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Impact des troubles cognitifs sur les activités quotidiennes et sur la vie socioprofessionnelle des personnes

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PARTIE II APPROCHE COGNITIVE GLOBALE ET OPTIMISATION DE L’EVALUATION DES

CHAPITRE 1 RETENTISSEMENT DES TROUBLES COGNITIFS SUR LA VIE DES PVSEP

II.1.3 Impact des troubles cognitifs sur les activités quotidiennes et sur la vie socioprofessionnelle des personnes

personnes vivant avec une SEP

Si de prime abord les PvSEP précisent souvent les retentissements liés au handicap physique ou à certains symptômes physiques qui peuvent limiter ou restreindre les activités de la vie quotidienne ou encore induire des modifications socioprofessionnelles, les PvSEP indiquent aussi fréquemment des ressentis de gêne cognitive voire des difficultés pour parvenir à effectuer correctement une activité. Ils rapportent par exemple des difficultés à réaliser rapidement les tâches, à rester concentré, à gérer deux tâches en même temps ou à être attentif à plusieurs

choses, à inhiber les distracteurs de l’environnement, à reprendre une activité après une interruption, à mémoriser ou à se rappeler certains éléments au moment opportun. Les patients rapportent souvent des ressentis de gênes, des limitations ou des restrictions dans leurs activités quotidiennes, professionnelles ou leurs loisirs. Répondre et échanger au téléphone tout en poursuivant l’activité en cours, ou encore suivre une conversation lors d’un repas avec plusieurs convives peuvent ainsi être devenus très difficiles voire impossibles. Si un certain nombre de situations posant problème sont récurrentes dans les entretiens cliniques des PvSEP, la mise en évidence et l’évaluation de ces déficits dans la vie réelle ne sont pas aisées en pratique clinique et peu documentées dans la littérature. Les données disponibles proviennent essentiellement d’études longitudinales ou d’études évaluant les troubles cognitifs en tant que marqueurs prédictifs.

Les déficits cognitifs chez les PvSEP ont une forte incidence sur les activités professionnelles et sociales (Rao et al., 1991b; Brochet et al., 2007). Quel que soit leur niveau d’atteinte, ils peuvent avoir des conséquences voire conduire à des limitations dans la vie sociale et professionnelle des PvSEP, quels que soient leur niveau d’atteinte et le degré d'incapacité physique (Bobholtz et Rao, 2003) et, par conséquent, contribuent largement à l’impact social de la maladie.

A partir d’une étude sur 100 PvSEP répartis en deux groupes, cognitivement atteint et non atteint, sans différence de handicap physique ni de durée d’évolution de la maladie, Rao et al. (1991b) ont souligné que les PvSEP cognitivement atteintes avaient moins d’activités professionnelles, de relations sociales et amicales, et présentaient plus de difficultés pour réaliser des tâches de la vie courante.

Amato et al. (1995) ont suivi sur 4 ans 50 PvSEP ayant une durée moyenne de maladie de 1,58 ans et ayant réalisé plusieurs questionnaires et évaluations dont l’Environmental and the Incapacity Status Scales. L’importance du déclin cognitif initial, le niveau de handicap initial et la forme de la maladie étaient des déterminants indépendants dans la vie professionnelle et les activités sociales des PvSEP. Toutefois, le handicap physique et l’atteinte cognitive ne se développaient pas en parallèle. Amato et al. ont notamment montré des retentissements socio- professionnels importants liés à la sévérité de l’atteinte cognitive. Parmi les 16 PvSEP qui présentaient initialement un déficit cognitif important (5 tests atteints sur 8), 11 PvSEP avaient diminué ou arrêté leur activité professionnelle au cours des 4 ans, l’intervention d’une tierce personne pour la réalisation des activités quotidiennes avait été nécessaire pour 6 d’entre eux et 5 avaient réduit considérablement leurs contacts sociaux.

Dans leur étude longitudinale sur 10 ans portant sur 45 PvSEP, Amato et al. (2001a) ont montré que les limitations dans le travail et dans les activités sociales étaient corrélées avec le degré de

déclin cognitif, indépendamment du degré d'incapacité physique. Le niveau de handicap et le degré d’atteinte cognitive étaient donc des facteurs prédictifs indépendants de handicap d'un patient dans le milieu social et professionnel.

Plusieurs études ont rapporté la valeur pronostique des troubles cognitifs pour le statut professionnel indépendamment du handicap (Morrow et al., 2010; Strober and al., 2014). Récemment, nous avons établi un lien entre les données cognitives dans les mois qui suivent le diagnostic et le maintien dans la vie professionnelle (Ruet et al., 2013b), cet article est présenté ultérieurement dans ce chapitre.

Récemment, Cadden et al. (2014) ont inclus un ensemble de facteurs (l’âge, la durée de maladie, la fatigue, la dépression, les difficultés motrices) dont les troubles cognitifs dans la prédiction du statut professionnel chez 57 PvSEP étudiées par un modèle de régression logistique (2 groupes, PvSEP travaillant ou non) et ont réalisé des modèles de médiation. Ils ont rapporté des résultats similaires aux études antérieures, à savoir que la fonction cognitive prédisait le statut professionnel, plus que la fatigue, la dépression, et la fonction motrice. De plus, la fonction cognitive médiatisait partiellement l'effet de l'âge et de durée de maladie sur le statut professionnel. Les auteurs concluent que les interventions ciblant les difficultés cognitives des PvSEP peuvent être efficaces pour permettre aux individus de maintenir leur emploi.

La relation entre les troubles cognitifs et la capacité à conduire des PvSEP a aussi été étudiée. L’une des activités quotidiennes principalement étudiée est la conduite. Conduire une voiture peut en effet être affecté par une atteinte des fonctions cognitives, d’autant que les capacités cognitives ont été récemment identifiées comme facteurs prédictifs de la capacité à conduire chez les personnes atteintes de SEP à partir de tests de conduite automobile informatisés (Schultheis et al., 2001). Lincoln et Radford (2008), à partir d’évaluation dont une échelle d’évaluation de la sécurité de la conduite et des tests cognitifs (tels que le Stroop, un test de mémoire, le PASAT) ont montré des différences significatives aux tests de fonctions exécutives, de mémoire visuelle, de traitement de l'information, de concentration et de traitement de l’information, ou de capacités visuo-spatiales entre les PvSEP classées « prudentes » et « non prudentes ». A partir des résultats de leur analyse de prédiction, les auteurs rapportent que les capacités cognitives sont des facteurs prédictifs de la sécurité de la conduite automobile chez les PvSEP. Récemment, Dehning et al. (2014) ont étudié la fréquence des violations en conduite automobile chez 35 PvSEP âgés de 25 à 65 ans et dont les scores aux tests cognitifs différaient des 35 témoins appariés. Dans cette étude rétrospective, ils se sont aussi intéressés à la relation entre la largeur du troisième ventricule, l'atrophie du thalamus, et les infractions de la route. Ils ont montré une fréquence plus élevée des infractions chez les PvSEP. Ils ont aussi pu établir un lien direct entre ce retentissement des

troubles cognitifs et l’atteinte cérébrale en montrant que le nombre de violations pouvait être prédit par l’atrophie thalamique.

De plus, nous pouvons citer d’autres facteurs cognitifs, au sens plus large du terme, qui peuvent avoir un retentissement dans la vie quotidienne et qui, s’ils ne sont pas directement l’objet de nos travaux sont liés aux troubles cognitifs et sont à prendre en considération dans les interprétations des évaluations et dans l’approche adoptée en réhabilitation cognitive. Les troubles de la cognition sociale (troubles concernant la théorie de l’esprit ou encore la perception des émotions) chez les PvSEP (Banati et al., 2009, Henry et al., 2011) induisent en particulier une altération dans l’interprétation et la prédiction des comportements d’autrui et souvent dans les ajustements nécessaires face à différentes contraintes, et peuvent alors retentir sur le fonctionnement social, professionnel et interpersonnel. Des facteurs psycho-sociaux tels que la perte de confiance en soi, la gestion du ressenti du regard des autres, l’acceptation des changements dans la vie quotidienne mais aussi parfois dans les relations et les positions sociales et familiales, ou encore le déclin de l’estime de soi, affectent aussi la vie des PvSEP. Plusieurs études ont rapporté le stress perçu par les PvSEP comme un facteur important dans le début de la maladie, les poussées ou encore les adaptations symptomatologique et psychologique. Parthena et al. (2015) ont par exemple examiné le rôle de l'estime de soi en prenant en compte les caractéristiques sociodémographiques, la dépression et le type de personnalité. A partir d’un modèle de régression hiérarchique appliqué aux données de 70 PvSEP-RR, ces auteurs ont montré que les facteurs haut niveau d’éducation, dépression et baisse de l’estime de soi étaient significativement associés à l’augmentation du stress perçu. Ces auteurs ont encouragé les interventions ciblant notamment l’estime de soi.

De surcroît, il a été rapporté que les troubles cognitifs peuvent perturber l’observance du traitement (Bruce and al. 2010).

Compte tenu des effets significatifs des dysfonctionnements cognitifs sur la vie quotidienne des PvSEP, la réduction de ces déficits doit être un objectif majeur clinique et de recherche mais aussi de santé publique. Plusieurs des études de prédiction révélant le retentissement des troubles cognitifs sur la vie quotidienne ont ainsi conclu à l’intérêt d’interventions thérapeutiques en vue de réduire les retentissements de ces troubles sur les activités étudiées.

II.1.4 Etude préliminaire des relations qualité de vie,

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