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A. Caractéristiques de la médecine générale et attentes des patients : des invariables et

1. Définition du soin primaire et des caractéristiques du « médecin traitant »

Les principales caractéristiques du médecin généraliste retrouvées dans la parole des femmes étaient : § Son accessibilité, faisant de lui un des premiers contacts avec le système de soin et un des

interlocuteurs princeps en cas de problématiques de santé.

§ Son rôle de continuité des soins et de suivi du patient au sein d’une relation pérenne et personnalisée du fait d’une connaissance approfondie du dossier médical du patient et de sa situation de vie.

§ Son rôle de coordinateur du soin et d’orientation vers des structures spécialisées adaptées aux problématiques du patient par l’utilisation adéquate de connaissances du système de santé. § Ses capacités de prise en charge globale de la personne, en considérant l’ensemble de ses

dimensions médicales, psychologiques, sociales et culturelles.

§ Ses compétences en matière communicationnelles et relationnelles, dans une dynamique de prise en charge centrée sur la personne.

§ Sa disponibilité et l’inconditionnalité des soins apportés, dans une dynamique éthique et déontologique d’humanisme et de solidarité.

L’ensemble de ces éléments correspondent à la définition établie par la WONCA (World Organization of National Colleges and Academic Associations of General Practitioners /Family Physicians) en 2002 relevant 11 caractéristiques précises de la médecine générale (68) :

1. Elle est habituellement le premier contact avec le système de soins, permettant un accès ouvert et non limité aux usagers, prenant en compte tous les problèmes de santé, indépendamment de l’âge, du sexe, ou de toutes autres caractéristiques de la personne concernée.

2. Elle utilise de façon efficiente les ressources du système de santé par la coordination des soins, le travail avec les autres professionnels de soins primaires et la gestion du recours aux autres spécialités, se plaçant si nécessaire en défenseur du patient.

3. Elle développe une approche centrée sur la personne dans ses dimensions individuelles, familiales, et communautaires.

4. Elle utilise un mode de consultation spécifique qui construit dans la durée une relation médecin-patient basée sur une communication appropriée.

5. Elle a la responsabilité d’assurer des soins continus et longitudinaux, selon les besoins du patient.

6. Elle base sa démarche décisionnelle spécifique sur la prévalence et l’incidence des maladies en soins primaires.

7. Elle gère simultanément les problèmes de santé aigus et chroniques de chaque patient.

8. Elle intervient à un stade précoce et indifférencié du développement des maladies, qui pourraient éventuellement requérir une intervention rapide.

9. Elle favorise la promotion et l’éducation pour la santé par une intervention appropriée et efficace.

10. Elle a une responsabilité spécifique de santé publique dans la communauté.

11. Elle répond aux problèmes de santé dans leurs dimensions physique, psychologique, sociale, culturelle et existentielle.

Il semble important de souligner que cette définition répond en partie aux éléments décrits par Ware et ses associés dans leurs travaux sur l’évaluation de la satisfaction du patient vis-à-vis du praticien. Nous y retrouvons en effet des notions précédemment énoncées pouvant influencer la relation de soin : « relation interpersonnelle », « qualités et compétences techniques », « accessibilité », « continuité du soin » (32, 34, 35, 36). Les aspects financiers et la qualité de l’environnement étaient moins retrouvés dans notre travail.

Ces notions sont également retrouvées dans la thèse de Marie-Cécile Dedianne soutenue en 2001 portant sur les attentes et perceptions de la qualité de la relation médecin-malade par les patients en médecine générale (32). Réalisée auprès de patientèles issues de milieux ruraux et citadins, cette étude réalisée par focus groups témoignait d’attentes et représentations du médecin généraliste similaires à celles de notre travail. Là encore, le médecin traitant était ainsi considéré comme un soignant de 1er recours du fait de sa proximité et de son accessibilité tout en ayant un rôle de coordination du soin capable d’orienter vers les spécialistes. Les entretiens mettaient en avant son aptitude à réaliser une prise en charge globale du patient, ses compétences relationnelles et d’écoute, et sa capacité d’établir

De la même manière la thèse de Jeremy Khouani (69), s’étant intéressé aux attentes des personnes en situation de prostitution vis-à-vis du médecin généraliste au travers d’une étude observationnelle relève les compétences soignantes suivantes : « Appréhension globale de la santé », « Compétences cliniques issues d’un référentiel régulièrement mises à jour et adaptées au patient », « Réseau de Santé efficient » avec un partenariat entre les acteurs de terrain.

Les caractéristiques du « médecin traitant » telles que définies par les groupes d’experts semblent ainsi rejoindre les considérations des patient.e.s, et ce malgré des profils variés et des expériences de vie hétérogènes, sans lien avec l’activité prostitutionnelle.

Un élément important qui ressortait des témoignages des patientes était la notion de la durée de la relation de soin, permettant une mise en confiance progressive des personnes et l’établissement d’un lien privilégié. Inscrites dans un parcours de vie qu’elles jugeaient parfois honteux entrainant une mésestime de soi et des freins à la confidence, les femmes exprimaient être en mesure d’accorder leur confiance progressivement, au fur et à mesure des consultations, sur la base d’une connaissance et d’une confiance mutuelle. Ce constat est partagé par les acteurs associatifs, comme en témoigne l’ouvrage « Prostitution : guide pour un accompagnement social » (45). Basé sur des observations de terrain, ces professionnels témoignent de leur expérience, et relèvent l’importance d’une prise de contact progressive en respectant la temporalité de la personne, dans une démarche « d’aller vers ». Ils mentionnent ainsi qu’une fois le premier contact établi, dans le respect de la personne et de son activité, la régularité des rencontres, la capacité d’écoute et la disponibilité des professionnels permettent la construction d’une relation de confiance basée sur la durée : « être présents, discuter de

tout et de rien, écouter, être contenant, voire apaisants lorsque les circonstances y invitent, ces manières d’être s’inscrivent dans cette dynamique d’élaboration progressive du lien » (45).

Nous voyons ici se dessiner l’importance de la place du médecin généraliste dans l’accompagnement des personnes en situation de prostitution, au regard de ses missions lui permettant d’assurer une continuité du suivi et une pérennité de la relation de soin.

2. Compétences attendues du médecin généraliste : biomédicales, relationnelles et