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Le rôle central de la vitesse de traitement de l’information dans les atteintes cognitives de la SEP

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PARTIE I SEP ET COGNITION : CONTEXTES ET CONSIDERATIONS THEORIQUES

CHAPITRE 2 TROUBLES COGNITIFS DANS LA SEP

I.2.3 Caractérisation des troubles cognitifs de la SEP

I.2.3.2 Le rôle central de la vitesse de traitement de l’information dans les atteintes cognitives de la SEP

L’étude de la taille de l’effet de 34 études contrôlées réalisées entre 1983 et 1997 sur 1845 patients (Zakzanis, 2000) confirme que les tests des fonctions attentionnelles et de la VTI apparaissent les plus perturbés. Les effets les plus importants sont observés au SDMT, au test des codes de la WAIS-R, très similaire au SDMT, et au Paced Auditory Serial Addition Test (PASAT) évaluant l’attention auditive et la mise à jour de la mémoire de travail, très sensible à la vitesse de traitement de l’information. Toutefois le PASAT fait intervenir des capacités de calcul en plus de l’attention auditive et de la mémoire de travail ; cependant des mesures quantitatives ont récemment objectivé la perception négative de ce test par les PvSEP (Walker et al., 2012) qui peuvent être souvent gênées dans leur réponse par le stress engendré par la passation.

Le rôle dominant de l’atteinte de la VTI a été souligné par DeLuca et al. (2004). Ces auteurs ont montré que l’atteinte de la VTI était plus importante que celle de la mémoire de travail et que le déficit primaire des processus de traitement de l’information est celui de la vitesse de traitement. En effet, si on distingue la VTI « automatique » au cours de tests d’attention visuelle soutenue à la VTI de processus contrôlés mettant en jeu la mémoire de travail, la première est plus perturbée dans la SEP (Janculjak et al., 2002).

Denney et al. (2011) ont étudié l’impact du fait de savoir qu’une épreuve est chronométrée ou non sur les performances de VTI chez les PvSEP avec une batterie informatisée en indiquant explicitement les mesures de temps ou en chronométrant secrètement. Les mesures explicites étaient issues du test de Stroop et d’un test de dénomination. Les mesures réalisées secrètement étaient les latences durant lesquelles des processus attentionnels ont été mis en jeu pour parvenir à une solution correcte lors d’un test de rotation de figures, d’un test d’association de mot

(Remote Association Test) et du test de la Tour de Londres. Les résultats ont montré des différences significatives entre les PvSEP et les témoins concernant les deux types de mesures de VTI, explicites ou non, avec une taille de l’effet plus importante concernant les mesures explicites.

Afin d’évaluer l'évolution dans le temps du déclin des différentes domaines cognitifs, Van Schependom et al. (2015) ont récemment réalisé une analyse de survie à partir des données neuropsychologiques d’une batterie de tests cognitifs (NSBMS, Neuropsychological Screening Battery for MS) et du SDMT de 514 PvSEP. Ils ont examiné l'influence de la forme de SEP, de l’âge au début de la maladie, du sexe ainsi que de la dépression et du niveau d'éducation au cours du temps (âge ou maladie) en utilisant des modèles de Cox. Les courbes de survie des tests portant sur la VTI ont diminué plus rapidement que les tests avec des exigences moins spécifiquement liées à la VTI. L'âge médian du déclin pathologique était de 56,2 ans pour le SDMT et de 63,9 ans pour le test de mémoire épisodique. Les auteurs ont ainsi conclu que la VTI était le domaine cognitif le plus largement touché et le premier déficit cognitif à émerger dans la SEP.

Les atteintes physiopathologiques spécifiques de la SEP, (atteintes démyélinisantes et axonales) et leur progression caractéristique expliquent ce ralentissement du traitement de l’information et cette évolution. De plus l’atteinte de la VTI est d’autant plus spécifique de la SEP qu’elle est présente dans les formes rémittente et progressive (Ruet et al., 2013a, annexe A). En effet, la VTI est aussi la fonction la plus atteinte dans les études concernant les formes progressives primaires (Camp et al., 1999).

Certains auteurs n’ont pas mis en évidence la place prépondérante de la VTI dans la SEP. Berrigan et al. (2013) ont par exemple remis en cause le modèle « Original Relative Consequence Model of cognition in multiple sclerosis » (DeLuca et al., 2004) qui considère la VTI comme le déficit primaire altérant les fonctions cognitives plus complexes. Berrigan et al. (2013) ont souligné que la plupart des études sur la VTI se basaient sur le PASAT, test faisant intervenir d’autres processus cognitifs, ils ont alors réalisé une évaluation de la VTI par des tests de temps de réaction (TR) simple ou à choix (visuel et sémantique). De plus, ils ont aussi proposé un empan de lecture et des séquences lettres-chiffres pour évaluer la mémoire de travail, le SDMT, le PASAT ainsi que des tests évaluant les capacités d’apprentissages et les fonctions exécutives. Dans leur population (70 PvSEP-RR de moins de 8 ans de durée de maladie), les performances de VTI mesurée par les tâches de temps de réaction n’étaient pas significativement différentes de celles des témoins. Il en était de même pour le SDMT, en revanche les performances différaient pour le PASAT. Les PvSEP présentaient une atteinte de la mémoire de travail dès les premières

années de la maladie. En utilisant un modèle d’équations structurelles (sans inclure le SDMT et le PASAT), ils ont mis en évidence un rôle de médiateur ou du moins de facteur intervenant de la mémoire de travail (et non de la VTI) dans le fonctionnement cognitif chez les PvSEP-RR dans les premières années de la maladie. Les auteurs ajoutent qu’à d’autres stades, dans des formes plus sévères de SEP, la VTI peut être considérablement ralentie, la maladie ayant une incidence sur les processus de mémoire de travail d'une part, indirectement, en ralentissant les processus cognitifs et d’autre part, en affectant directement les substrats neurologiques de mémoire de travail.

Les différentes interprétations proposées et les difficultés d’interprétation à partir de tests cliniques classiques et non de paradigmes expérimentaux spécifiques, sont en partie dues à troiS éléments : le choix de la classification de chaque test dans tel domaine cognitif (un test n’étant pas pur et pouvant être attribué à des domaines différents selon les auteurs), la prise de position de considérer la VTI de façon unitaire ou comme un domaine, et les modèles cognitifs utilisés pour interpréter les tests, ces modèles (principalement ceux de mémoire de travail, des fonctions exécutives ou attentionnelles) présentant des recouvrements. Ainsi le PASAT met en jeu la VTI mais aussi d’autres composantes cognitives telles que la mise à jour de la mémoire de travail, l’attention soutenue, l’inhibition ou encore la flexibilité, et est par exemple considéré comme un test de VTI, d’attention soutenue ou encore de mémoire de travail selon les études. Si le PASAT est plus exigeant en termes de ressources, le SDMT bien que moins « effortfull » présente aussi ce caractère multidimensionnel. De la même façon, des tâches de temps de réaction à choix comme celles utilisées par Berrigan et al. (2013) pour évaluer la VTI, font intervenir des processus d’identification, de sélection, d’inhibition, de flexibilité ou encore des traitements sémantiques. Elles impliquent donc d’autres fonctions cognitives, qui doivent être synchronisées pour parvenir à une réponse efficiente, mais aussi les interactions entre ces fonctions.

Si l’atteinte prédominante de la VTI est clairement décrite dans la majorité des publications, la question, ou du moins le choix conceptuel d’interprétation clinique, est donc de savoir si l’on considère la VTI comme le mécanisme initial crucial engendrant ou majorant des difficultés dans des domaines tels que l’attention, la mémoire de travail, les fonctions exécutives ou encore le langage. Une autre possibilité serait qu’une atteinte légère d’une fonction engendre un ralentissement du travail de cette fonction (par ex. un aspect du langage) plutôt qu’un échec de ce travail. Cette augmentation du temps de traitement pourrait dans un premier temps être nécessaire pour parvenir à effectuer correctement une tâche et donc constituer un signe de la compensation. Lorsque l’atteinte deviendrait plus importante, ce temps ne suffirait plus à permettre un traitement efficace laissant alors de plus en plus apparaître les difficultés spécifiques aux fonctions touchées elles-mêmes. Dans les deux hypothèses, ces processus de ralentissement

seraient liés à la déconnexion fonctionnelle et/ou anatomique des aires corticales, des structures sous-corticales ou cérébelleuses impliquées dans les fonctions cognitives atteintes. Ces hypothèses sont importantes à considérer dans le choix des stratégies de réhabilitation.

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