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Selon les données recueillies par l’association La CASE reposant d’une part sur un travail d’observation des équipes, et d’autre part sur les informations recueillies auprès des autorités publiques, le contexte prostitutionnel bordelais s’apparente au contexte national. Les acteurs associatifs estiment à environ 600 le nombre de personnes se prostituant dans l’agglomération bordelaise, mais l’évaluation reste là encore difficilement exhaustive.

Le paysage de la prostitution de rue à Bordeaux, dans sa partie visible, se compose majoritairement de femmes de nationalité étrangère :

- Des pays d’Europe de l’Est : il s’agit principalement des femmes d’origine bulgare et albanaise d’en moyenne 30 ans. La plupart d’entre elles vivent à l’hôtel et sont soumises à un réseau de prostitution familial.

- D’Afrique subsaharienne anglophone : ce sont majoritairement des nigérianes, mineures et jeunes majeures vivant dans des appartements partagés. Ces jeunes femmes sont souvent victimes de réseaux de traite des êtres humains et placées sous la surveillance d’autres femmes anciennement ou toujours prostituées, les « mamas ».

- D’Afrique francophone : il s’agit le plus souvent de femmes camerounaises d’en moyenne 40 ans, arrivées en France dans les années 80 et 90 et souvent régularisées. Certaines ont une activité salariée parallèle, la prostitution vient compléter des ressources insuffisantes ou permet d’envoyer de l’argent à la famille.

- La population originaire d’Amérique Latine ou d’Asie semble quant à elle moins représentée dans l’agglomération bordelaise qu’à Paris, et concerne pour la dernière une prostitution très clandestine en vigueur dans des salons de massage.

D’autres profils de public sont observés, dans une proportion moindre. Il s’agit des femmes françaises, souvent plus âgées (60-70 ans), exerçant une prostitution dite « traditionnelle » depuis de nombreuses années. Le travail de rue témoigne également de la présence de travestis et de transgenres. La prostitution masculine est quant à elle moins présente dans la rue et serait davantage répandue sur les réseaux « Indoor ». La prostitution étudiante reste sous-évaluée et difficilement accessible aux structures associatives existantes.

V.

Objectifs de l’étude

Notre implication dans le secteur associatif de l’agglomération bordelaise nous a conduits à mener de nombreuses consultations de médecine générale auprès de personnes en situation de prostitution au cours de l’année 2018. Cette expérience professionnelle nous a permis de constater la prévalence des situations de grande vulnérabilité et d’expositions à des risques sanitaires de ces patient.e.s, comme en témoignent les rapports officiels nationaux et constats des acteurs de terrain publiés jusqu’ici.

Malgré des freins à l’accès aux soins et une crainte de jugement par le praticien relevés par la littérature, peu d’études ont été réalisées jusqu’ici, donnant la parole aux personnes concernées afin de comprendre les déterminants de l’établissement d’une relation de confiance médecin-patient, propice à une prise en charge adaptée de ce public. Au vu des considérations précédemment énoncées, et de la place du médecin traitant dans le soin primaire, notre question de recherche est la suivante : qu’attendent les personnes en situation de prostitution du rôle et de la fonction du médecin généraliste dans leur parcours de soin ?

L’objectif principal de notre étude était d’identifier les attentes spécifiques des sujets en situation de prostitution de la région Bordelaise lors d’une consultation de médecine générale.

Les objectifs secondaires étaient de :

- Déterminer les freins principaux à la consultation en soins primaires chez les sujets en situation de prostitution.

- Elaborer des outils de communication et des axes d’aide à la prise en charge des patients en situation de prostitution, à l’attention des médecins généralistes, afin d’améliorer l’approche centrée sur le patient.

- Déterminer l’influence de la culture et du parcours de vie sur les attentes et les besoins en matière de santé des sujets en situation de prostitution.

METHODE

I.

Justification de la méthode

Le choix de la méthode qualitative afin de mener à bien notre étude émane d’un travail bibliographique préalable et d’une expérience de terrain auprès des personnes en situation de prostitution sur l’agglomération bordelaise.

Au carrefour de plusieurs disciplines, mêlant le champ de la santé, de la sociologie et de l’anthropologie, notre étude paraissait s’intégrer parfaitement au processus de la recherche qualitative. En effet, cette méthode de travail s’inscrit dans une logique compréhensive des phénomènes en privilégiant la description des processus plutôt que l’explication des causes. Notre étude s’attachant à comprendre le vécu et les attentes des personnes en situation de prostitution vis-à-vis du médecin généraliste, l’approche qualitative consistant à adopter un regard réflexif et descriptif sur une situation nous est rapidement apparue comme la plus adaptée. Il s’agissait ainsi de recueillir la parole des personnes afin de comprendre une dynamique interrelationnelle difficilement évaluable par le biais du quantitatif.

Par ailleurs, la littérature disponible fait état de nombreuses études évaluant l’état de santé et l’accès aux soins de personnes en situation de prostitution mais peu de travaux de recherche s’attachent à donner la parole aux intéressé.e.s. Or, la compréhension et la connaissance des représentations de santé des patients par le praticien sont vectrices d’une amélioration des conditions de santé de personnes. Il nous paraissait ainsi essentiel d’explorer le point de vue des patient.e.s en les plaçant au centre de cette question de recherche afin de permettre au praticien d’accéder à une meilleure compréhension des déterminants de santé et des dynamiques personnelles découlant des consultations.

II.

Déroulement de l’étude

Cette étude s’est déroulée de septembre 2018 à mai 2019 au sein de la métropole bordelaise, comportant trois étapes ayant permis la réalisation des entretiens auprès de patient.e.s en situation de prostitution : une période de présentation de l’étude aux acteurs de terrain (associations et médecins généralistes libéraux), une période d’immersion au sein des associations dédiées à leur accompagnement, puis d’un temps dédié aux entretiens individuels semi-dirigés.

A. Présentation de l’étude aux associations de l’agglomération bordelaise accueillant