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Le rôle du médecin généraliste dans la réduction des inégalités sociales de santé

C. Compétences sociales et orientation dans le système judiciaire

1. Le rôle du médecin généraliste dans la réduction des inégalités sociales de santé

Une stabilité socio-économique était identifiée par les patientes comme nécessaire à une bonne santé, permettant l’accès aux besoins fondamentaux et à un accomplissement personnel, tel que décrit par Maslow : besoins physiologiques nécessaires à la survie (manger, dormir, boire etc.), besoin de sécurité (emploi, logement, santé), besoin sociaux (lien social), besoin d’estime de soi et d’accomplissement. (60).

Pour les femmes, le bien-être physique et mental était amené par une sérénité et un apaisement du fait d’un droit au séjour et au travail, de l’existence d’une couverture sociale, et de l’accès à un logement stable et aux besoins physiologiques (eau, alimentation). A contrario, une précarité socio- économique était reconnue comme ayant un impact sur la santé.

Devant la multitude des situations rencontrées et de leur complexité, nous pensons que le témoignage des femmes peut apporter une aide au médecin généraliste qui sera amené à les prendre en charge, en permettant une meilleure compréhension des conditions de vie de ces patientes.

La santé physique et psychologique des patientes rencontrées pouvait être impactée par une précarité économique à l’origine de difficultés pour subvenir aux besoins fondamentaux de l’être humain, tels que celui de pouvoir se nourrir, se loger, et avoir accès à l’eau.

« Sometimes I don't know how to eat the food (…) I don't have any go to live, 'cause, I don't have. So I have to manage. So I have to manage. So, that’s why. I don't really know how to do because... but I don't have anything ! So I have to manage ! (silence, pleure...) (…) I feel bad by everything because... My life is in danger. I don't have anything (…) C’est lui qui me aide, pour le manger. Quoi quoi quoi. C’est lui. Parce je n’ai rien. » (Joy)

« (Sourire)... Somebody who don’t have money can not eat well. I don’t have house. I don’t have a permanent place to stay. » (Laura)

Une pérennité du logement était identifiée par les femmes comme nécessaire à leur bien-être physique et moral, permettant une (re)construction personnelle et une structuration de l’avenir.

« Il a été chercher les clefs. Et voilà ! Et j’avais un appartement. Voilà ! Et mon premier appartement je l’ai eu. Et là, alors après ma vie elle a changé ! Tout se structure. Tout… Tout redevient… (hésite) Plus facile ! » (Babette)

De nombreux entretiens témoignaient du retentissement sur la santé de l’absence de stabilité du logement. La précarité et l’instabilité du lieu de vie sont reconnues comme ayant un impact sur le bien-être physique et moral des personnes, et la parole des patientes allaient dans le sens de ce constat.

L’absence de domicile fixe et la précarité socio-économique des personnes pouvaient être à l’origine d’un délaissement de leur santé, du fait de priorités toutes autres, comme subvenir aux besoins fondamentaux : « Survivre » plutôt que « Vivre ». Une absence de logement fixe pouvait ainsi être à

« La pilule bon après quand j’ai eu mon fils oui j’aurais fait gaffe. Mais quand on est jeune, un coup t’y penses, un coup t’oublies, un coup tu… En plus tu dors jamais au même endroit. Tu sais quand tu es dans une situation précaire. » (Babette)

Les répercussions sur la santé physique et psychologique des femmes étaient multiples, entrainant des troubles anxieux, des situations de vulnérabilité psychique avec une dépendance à autrui pourvoyeuse de violences, et une dégradation des conditions d’hygiène des personnes du fait d’un non-accès à l’eau.

Plongées dans une incertitude quotidienne concernant la pérennité de leur lieu de vie, les patientes décrivaient une préoccupation et un malaise psychique permanent, du fait de l’absence de logement stable.

« Quand j’arrive en France, tout le temps je, quelqu’un qui malade, parce que… c’est pour le stress. C’est "comment je va faire", "Où je dors", "Comment tu vas payer les trucs pour quelqu’un qui est ton… ami, moi ici". Tout le temps tout le temps je pense beaucoup, comme ça, à cause mon futur aussi. » (Jessica)

L’anxiété induite par ces situations avait un impact sur la santé physique des femmes, induisant une asthénie physique et des troubles du sommeil.

« Mais moi parler avec toi, mais dans ma tête, je pensais comme faire pour la maison, où je allais, comment je fais ? Difficile pour moi la vie maintenant pour l'instant. Juste que trouver travail, maison, c'est trop difficile pour moi. Oui oui, trop de choses. Dans ma tête. (…) Et ça me stresse, comme j'avais pas la force, je sentais beaucoup fatiguée. (…) Oui mais encore avec le stress, toujours. (…) Moi je peux pas rester encore plus chez ma soeur. Parce qu'ils sont encore beaucoup personnes. Et je stresse si je sortir de là y'en a pas où aller. » (Rose)

« No really but... You know sometimes, hum I have to think. You know, maybe I think that's why every moment I'm tired "fatiguée". But I really maybe because, I'm not happy with the kind of life I'm living. Hum. » (Success)

De nombreuses femmes rencontrées expliquaient être hébergées chez des « amis » ou de la famille. Ces situations de dépendance à autrui étaient pourvoyeuses d’une vulnérabilité psychique conduisant à une acceptation des violences physiques et psychologiques induites par les hôtes.

« My man (…) who I stay with because I don’t have any money. I can not pay for house so I stay with this stay (…) So in my charge, he told me to come and leave, but i don’t have paper. He use to beat me. » (Laura)

« He is lady (tchip) (…) Before, he is ok, before. Now he is not ok. I don't know. He saids me I leave the house. Before she not hurts me, now... He does. » (Mirabelle)

Par ailleurs, l’absence de logement digne apparaissait dans les entretiens comme un frein à l’accès à l’eau, impactant sur les conditions de vie et d’hygiène des personnes rencontrées, et ce malgré la reconnaissance en 2010 par l’Organisation des Nations Unies du droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un « droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à

l’exercice de tous les droits de l’homme » (61).

« I squat with a friends. Sometimes I sleep with him sometimes (…). Now I don’t have exact

place. Sometimes I don’t take shower. You see I carry that bag. That is where I’m carrying things. Since six month I’m outside. When I call they say it’s two o’clock I’m in the street. I don’t have exact place. » (Laura)

L’absence de droit au travail induisait une précarisation des personnes et un isolement social douloureux, impactant leur santé physique et psychologique.

« So without the documents I can not work. I can't feed myself, I can't take care of myself, I don't have anybody to help me, I don't have anybody to explain my feelings to. It's difficult. » (Success)

La régularité du séjour apparaissait ainsi comme une condition sine qua non pour accéder à une stabilité de vie et avancer dans des démarches administratives, intimement liées à la santé des femmes rencontrées : accès au travail, à un logement, à une couverture maladie.

Dans la pensée des patientes, la possibilité de travailler était salvatrice, associée à l’espoir d’une sécurité et d’une vie meilleure.

« Since two thousand and sixteen in France I don’t have paper. It’s a big problem to me. I can no do anything without paper. I cannot work. (…) People living their life in street. Me I can’t do that. I can not. If I have my document, I work. I work !... I work I’m tranquil and I know my life is safe. » (Laura)

« Parce qu'il faut que je fais les choses bien. J'espère que je me cherche une travail, et je me change le document, je prends français document. Je me cherche une maison comme celle-ci. Pas beaucoup chère, comme ça je m'élève. » (Roxana)

Prises dans un quotidien d’anxiété concernant leur situation, elles estimaient également qu’un accès au travail leur permettrait de se détacher de leur réalité de vie.

« When I’m occupied working I can forget things, do you understand ? » (Jessica)

b. Le rôle du médecin généraliste dans l’accompagnement social des personnes en

situation de prostitution : orientation vers des structures de soutien et d’aide aux

démarches sociales.

Nous venons de voir que les conditions de vie socio-économiques des personnes ont un impact direct sur leur santé et leur bien-être physique et mental. L’intrication du domaine du social et de la santé est au cœur de la compréhension du rôle du médecin généraliste dans le soin primaire, permettant une prise en charge globale de la personne sur le plan médico-psycho-social. La place du médecin généraliste dans les soins primaires lui confère ainsi un rôle spécifique dans la réduction des inégalités sociales de santé.

Les contraintes temporelles et administratives inhérentes à la médecine générale peuvent rendre ardu cet accompagnement global de la personne lors d’une seule consultation. Placé au cœur d’un réseau pluridisciplinaire, le soignant devait être en capacité d’orienter les personnes vers des services ou des professionnels compétents dans la prise en charge sociale des patients.

« Any place I go I ask in the place is it possible to help me for my paper to put control. Because that is my problem (…) You people assist for document. You assist ? » (Laura)

« Ça c'est trop nerfs (…) C'est pour ça je voulais maintenant je commençais avec les papiers tout ça. Qui après je trouvais les gens tout ça et qui vous m'aider (…) C'est juste ça stressée. Que je voulais vite, que je sortir de cette situation. Qui je même je trouvais un foyer tout ça, quelque chose comme ça. » (Blanche)

d’un carnet d’adresse et soit en mesure d’orienter les personnes en fonction des besoins identifiés : logement, domiciliation, accompagnement social, ouverture des droits de sécurité sociale, structures caritatives (nourriture, vêtement etc.), associations humanitaires etc.

Les personnes rencontrées exprimaient des besoins en matière d’accompagnement social et avoir déjà eu recours à de nombreuses structures :

- Orientation vers le 115 pour les demandes de logement :

« But when my money finish I go to meet at Médecins du monde if they can help me for house, they said it cannot be possible so I went to COS Pada they said to call 115. I call call call. (…) So I don’t know what to do to eat. And too many things. Look at me know it’s very complicate for me. I don’t know how to start my life. » (Laura)

- Orientation vers le CCAS et les MDSI pour la domiciliation et un accompagnement social :

« I don’t really have my permanent house, I squat with friends. (…) But I’m outside since, I go to CCAS for then to still help me, I go to some associations from them to help me because it’s this stress that make me. (…) So it’s really… I don’t know, it’s very hard for me. » (Laura)

- Orientation vers les PASS et les associations humanitaires pour l’ouverture des droits de sécurité sociale :

« No I don't, but I already done that. I went to assistant social in PASS, so she helps me to do it.» (Joy)

2. Un rôle d’orientation dans le système judiciaire et de facilitateur de l’obtention d’une