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Dépression, cognition et qualité de vie dans la SEP

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PARTIE II APPROCHE COGNITIVE GLOBALE ET OPTIMISATION DE L’EVALUATION DES

CHAPITRE 2 L'HUMEUR DEPRESSIVE: UN DES PRINCIPAUX FACTEURS ASSOCIE AUX TROUBLES

II.2.1 Troubles cognitifs dans la SEP : facteurs influant et de confusion

II.2.1.2 Dépression, cognition et qualité de vie dans la SEP

L’OMS relève une prévalence du trouble dépressif variant sur une vie entière entre 20 et 30 p. 100 en fonction des critères diagnostiques retenus. Selon l’OMS, la dépression est un problème de santé publique majeur à un niveau mondial, puisqu’elle était classée selon les données de QdV recueillies en 2000 comme la quatrième pathologie le plus handicapante. Plus récemment, en considérant les pays riches, elle était classé en première position et pourrait devenir la seconde cause d’invalidité après l’ischémie cardiaque (Mathers CD et al., 2006). Dans la population générale, la dépression est aussi associée à une moins bonne QdV (Sheehan et al., 2005). La dépression serait même plus invalidante que certains troubles physiques chroniques (Braam et al., 2005). La dépression est donc déjà à elle toute seule une pathologie invalidante, ayant un poids économique certain et d’une manière générale un impact délétère sur la santé voire sur la longévité du fait du nombre de suicides. Associée à la SEP, les conséquences se surajoutent au retentissement lié à la maladie.

Selon le DSM-IV, les troubles de l'humeur comprennent le trouble dépressif, les troubles bipolaires, et les autres troubles dépressifs (dus à une affection médicale, ou induits par une substance). Les critères d'épisode dépressif caractérisé sont définis par le DSMIV et inclut l’humeur dépressive. Au moins 5 des symptômes parmi une liste définie doivent avoir été présents pendant une même période d'une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur; parmi ces symptômes au moins l’un des symptômes est soit une humeur dépressive, soit une perte d'intérêt ou de plaisir. Toutefois, la détection d’un trouble de l’humeur n’implique pas le diagnostic d’un épisode de dépression caractérisée. Selon le DSM IV, les troubles dépressifs comprennent le trouble dépressif majeur - épisode isolé, le trouble dépressif majeur-récurrent, le trouble dysthymique et le trouble dépressif non spécifié.

Comme cela a été souligné pour les personnes âgées (Watson et al., 2004 , Amore et al., 2007), les classifications du DSM-IV ne sont peut-être pas adaptées à la SEP et les troubles dépressifs pourraient de ce fait être sous-estimés. Par exemple, il a été montré dans un échantillon de patients atteints de la maladie d'Alzheimer dans lequel aucun des patients ne répondait aux critères d'épisode dépressif majeur ou de trouble d'anxiété généralisée, une proportion importante des patients (8%) répondant aux critères de trouble dysthymique (Bungener et al., 1996).

Dans la symptomatologie dépressive, des dimensions coexistent à côté de piliers que sont la tristesse, l’inhibition ou le ralentissement. Les troubles cognitifs peuvent aussi être un symptôme de la dépression rendant le diagnostic différentiel parfois difficile. L’analyse sémiologique à la base des démarches diagnostique et thérapeutique implique un effort de déchiffrage des émotions et vise à repérer la maladie, à discerner ce qui s’apparente au symptôme de ce qui s’organise en syndrome, mais aussi à dégager certaines spécificités pour mieux évaluer et traiter les personnes déprimées et donc limiter l’impact des altérations de l’humeur dépressive sur la QdV et les autres symptômes (cognitifs inclus). L’humeur dépressive a une place centrale dans le diagnostic, elle est à la base d’arbres diagnostiques décisionnels comme celui proposé par l’American Psychiatric. Outre le diagnostic, elle pourrait permettre de dépister des symptômes dépressifs moins marqués. Une définition de l’humeur communément acceptée est celle de Jean Delay : « L’humeur est cette disposition fondamentale riche de ses instances émotionnelles et instinctives, qui donne à chacun de nos états d’âme une tonalité agréable ou désagréable, oscillant entre les deux pôles du plaisir et de la douleur». Plusieurs dimensions de l’humeur dépressive ont été proposées par Jouvent et al. (1988). Ces dimensions pourraient être plus adaptées pour orienter les choix thérapeutiques et plus généralement décrypter la dépression chez les PvSEP où un certain nombre de symptômes

dépressifs recouvre ceux de la maladie. Une perte d’initiative ou une distractibilité peuvent par exemple être dues à une dépression ou à des troubles exécutifs.

Dépression Sclérose en plaques

Perte d’énergie Fatigue et Fatigabilité

Ralentissement Ralentissement

Désinvestissement Incapacités fonctionnelles Troubles de la concentration et de la mémoire Troubles cognitifs Troubles du sommeil Troubles du sommeil Troubles de l’appétit Diminution de l’appétit

Tableau 2 : Recouvrement des symptômes entre dépression et SEP proposé par M. Montreuil et J. Pelletier (2010)

La prévalence de la dépression durant la vie des PvSEP est estimée à environ 50% (Sadownik et al, 1996; Jones et al., 2012) bien que les chiffres puissent différer selon les études (Minden et al., 2013). La fréquence est supérieure à celle d’autres maladies chroniques ou d’autres affections neurologiques (Goldman Consensus Group, 2005). La survenue de la dépression pourrait avoir des conséquences négatives sur les symptômes de la maladie, sur les soins neurologiques, sur l'adhésion et l’observance des traitements, ou encore sur la réadaptation (WIROTIUS) et pourrait en fin de compte contribuer à une dégradation liée à la santé de QdV. La QdV est altérée dans la SEP et l’est aussi dans la dépression, Janardhan et Bakshi (2002) ont étudié les relations entre le handicap mesuré par l’EDSS, la dépression mesurée par l’échelle de dépression de Hamilton, la fatigue par la Fatigue Severity Scale, et la QdV par le Multiple Sclerosis Quality of Life (MSQOL- 54) chez 60 PvSEP réparties en groupes selon la forme de la maladie (PvSEP-RR et PvSEP-SP), selon qu’elles étaient considérées comme fatiguées ou non, dépressives ou non. Les résultats ont montré que la fatigue et la dépression étaient associées de façon indépendante avec la QdV, après prise en compte du handicap physique. Les auteurs ont conclu que la reconnaissance et le traitement de ces troubles étaient donc susceptibles d’améliorer la QdV.

Dans la SEP, l’humeur dépressive est en effet l’un des principaux facteurs de confusion de plusieurs symptômes, notamment des troubles cognitifs. D’une manière générale, les descriptions cliniques des troubles dépressifs comprennent toujours des perturbations cognitives : un ralentissement dans le traitement de l’information, des difficultés de concentration, des plaintes mnésiques, voire de réelles difficultés à mémoriser ou à se rappeler des informations, une distractibilité ou une sensibilité à l’interférence. Selon Widlocher (1983,1989), le ralentissement

psychomoteur, affectant l'activité motrice mais aussi verbale et mentale, se situe au cœur de la symptomatologie dépressive. Ces perturbations cognitives pourraient être la conséquence de l’état dépressif mais aussi des facteurs pouvant contribuer à l'apparition et au maintien de l’humeur dépressive ou pourraient être la conséquence directe ou indirecte de la SEP. Les PvSEP peuvent ressentir et manifester des symptômes émotionnels liés à l’annonce du diagnostic, à l’évolution de la maladie, aux adaptations nécessaires ou encore aux thérapies de leur maladie (interférons, corticostéroïdes ou autres traitements symptomatiques) et peuvent, dans certains cas, aller jusqu’au passage à l’acte suicidaire. La dépression peut aggraver le dysfonctionnement cognitif et il est donc aussi pour cette raison important de la traiter (Arnett et al., 1999).

La dépression est un facteur pouvant moduler le fonctionnement cognitif. Elle peut avoir un impact sur l’efficacité des prises en charge, en influant sur la compliance et l’investissement plus ou moins actif dans les thérapies (particulièrement de la réhabilitation). Elle peut limiter les stratégies de coping (Lazarus et Folkman , 1984). qui correspond à « l'ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources d'un individu »). La dépression peut ainsi contribuer à altérer considérablement la QdV des PvSEP qui constitue l’objectif ultime de toute prise en charge.

Au regard des données de la littérature et des besoins cliniques, notre objectif dans cette partie était donc double, il s’agissait d’une part de proposer un outil aisément utilisable en clinique qui puisse mesurer plus spécifiquement les dimensions de l’humeur dépressive pouvant être liées à la SEP afin d’orienter au mieux les stratégies thérapeutiques, et d’autre part de déterminer la part d’implication de ces dimensions sur la QdV.

II.2.2 “Deciphering depressive mood in multiple sclerosis

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