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PARTIE II APPROCHE COGNITIVE GLOBALE ET OPTIMISATION DE L’EVALUATION DES

CHAPITRE 2 L'HUMEUR DEPRESSIVE: UN DES PRINCIPAUX FACTEURS ASSOCIE AUX TROUBLES

II. 2.2 “Deciphering depressive mood in multiple sclerosis and its consequences on quality of life” (article en

II.2.3 Intégration de la détermination de la dépression dans la prise en charge cognitive

II.2.3.1 Commentaires de l’article

Dans cet article, nous avons souhaité analyser les dimensions de l’humeur dépressive avec l’Echelle d’Humeur Dépressive version auto-questionnaire (EHD-PRO) proposée par Radat et al. (2007) (autoquestionnaire annexe D) chez des PvSEP dans une forme de début de la maladie, soit rémittente, soit progressive primaire. Nous avons proposé l’EHD-PRO à 101 PvSEP (41 PvSEP- RR et 60 PvSEP-PP) et à 415 sujets sains appariés, ainsi qu’une batterie cognitive complète, une évaluation de la dépression, de la fatigue, de l’anxiété, et de la QdV. L’EHD-PRO consiste à répondre à 11 items selon une échelle de Lickert. L’EHD n’est pas seulement une échelle globale d’évaluation de la dépression mais elle permet de prendre en compte les principaux aspects émotionnels de l’humeur dépressive distingués par Jouvent et al. (1988), la perte de contrôle émotionnel et l’émoussement affectif. A partir d’une analyse en composantes principales, Jouvent et al. (1988) avaient en effet décrit 5 facteurs (l’émoussement émotionnel, l’incontinence émotionnelle, l'humeur explosive/l’irritabilité, la labilité émotionnelle et la tristesse douloureuse) et ultérieurement avaient distingué deux dimensions cliniques de l’humeur dépressive, l’émoussement émotionnel et la perte de contrôle émotionnel. L’émoussement émotionnel ou le déficit émotionnel se réfère au déficit émotionnel dans la capacité de ressentir et d'exprimer des émotions, à l’émoussement affectif, à l’anhédonie, à la perte d'initiative ou de motivation, à l’aplatissement prosodique ou encore au ralentissement psychomoteur. L’alexithymie peut aussi faire partie de la symptomatologie de cet aspect. La perte ou la diminution de contrôle émotionnel ou dyscontrôle émotionnel est plus complexe et se réfère à l'impulsivité, à l’anxiété, à l’agitation, à la colère, mais aussi à une l’hyperémotivité se référant à une augmentation de sentiment émotionnel et de l'expressivité (Radat 2007). Jouvent et al. (1991) ont proposé des orientations spécifiques du diagnostic en proposant une dichotomie entre la dépression où la symptomatologie prédominante est l’inhibition, les patients présentant un émoussement émotionnel, et la dépression où la symptomatologie prédominante est l’anxiété ou l’agitation, les patients présentant un dyscontrôle émotionnel.

Nos résultats ont confirmé que l’EHD-PRO, dont la validité avait déjà été établie dans la SEP (Radat et al., 2007), est rapidement et aisément réalisée par les PvSEP et donc très facile à réaliser en pratique clinique pour évaluer l’humeur dépressive des PvSEP.

L’EHD-PRO détectait comme atteintes 33,3% de PvSEP-RR et 41,5% de PvSEP-PP (sans différence significative entre les deux groupes), soit plus de PvSEP atteintes qu’avec le Beck

Depression Inventory II (BDI II) ou sa version courte très utilisée dans la SEP, la Beck Depression Inventory-Fast Screen for Medical Patients (BDI-FS) car réputée non influencée par les symptômes neurologiques. Le pourcentage de PvSEP atteintes n’excédait pas 24,4% à ces deux tests de dépression. Nos résultats à l’EHD-PRO correspondent davantage aux prévalences de troubles dépressifs habituellement rapportées dans la littérature. Minden et al. (2014) indiquaient une prévalence variant de 36% à 54%. Chez les PvSEP-RR, 88.9% des PvSEP considérées comme ayant une dépression modérée à sévère selon le score de BDI II étaient détectées par l’EHD, et seulement 55% par le BDI-FS. De plus, tous les PvSEP considérées comme modérément à sévèrement dépressives étaient identifiées par l’EHD-PRO. Bien que ce ne soit pas l’objet de notre étude, l’ensemble de nos résultats remettent en cause la sensibilité du BDI-FS. En revanche 9 PvSEP sur les 60, soit 15%, qui n’étaient pas diagnostiquées comme présentant une dépression modérée à sévère au BDI II, avaient au moins un score anormal (score <5ième percentile de celui du groupe de témoins appariés). Dans le groupe des 41 PvSEP-PP, 90%

considérés comme modérément à sévèrement dépressifs au BDI II et 100% au BDI-FS étaient au moins détectés par un score de l’EHD-PRO. Six PvSEP-PP, soit 14,6 %, n’étaient pas diagnostiquées par le BDI II mais étaient là aussi détectées par l’EHD-PRO. Nos résultats attestent que non seulement l’EHD-PRO détecte les PvSEP déprimées au BDI II mais aussi d’autres PvSEP qui ne sont pas considérées comme ayant une dépression importante. Ces décalages pourraient être dus à la sensibilité de l’EHD à apprécier plus spécifiquement certaines composantes de l’humeur dépressive. L'identification et la caractérisation des symptômes dépressifs, surtout en dehors du contexte du trouble dépressif majeur selon le DSM IV, ou désormais le DSM V, appartient aux professionnels de santé dans la pratique clinique quotidienne. Les symptômes dépressifs peuvent être difficiles à identifier dans les maladies neurologiques avec la mise en place des processus d'adaptation et avec divers symptômes comme la fatigue, l’anxiété ou des troubles cognitifs qui peuvent interférer avec les échelles de troubles émotionnels. Certains symptômes tels que l'apathie, la colère, l'incontinence émotionnelle peuvent parfois être attribués à la dépression alors qu'ils appartiennent à des troubles psycho- comportementaux de la pathologie frontale, des ganglions de la base, de l’atteinte du cervelet ou d’un réseau cérébral impliquant en particulier ces structures. À cet égard le BDI-FS (Benedict et al., 2003b), et l’échelle Hospital-Anxiety-Depression-Scale (HADS) (Zigmond and Snaith, 1983), ont été indiqués comme étant moins sensibles aux facteurs de confusion somatique et présentant l’intérêt d’évaluer séparément la dépression et l’anxiété. Ces échelles sont utiles pour détecter des épisodes dépressifs majeurs, car il est important de faire la distinction entre un symptôme de dépression et le syndrome de la dépression majeure (Feinstein et Feinstein, 2001) mais elles ne

permettent pas de distinguer les différentes sous-composantes de ces symptômes. L’appréciation des deux dimensions plus spécifiques à la maladie pourrait permettre de détecter plus de signes d’humeur dépressive chez les PvSEP que des échelles plus générales comme le BDI d’autant plus lorsqu’il ne s’agit pas d’une dépression majeure. L’EHD-PRO pourrait être un outil permettant de dépister dès les stades légers des atteintes des dimensions dépressives propres à une pathologie neurologique comme la SEP où la tristesse par exemple n’a pas été considérée comme une dimension prédominante. Nous avons aussi observé une augmentation significative de la fatigue et de l’anxiété chez chacun des groupes comparativement aux témoins, ce qui est en accord avec la littérature (Kroencke 2000, Korostil and Feinstein, 2007).

Les analyses de corrélations ont montré que l’EHD-PRO est une échelle fiable mesurant la dépression sans être influencée par des facteurs démographiques tels que l’âge ou le sexe (même s’il existait une tendance non significative après application de la correction de Bonferroni), le niveau d’éducation ou par des facteurs cliniques tels que la durée de maladie, la fatigue, le handicap ou même la cognition.

En effet les z-scores des domaines cognitifs n’étaient pas corrélés aux scores de dépression, et les scores à l’EHD-PRO ne différaient pas entre les PvSEP cognitivement atteintes et non cognitivement atteintes, quel que soit le phénotype de SEP. Le fait que l’EHD-PRO mesure l’humeur dépressive indépendamment des troubles cognitifs est particulièrement intéressant en clinique dans la mesure où les troubles cognitifs peuvent être une manifestation de la dépression et peuvent eux-mêmes engendrer une dépression. Nos résultats n’ont pas mis en évidence d’association entre l’atteinte cognitive et la durée de la maladie, la dépression, l’évolution de la maladie, ou encore l'utilisation de médicaments.

La question des facteurs associés de la maladie est encore controversée dans la littérature, notamment quant à la cognition et à la dépression. Bien que la relation entre dysfonctionnements cognitifs et dépression ait été établie dans la population générale, une telle relation n'a pas été solidement montrée dans les études initiales chez des PvSEP. Ainsi, nos résultats rejoignent les études initiales dont celle de Rao et al. (1991a) sur 100 PvSEP non issues de la population cliniquement suivie. Demaree et al. (2003) ont étudié des PvSEP, sans distinction des phénotypes, certaines ne présentant pas de dépression majeure (score BDI <9) au Beck Depressive Inventory (BDI), d’autres présentant nettement une dépression (score BDI >16). Ces auteurs ont montré plus de dysfonctionnements cognitifs chez les PvSEP déprimées. Une explication possible à ces discordances est le niveau variable de sévérité de la dépression dans ces différentes études : dans notre étude très peu de PvSEP présentaient une dépression majeure et peu une dépression modérée à sévère. Les analyses de régression ont indiqué que l’EHD, et chacune de ces deux

dimensions mesurent bien l’humeur dépressive quel que soit le degré de dépression (non uniquement la dépression majeure) indépendamment du degré de handicap et des troubles cognitifs.

Chez les PvSEP, les deux dimensions ne sont pas atteintes de la même façon et l’atteinte de la dimension perte de contrôle émotionnel, qui implique aussi l’anxiété, prédit significativement l’altération de la QdV. La QdV mentale était principalement associée à la perte de contrôle émotionnel chez les PvSEP-RR. La perte de contrôle émotionnel était associée aux deux dimensions (mentales et physiques) de la QdV avec l’EDSS uniquement pour la QdV physique, et avec la fatigue pour les deux dimensions de la QdV. Dans une série de 504 PvSEP (Lobentanz et al., 2004), la QdV et ses principaux déterminants cliniques et démographiques, handicap, humeur dépressive, fatigue et sommeil, ont été évalués en comparaison avec les témoins. La plupart des patients étaient sévèrement handicapés. Lobentanz et al. (2004) ont conclu que l’humeur dépressive était le principal facteur influant sur la QdV et que le handicap, la fatigue et la réduction de la qualité du sommeil avaient surtout un impact sur la dimension physique de la QdV.

Les troubles cognitifs et émotionnels coexistent assez fréquemment dans la SEP, une des difficultés cliniques est de déterminer la source de ces troubles, apprécier les composantes de l’humeur dépressive en utilisant des échelles comportant différentes dimensions émotionnelles comme l’EHD-PRO pourrait permettre d’améliorer le diagnostic et le suivi mais aussi de mieux orienter les traitements thérapeutiques. De plus, notre étude souligne l’intérêt de prendre en considération la dimension de la perte de contrôle émotionnel qui semble considérablement impliquée dans la qualité de vie de PvSEP. Nous avons établi des normes, à partir des données de 415 témoins répartis en groupes selon leur âge et leur sexe, pour l’échelle globale et chacune des dimensions afin que cette échelle puisse être utilisée en clinique et en recherche.

III.3.3.2 Argument supplémentaire à la prise en compte de

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