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A. Le rôle de l’empathie : relation interpersonnelle et vécu affectif

1. L’importance de l’attitude du médecin et de la communication non verbale

Il existe une double temporalité dans la construction de la relation médecin-patient. Si nous avons vu précédemment l’importance de la durée et de la continuité des soins, la rencontre entre les deux protagonistes de la consultation s’inscrit également dans un espace-temps précis et défini, avec l’établissement d’une relation ponctuelle au cours d’un épisode de soin.

Les entretiens mettaient en évidence que l’impression première du patient, marquée par son vécu émotionnel de l’instant présent avait un impact sur la construction de la relation de soin ultérieure. L’attitude du médecin et sa présentation détenaient ainsi un rôle majeur dans la manière dont la consultation était vécue.

Par ailleurs, il semble important de noter que les préférences personnelles du patient jouaient un rôle sur le lien établi, chaque femme n’exprimant pas les mêmes besoins en matière relationnelle. Les femmes exprimaient en effet une notion « d’évidence » dans la relation de soin, en lien avec le vécu personnel et l’interaction de deux individualités, pouvant s’accorder ou pas.

« Un toubib, quand on va voir un médecin ou... On le sent ou on le sent pas (…) Parce que quand j'y vais on a une bonne euh...on se parle euh…on se parle naturellement (réfléchit). Je sais pas, oui le courant passe bien ! » (Babette)

Cependant, il existait des similarités dans leurs attentes et dans leur ressenti émotionnel au cours de la consultation. L’attitude du médecin en consultation, et sa manière de communiquer étaient identifiées comme vecteur de bien-être et de mise en confiance.

a. Communication non verbale : l’impact d’une attitude bienveillante et avenante

• Expériences positives de soin, vers une satisfaction du patient et une confiance

relationnelle :

Pour les femmes rencontrées, il était important que le praticien fasse preuve de bienveillance et soit avenant en consultation, permettant une mise en confiance du patient.

« Et la manière dont il se comporte ! Si c'est quelqu'un d'avenant ou de chaleureux, de... On sent si on peut lui... Faire confiance euh… » (Babette)

Les femmes assimilaient cette bienveillance à de la sympathie et de la gentillesse de la part du médecin.

« J'aime bien avec docteur β (…) parce qu'elle est beaucoup sympathique, beaucoup... Parler bien avec moi (…) Et toujours gentille avec moi. » (Rose)

Les expériences positives des patientes vis-à-vis du médecin généraliste mettaient par ailleurs en évidence l’importance d’une attitude positive et souriante, avec une acceptation de l’utilisation de l’humour, considéré comme facilitateur dans la relation de soin.

« With the kind of heart she have, being sympathize, and "Oh what can I do now ? Ok come there, check your body, let me know your feelings and that". And they are always smiling. » (Success)

« Elle me discute, parle un peu, elle me dit : "je viens là-bas, je taper ton client qui te fait mal, je vais tout". Je rigolais avec elle, tu comprends. Elle me fait rire ! Je me sens bien. » (Roxana)

La notion de paternalisme dans le sens de protection bienveillante était également évoquée par les patientes, permettant une mise en confiance du fait de la création d’un climat chaleureux et bienséant.

« Comment il faudrait qu'il se comporte ? Ouais ben qu'il soit... D'abord qu'il parle euh... Soit un peu pat... Enfin moi il me semble que... allons ! C'est toujours pareil je suis pas toujours en référence avec cet….un peu paternaliste. Alors paternaliste ça fait un peu cucul. Mais ouais c'est ça quoi. Quand on est jeune on a besoin,… et qu'on est dans une situation difficile. Je pense qu'on a besoin, voilà quoi ! De sentir que... qu'il peut entendre ce qu'on va lui dire. » (Babette)

Dans l’expression d’une relation paternaliste, nous retrouvons ainsi au sein de la parole des femmes la métaphore de Parson et Fox (1952) décrivant une similitude entre un enfant et une personne malade en termes de dépendance et d’incapacité relative face à un adulte en bonne santé, le parent (63).

« Et puis. Il sait que... euh... Il fait comme un papa hmm hmm hmm (fait la moue) et puis moi il sait que je suis une rigolote. » (Babsy)

« Docteur α ? C'est mon papa hein ! (rires) Et oui je dis c'est mon papa ! Parce que lui... voilà. » (Marie)

« Elle quand me parlait comme ça… Fort, pas gentil. Y elle me prête pas attention, attention très grave. Elle... Elle pas... (…) Tu vois. Elle c'est... très très sérieuse. » (Sandra)

Ainsi, un manque de cordialité et d’amabilité était perçu comme néfaste à la relation de soin et pouvait entrainer une rupture de suivi effectif, du fait d’un vécu émotionnel négatif.

Ce ressenti pouvait passer par la communication verbale ou non verbale :

- Comportement antipathique : « Oui je sais moi il y a un docteur (…) Il est pas gentil avec

moi, c’est pour ça j’arrête. Il est ma première docteur quand j’ai arrive en France. » (Jessica)

- Absence d’utilisation du sourire : « He don’t smile, I don’t go at all. » (Tracy)

b. Le rôle de la communication verbale et de l’expression du médecin

Au-delà de la communication non verbale et de l’attitude du médecin, les mots employés et la manière de s’exprimer du praticien pouvaient avoir un impact sur la relation de soin.

« Moi j'ai de très bonne relation avec mon médecin donc euh... C'est le fait qu'on se connaisse depuis longtemps. Et puis y'a l'attitude, y'a la façon de parler. » (Babsy)

« Not just the words. Maybe with the way she speaks with you and she can help. » (Tracy)

Ainsi une attitude irritable, révélée par une manière de communiquer pouvait induire des sentiments négatifs et douloureux chez le patient et altérer la relation médecin-patient.

« Oui, comme... nerfs. Et... J'aime pas elle. Non. Oui c'est normal c'est médecin c'est... Pas normal parler comme ça (…) Parler des choses en mal pour moi quelqu'un. Y moi ça fait stresse. De pleurer de... Non quand elle me parlait comme ça, moi stressée toute seule euh... (soupir) C'est pas bien. » (Sandra)

Un des critères caractérisant l’empathie dans la relation de soin est la capacité du praticien à prendre du recul sur ses émotions et conserver une lucidité sur ses propres sentiments. Nous observons ici l’impact des émotions négatives traduites par le praticien sur la qualité de la relation de soin.

« C'est trop vite, en plus. Je sais pas si elle est énervée, je sais pas pourquoi ... j'ai... (tchip) ça s'est pas bien passé avec moi. » (Marie)

2. Attitude d’intérêt ouvert avec respect et non-jugement du patient, vecteur de confiance