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1.7. Histoire de la mondialisation

1.7.3. Le XIX e siècle et la Révolution industrielle

1.7.3.1. La Révolution industrielle

La Révolution industrielle est souvent décrite comme le point de commencement de l’intensification de la mondialisation et de la constitution de quasi-monopoles ; l’exportation

1 Une série des guerres entre la France révolutionnaire et les coalitions des puissances européennes 2 Bertrand Blancheton, (2008), « Histoire de la mondialisation », Bruxelles, P. 15

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Karl Polanyi, (1983), « La grande transformation ; aux origines politiques et économiques de notre temps », Paris

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de produits manufacturés par quelques pays avancés et industrialisés et l’exportation de matières premières et d’alimentaires par les pays neufs ou coloniaux illustre une nouvelle division, mondiale, du travail. Vers 1913, les produits primaires représentent plus de la moitié de la valeur du commerce mondial.1

D’après certains auteurs, le commencement de cette révolution industrielle remonte en réalité à la fin du Moyen-âge ou au début de la Renaissance. Paul Mantoux date l’existence d’un capitalisme industriel dès le milieu du XVIe siècle, et la révolution industrielle au XVIIIe siècle.2 Selon la datation traditionnelle de l’historien Ashton (1959), la Révolution industrielle doit être située entre 1760 et 1830.3 Le processus de cette révolution comprend des innovations dans les secteurs du textile (machines à tisser), l’apparition du « machinisme » par l’invention de la machine à vapeur par Watt, la mise en place de la sidérurgie et de la métallurgie (diffusion des hauts fourneaux au coke, etc.) et un peu plus tard, le changement dans les autres domaines comme les transports et la chimie. Elle a de l’influence sur les données économiques, sociales, politiques, agricoles et environnementales.

Selon la définition du dictionnaire « La Toupie », l’expression « révolution industrielle » désigne le processus de changement rapide de l’industrie qui a modifié en profondeur l’agriculture, l’économie et la société. C’est un passage du système de production artisanale, manuelle et répartie en une multitude de lieux dispersés, à une production à grande échelle, utilisant des machines, et centralisée. En réalité, l’industrie remplace l’agriculture comme moteur de l’économie ; ce changement a des conséquences importantes sur la société comme l’avènement des usines à grandes dimensions, l’exode rural, l’apparition du prolétariat et d’une bourgeoisie non terrienne, la pollution industrielle et chimique.4

Cette révolution commence d’abord en Angleterre et entraîne ce pays dans une croissance économique très remarquable au cours des années 1760-1770 ; même si ce pays avait déjà connu au cours des premières années du XVIIIe siècle, un taux de croissance soutenu (environ 1% l’an), cela n’était pas comparable avec celui des années 1760-1770. Grâce à cette révolution, l’économie anglaise acquiert une capacité nouvelle pour répondre à la demande existante et à de nouvelles demandes notamment dans l’industrie de textile. La révolution industrielle anglaise est accompagnée de changements dans quelques autres domaines comme ceux de la démographie, de la culture, du social et de l’organisation du travail. Ces changements augmentent la complexité de ce processus.

1

Bertrand Blancheton, (2008), « Histoire de la mondialisation », Bruxelles, P. 15

2 Paul Mantoux, (1959), « La révolution industrielle au XVIIIe siècle ; essai sur les commencements de la grande

industrie moderne en Angleterre », Paris

3

Bertrand Blancheton, (2008), « Histoire de la mondialisation », Bruxelles, P. 16

4 Le dictionnaire de « La Toupie » (Toupictionnaire : le dictionnaire de politique), http://www.toupie.org/

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Patrick Verley (1997)1 considère ce phénomène comme le fruit d’une évolution continue ; il explique que c’est le dynamisme de la demande de biens de consommation, à la fin du XVIIe siècle, qui constitue le moteur de la croissance de l’industrie et qui stimule en retour le progrès technique.

La Révolution industrielle dont le processus et les conséquences se propagent dans les autres pays du monde et entraînent pour eux (de façon plus ou moins rapide, selon leurs conditions du temps et de l’espace) de grands changements ; il s’agit en premier lieu du passage d’un monde agraire et artisanal vers une société commerciale et industrielle : c’est une phase importante dans l’histoire de l’humanité et dans l’histoire de l’économie mondiale.2 Cet événement s’accompagne de la croissance simultanée de la population, de la production et du revenu par tête.

L’industrialisation des pays à la suite de la Révolution industrielle peut être considérée selon différentes vagues ; la première vague comprend l’industrialisation de la Grande- Bretagne, à la fin du XVIIIe siècle, et celle de la France au début du XIXe siècle. Les secteurs clés de cette vague sont l’énergie (la vapeur), le moyen de transport (le bateau), le textile et la métallurgie. Dans la deuxième vague, on considère l’industrialisation de l’Allemagne et des Etats-Unis à partir du milieu du XIXe siècle, du Japon qui s’industrialise à partir de 1868 (période « Meiji ») et, enfin, l’industrialisation de la Russie à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Les secteurs clés de la deuxième vague sont l’électricité, le pétrole, le moteur à combustion interne, l’automobile, la chimie, le chemin de fer, la sidérurgie.

1.7.3.2. Protectionnisme

Le protectionnisme inspire des pratiques et des politiques dans un ou plusieurs secteurs particuliers de l’économie d’un pays pour défendre ses intérêts et ceux de ses entreprises face à la concurrence étrangère et, aussi, pour maintenir ou étendre le niveau de la production et de l’emploi, diminuer le déficit commercial ou augmenter les excédents, et élever le niveau de vie de la population. Les politiques protectionnistes consistent d’une part, à limiter les importations par l’interdiction de l’entrée de certains biens, par la mise en place de droits de douane, de taxes à l’importation, d’impôts spéciaux, de normes et de licences, par le contrôle des changes et des mouvements de capitaux et, d’autre part, en tant que protectionnisme offensif, par l’encouragement aux exportations par des subventions diverses, des incitations fiscales, la dévaluation de la monnaie, le dumping, les pratiques discriminatoires (privilégier les entreprises nationales dans les appels d’offres des marchés publics et empêcher les investisseurs étrangers de prendre le contrôle des

1 Patrick Verley, (1997), « La révolution industrielle », Paris

2 On peut souligner ici qu’il n’y a pas unanimité sur ce point de vue ; certains auteurs, et non des moindres,

insistent sur la nécessité logique, pour que la révolution industrielle puisse exister, d’une révolution agricole antérieure ; il faut que la productivité augmente dans l’agriculture pour qu’on puisse nourrir de nombreux ouvriers.

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entreprises nationales). Donc, le protectionnisme est une politique économique interventionniste : on peut dire qu’il est une sorte ou une branche du mercantilisme ; il est en cela opposé au libéralisme et au libre-échangisme.

A certaines périodes, le libre-échange fut la règle, le protectionnisme étant alors considéré comme l’exception ou une anomalie nuisible au bon développement de l’économie. Mais à partir du XVIe siècle, les pensées protectionnistes deviennent plus visibles et légitimes pour les analystes et les acteurs. Même Adam Smith, qui croit, contrairement aux Mercantilistes, que le commerce entraîne la paix et l’enrichissement mutuel, n’est pas opposé à l’idée d’établir des droits douaniers dans deux cas bien spécifiques :

1) En cas de présence d’industries stratégiques pour la défense nationale ;

2) En réaction à des taxations opérées par d’autres pays sur les exportations nationales.1 D’après lui, le contrôle du commerce et la protection des industries nationales est une politique exceptionnelle qui nuit, en règle générale, au bon fonctionnement de l’économie.

Serge d’Agostino (2003)2 en se référant à la formule de l’historien et économiste Paul Bairoch selon laquelle, avant les années 40, « le protectionnisme est la règle, le libre- échange, l’exception », explique qu’en général, au cours du XIXe siècle, sauf durant une brève phase libre-échangiste entre les années 1840 et les années 1870, c’est le protectionnisme qui domine les politiques commerciales. Il fait remarquer que le décollage industriel de la Grande-Bretagne et de la France, ainsi que le développement industriel de l’Allemagne et des Etats-Unis, avant les années 1840, sont les conséquences de la mise en place de politiques protectionnistes ; d’un autre côté, pour cette même période, ces politiques n’étaient pas suffisantes pour industrialiser certains pays comme la Russie et le Japon à cause de leurs structures économiques et des problèmes comme déficiences des infrastructures, ce qui expliquerait le retard de l’essor industriel de ces pays jusqu’aux dernières années du XIXe siècle.

Diverses circonstances peuvent conduire les gouvernements à adopter diverses formes de protectionnisme ; les mesures correspondantes peuvent être mises en place au nom de l’indépendance nationale, de la défense d’industries stratégiques, de l’exception culturelle, du patriotisme économique, etc. Il y a une forme de protectionnisme dont on parle peu et qui, pourtant, est très importante : le protectionnisme monétaire, qui est plutôt caché.

Une forme très courante de protectionnisme qui est largement acceptée comme exception aux politiques du libre-échange, est la protection des industries « dans l’enfance ». En 1791, Alexander Hamilton, Secrétaire au Trésor américain, dans son « Rapport sur les manufactures », proposa une protection des industries naissantes, parce qu’elles n’étaient

1

Adam Smith, (1776), « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations. Livres III et IV », Economica, 2002, Paris, Livre IV : Des systèmes d’économie politique

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pas, à cause de leur peu d’expérience, en mesure de supporter la concurrence des entreprises britanniques. Par la suite, Friedrich List publia, en 1841, son ouvrage « Le système national d’économie politique » où il popularise le principe de protection des industries naissantes par des barrières tarifaires : c’est le « protectionnisme éducateur ». Dans les années suivantes, d’autres économistes de diverses écoles de pensée, même parmi les Libre-échangistes, font part de leurs idées à propos de cette sorte de protection. Par exemple John Stuart Mill présente sa doctrine des industries naissantes dans ses « Principes d’économie politique » en 1848. La doctrine de la protection des industries dans l’enfance s’est prolongée même jusqu’à nos jours, comme une politique protectionniste ou bien comme une exception dans une doctrine de libre-échange.

Le protectionnisme, à côté des objectifs en vue desquels il est mis en place, peut causer quelques inconvénients (qui dépendent du niveau et des modalités de la politique considérée) : la réduction de la variété des produits de consommation comparativement à une situation de libre-échange, la diminution de l’importance et du rôle du pays dans le monde du commerce selon le principe des avantages comparatifs, des difficultés pour le pays d’atteindre le maximum de ses possibilités dans certains domaines.

Au XXe siècle, l’extension du libre-échange après les années 1940, n’a pas totalement éliminé les pratiques protectionnistes ; au cours des années récentes, avec l’avènement de problèmes économiques sérieux découlant de pratiques libre-échangistes, l’idée du protectionnisme a de nouveau attiré l’attention des économistes.