Elina Coşereanu,

"l'emprunt est transféré de la langue source à la langue cible, avec une intégration phonologique plus ou moins marquée" (2010.Non paginé).

Selon Le Dictionnaire de la linguistique, on parle de calque lorsqu’une langue A traduit un mot qui fait partie de la langue B en un autre mot qui existe déjà dans la langue A. Exemple: Gratte-ciel calqué de l'anglo-américain (sky-craper), (Jean Dubois, Mathée Giacomo, louis Guespin et all, 2001:73).

Quant au néocodage ou néologie, en tant qu'une des marques transcodiques, Martine Marquillo Larruy, le définit comme :

"la fabrication de mots qui n'appartiennent à aucune des langues mises en contact"

(2003 :79).

C'est un processus de formation de nouvelles unités lexicales, appelées

Chapitre n° 2 : Le plurilinguisme et la pratique scripturale

Il existe deux types de néologies : néologie de forme et néologie de sens. Comme le fait montrer J. Dubois, cité par Ayed, A. :

"la néologie de forme consiste à fabriquer […] de nouvelles unités, alors que la néologie de sens consiste à employer un signifiant existant déjà dans la langue considérée en lui conférant un contenu qu'il n'avait pas jusqu'alors que ce contenu soit conceptuellement

nouveau ou qu'il ait été jusque là exprimé par un autre signifiant"(Ibid:43).

Par "alternance codique", appelée aussi "code swiching" dans la terminologie américaine traditionnelle, on désigne, selon J. Gumperz,

"la juxtaposition à l'intérieur d'un même échange verbal de passage ou de discours appartient à deux systèmes ou sous-systèmes grammaticaux différents"(Ibidem:39).

Ici, nous disons qu’il s'agit du passage d'une langue à une autre langue ou d'une variété de langue à une autre.

En comparant ces définitions, nous pouvons constater que si l'emprunt, le

calque et le néologisme concernent des unités lexicales, l'alternance codique

porte sur des segments ou des passages de discours.

Nombreuses sont les études qui ont été menées sur les alternances codiques, afin d'apporter un éclairage sur le rôle que peut jouer la (les) langue (s) source (s) des apprenants dans une classe de langue étrangère. Ce changement de langue aussi bien de la part de l'apprenant que de l'enseignant a des fonctions multiples car il contribue à l'appropriation linguistique comme il assure et favorise le déroulement de la communication entre l'enseignant et ses apprenants et entre les apprenants eux-mêmes (Maarifia Nabila, 2008).

En se basant sur les travaux réalisés par D.L.Simon (1997), Moore (1996) et V. Castellotti, cités par Mouna Lahlah (2009) et Maarifia Nabila (2008), nous pouvons dire que les fonctions attribuées aux alternances codiques dans une classe de langue étrangère sont les suivantes :

Chapitre n° 2 : Le plurilinguisme et la pratique scripturale

a. Alternances qui favorisent l'acquisition d'une langue :

D’après Danièle Moore, ces alternances servent à faciliter l'apprentissage de la langue cible, elles sont visibles "au niveau du discours par des

phénomènes d'hésitation, des pauses, des commentaires métalinguistiques destinés à attirer l'attention sur l'alternance".

En recourant à la langue source, les apprenants produisent trois types d'alternances codiques :

a.1 alternances tremplin

Sollicité en langue cible par l'enseignant, l'apprenant préfère d'abord répondre en langue source avant de s'intéresser à la forme linguistique, cela est dans le but de confirmer si le contenu de sa réponse est valide ou non. Une fois la réponse approuvée, il procède à sa reformulation dans la langue cible.

a .2. Les alternances balises de dysfonctionnement

Ici, l'apprenant recourt à la langue source quand il éprouve une difficulté pour produire (c'est-à-dire lorsqu'il ne dispose pas du mot qui convient). Alors il puise, par exemple, un mot soit de sa langue maternelle ou d'une autre langue qu'il connait déjà et l'insère au milieu de la phrase en langue cible.

a.3. L'alternance comme support à la compréhension

Si l'alternance tremplin comme l'alternance balise de dysfonctionnement sont utilisées par les apprenants, l'alternance comme support à la compréhension est du côté des deux acteurs de la classe.

L'objectif de cette alternance est de construire du sens en langue cible ou de s'assurer que le message a passé. Autrement dit, l'enseignant recourt à la langue source pour attirer l'attention des élèves sur leurs savoirs préalables dans le but de fixer la compréhension, comme il peut, à côté de l'apprenant, confirmer ou infirmer la compréhension.

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b. Alternances qui favorisent le déroulement de la communication :

Ce type d'alternance sert à faciliter la communication, soit entre l'enseignant et les apprenants, soit entre les apprenants eux-mêmes. Elles sont davantage tournées vers la progression de la communication (D. Moore). Elles sont de trois types aussi :

b.1. L'alternance entraide

Comme son nom l'indique, elle concerne tout le groupe de classe, ici, des élèves aident en langue source leurs camarades sollicités en langue cible par l'enseignant.

b.2. L'alternance comme pivot des interactions

Si l'alternance entraide concerne les apprenants entre eux-mêmes, l'alternance comme pivot des interactions concerne la relation enseignant/apprenant. Elle a comme fonction de maintenir la communication exolingue. Autrement dit, l'enseignant recourt à la langue source des élèves afin de pouvoir les guider dans la poursuite de leurs activités pédagogiques.

b.3. l'alternance témoin de l'affirmation du sujet-personne dans le discours

Cette alternance ne relève pas de difficulté de compréhension ou de production, mais du désir de l'apprenant de se montrer autonome, compétent dans plusieurs langues (au moins dans la langue source et la langue cible), différent par son appartenance sociale et culturelle. Ce sont le plus souvent les élèves immigrés qui font recours à ce type d'alternance.

Cependant, ces alternances codiques auxquelles les apprenants font recours comme les enseignants lors d’observations réalisées dans une classe de langue étrangère seraient-elles les mêmes lors de la production écrite à mener par nos apprenants? Existe-t-il d'autres alternances ? C'est une question parmi d'autres à laquelle nous tenterons de répondre dans la deuxième partie de notre travail consacrée à la réalisation de l'enquête.

Chapitre n° 2 : Le plurilinguisme et la pratique scripturale

3. Le rôle des représentations des langues en présence dans la