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La mondialisation et la pensée économique

C’est lorsque la mondialisation commence à se constituer effectivement, il y a cinq siècles, que commence à se constituer un savoir nouveau : l’économie. Il importe de passer en revue les conceptions des différentes écoles de pensée économique relativement au commerce international et à la mondialisation. Evidemment, chaque école économique regarde ce phénomène en privilégiant certains aspects qui sont probablement différents de ceux des autres écoles. On le verra, les différentes écoles développent des explications parfois contradictoires fondées sur des points de vue souvent très différents les uns des autres.

On récapitule brièvement, dans ce qui suit, ces explications pour en avoir une connaissance générale, certes sommaire, afin de pouvoir disposer d’éléments de comparaison et de référence utiles pour la suite de la recherche (les descriptions plus complètes de certaines de ces pensées viendront dans la partie de l’histoire de la mondialisation).

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Le mercantilisme1

Le mercantilisme procède d’une vision dynamique de la politique de l’économie nationale ; sa base est constituée par la croyance en l’importance du commerce extérieure et de l’excédent de la balance commerciale comme moyen fondamental de la croissance de l’investissement et de la croissance de la production afin d’enrichir et de développer le pays. L’Etat doit s’occuper de préparer les conditions nécessaires au développement du commerce par les politiques de nature défensive (protectionnisme) et aussi offensive (exportations et industrialisation). Dans cette perspective, l’excédent de la balance commerciale permet de faire entrer de l’or dans le pays (l’or ou d’autres métaux précieux servant de monnaie) ; du fait de la croissance de la masse de monnaie en circulation, les affaires se développent. Ainsi, la croissance des produits et la richesse d'un pays dépendent positivement du stock de métaux précieux qu'il possède lorsque ce stock résulte des excédents commerciaux. Un pays comme l’Espagne a ignoré cela : le pillage des trésors des Amériques l’a précipité dans le décadence du fait des importations récurrentes permises par ces arrivées de métaux précieux.

Dans le mercantilisme, « le prince, dont la puissance repose sur l’or et sa collecte par l’impôt, doit s’appuyer sur la classe de marchands et favoriser l’essor industriel et commercial de la nation afin qu’un excédent commercial permette l’entrée des métaux précieux ».2

Aujourd’hui, l’idée du mercantilisme donne lieu à des débats, notamment à propos de la mondialisation.

Le protectionnisme

C’est une politique interventionniste d’inspiration mercantiliste ; le protectionnisme est opposé au libre-échange. La base de cette politique consiste à protéger les producteurs et les entreprises (ou peut-être un ou quelques secteurs particuliers) du pays, face à la concurrence étrangère, pour développer ses propres forces de production, stabiliser la situation de l’emploi ou résoudre le problème du déficit commercial et, surtout, il s’agit de l’aspect « agressif » du protectionnisme, pour gagner des parts de marché aux dépens des autres.

L’Etat, pour mettre en pratique le protectionnisme, utilise certains outils qu’on peut classer, en général, dans deux groupes :

(i) freiner les importations et empêcher les investisseurs étrangers de prendre le contrôle d’entreprises nationales (par la mise en place de taxes, de tarifs

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Il n’y a pas « un » mais « des » mercantilismes. De façon implicite, le mercantilisme ébauché ici est celui qui est théorisé par William Petty.

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douaniers, de normes concernant les importations, de limitations directes ou indirectes ou d’interdiction des importations) ;

(ii) du contrôle des changes et des mouvements de capitaux et l’encouragement aux exportations (par des aides ou des subventions à l’exportation, des dévaluations de la monnaie, le dumping qui est un protectionnisme offensif).

L’école classique

L’école « classique » est variée ; elle offre une vaste littérature touchant à de nombreux domaines de la pansée économique. Son principe fondamental, par rapport du commerce international, est de défendre l’idée du libre-échange. Dans les pensées classiques, le commerce est bon pour tous. Il donne lieu à la théorie des avantages absolus (développée par Adam Smith) et à celle des avantages comparatifs (développée par David Ricardo, appelée aussi la théorie ricardienne). En réalité, dans ces constructions, la spécialisation et l’échange entre les pays, découlent de l’existence de différences de productivité entre eux.

D’après Ricardo, le seul facteur de production est le travail et ce facteur est mobile à l’intérieur du pays, mais immobile internationalement. Selon le modèle de Ricardo, dans le commerce international, sur la base des avantages comparatifs, les pays sont toujours gagnants à l’échange ; les échanges conduisent à une meilleure utilisation du facteur de production, avec plus de productivité ; la production est donc plus efficace.

Le libre-échangisme

Cette doctrine procède assez largement d’un libéralisme extrême, « laissez faire, laissez passer ». Le libre-échangisme croit au libre-échange et à la suppression des obstacles commerciaux (douaniers ou non-douaniers) pour permettre une circulation libre des biens et services entre les nations. Cette doctrine s’étend parfois aussi aux mouvements de travailleurs ou de capitaux ; ce n’est pas le cas dans son sens strict.

Le système du libre-échange est dérivé des théories économiques classiques de la division du travail et de l’avantage comparatif. Les libre-échangistes croient que le résultat des échanges permet une croissance économique maximale et assure la richesse à tous les pays qui acceptent le libre-échange, qui lèvent tous les obstacles mis au commerce.

La pensée néo-classique

La théorie néoclassique du commerce international est plutôt connue par le modèle de Heckscher-Ohlin-Samuelson (HOS) (malgré des différences qui existent entre ce modèle et la théorie néoclassique). Selon ce modèle, les échanges internationaux sont déterminés par

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des différences de dotation dans les facteurs de production (comme les capitaux et les travailleurs). Les résultats du modèle HOS pour les échanges internationaux sont que :

 Chaque pays se spécialise partiellement dans la production du bien pour lequel il est relativement le mieux doté en facteurs de production que requiert la production de ce bien.

 Les prix relatifs des biens et des facteurs de production s’égalisent entre les pays.

 En raison de la relation entre les prix relatifs des biens et des facteurs de production, le prix relatif du facteur relativement le plus abondant dans chaque pays augmente, et le prix relatif du facteur relativement le plus rare diminue (par exemple, les salaires doivent augmenter dans les pays en développement et baisser dans les pays développés).

On doit souligner que ces résultats théoriques sont obtenus sous des hypothèses très restrictives et qu’ils ne correspondent pas à ce qu’on peut observer empiriquement.

Le keynésianisme

Les idées de John Maynard Keynes, qui constituent la base des idées « keynésiennes », ont évolué, au cours de la vie de ce grand auteur en ce qui concerne le commerce international. Il est possible d’avancer que cette évolution s’est faite dans le sens des idées libre-échangistes qui sont remplacées, progressivement, par des conceptions protectionnistes : Keynes avait su tirer les leçons de la crise de 1929. Toutefois, dix ans avant, lors de la Conférence de Paris, il s’intéressait aux questions économiques internationales. Dans son livre intitulé « Les conséquences économiques de la paix » (il s’agit de la paix de Versailles, en 1919), il insiste sur le fait qu'il manque une organisation économique de la paix.1 Il met l’accent sur les liens entre le commerce international et la paix ; d’après lui, le commerce aboutit à la prospérité qui elle-même suscite la modération et l’ordre2. Il insiste sur l’importance des arrangements économiques notamment en ce qui concerne les dettes de guerre et les réparations dans la poursuite de la paix. Durant cette période des années 1920, il est plutôt en faveur du libre-échange ; au cours des années suivantes, ses idées changent du libre-échange fondé sur les avantages abstraits du « laissez- faire » à un protectionnisme fondé sur des opportunités et les avantages concrets d’une telle politique. Il va, en effet, s’orienter de plus en plus vers le protectionnisme et un système monétaire international qui permette des politiques de plein emploi, pour que le commerce puisse être favorable à la paix et à la prospérité.

1 John Maynard Keynes, (1920), « Les conséquences économiques de la paix », Nouvelle Revue française 2 Cette façon de voir est imprégnée des idées libérales du 18ème siècle, notamment de celles de Montesquieu.

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Si on veut résumer la pensée de Keynes, on peut considérer la description qu’en donne Donald Markwell pour qui Keynes, au niveau international, est un libéral institutionnaliste à mi-chemin entre le libéralisme de « laissez-faire » et le socialisme.1

Le néo-keynésianisme

L’objectif de l’école néo-keynésienne est, en effet, de réaliser la synthèse entre les idées des néoclassiques et de celles de Keynes. Toutefois, on doit souligner que les idées des néokeynésiens sont plus proches de celles des néoclassiques, dont ils s’inspirent largement dans plusieurs domaines, y compris le commerce international, que de celles de Keynes.

Parmi les travaux majeurs de cette école concernant le commerce international, on peut considérer le modèle des dotations factorielles de Paul Samuelson et l’extension du modèle IS-LM pour le faire fonctionner en économie ouverte par Robert Mundell.

Le néo-libéralisme

L’école néolibérale comprend des analyses multidimensionnelles inspirées de la pensée libérale ; ses principes essentiels sont de protéger l’économie de marché, la liberté de l’individu, de promouvoir l’efficacité économique par la régression du secteur public au profit du privé. Dans le domaine du commerce international, elle suit quasiment les même objectifs que ceux auxquels sont attachés les auteurs classiques, néo-classiques et libéraux : la liberté du commerce, l’ouverture des marchés mondiaux dans les divers domaines (marchandises et services), la suppression des barrières nationales. Ainsi, un effet des politiques néolibérales est de développer la capacité à échanger et de faire circuler du capital dématérialisé (les actions) sur un marché mondial.

L’économiste John Williamson résume en 10 points les propositions du « consensus de Washington »2 dont on peut dire qu’il rassemble des idées des néolibérales. Ces points contiennent les propositions sur des modifications à apporter au fonctionnement des marchés et du système fiscal, sur les privatisations, mais aussi sur les politiques commerciales. Sur ce point, les recommandations sont les suivantes :

 Promouvoir l’existence d’un taux de change unique, compétitif et flexible entre les monnaies ;

 Promouvoir la libéralisation du commerce extérieur, pour encourager la compétition et la croissance à long terme par la suppression des quotas à l’importation ou à l’exportation, l’abaissement et l’uniformisation des taxes douanières, etc. ;

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Donald John Markwell, (2006), « John Maynard Keynes and international relations: Economic paths to war and peace », Oxford University Press

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 L’élimination des barrières aux investissements directs de l’étranger, par la libre circulation des capitaux afin de favoriser l’investissement.1