Unicité des mesures de Gibbs. Nous pouvons énoncer notre résultat principal, qui implique en particulier le théorème8:
Theorème 7.1.24. Soit (Π, M,B,CP1,F ) un fibré feuilleté projectif dont la base B est une variété close
portant un flot d’Anosov topologiquement mélangeant ϕtde classe C2. Supposons que les feuilles soient
localement isométriques à la base, et notons Φt: M →M le flot hyperbolique feuileté relevé. Supposons
de plus qu’il n’y ait aucune mesure sur CP1invariante par l’action du groupe d’holonomie. Alors pour
tout potentiel Hölder F : B →R, il existe une unique mesure de Gibbs pour Φtassocié au relevé F : M →R.
De plus, cette mesure est donnée par µ+
F.
Preuve. Nous savons par le corollaire7.1.7que µ+
F est une mesure de Gibbs associé à F .
Nous savons également que toute mesure de Gibbs µ pour Φt associé à F se projette sur µF. Puisque toute composante ergodique d’une mesure de Gibbs est encore une mesure de Gibbs (voir le théorème6.1.2), le théorème7.1.5entraîne donc l’alternative suivante. Soit µ−
F est une mesure de Gibbs associée à F , ou alors µ+
Fest la seule.
Par la proposition7.1.11, le premier choix est exclu puisque la désintégration de µ−
Fest singulière par rapport à (Wu, ¯λuF,x). Ceci nous permet de conclure la preuve du théorème. ä
Uniques ergodicités des feuilletages invariants. Nous voulons obtenir l’unicité à constante mul- tiplicative près des familles de mesures (ν+
ensembles des sections locales des feuilletages instable et stable, pour lesquelles les relations (7.1.1) et (7.1.2) ont lieu. Par souci de commodité pour le lecteur, nous rappelons ces relations :
dhholuT1→T2∗ ν+ F,T1 i dν+ F,T2 (x) = exp ·ˆ ∞ 0 (F ◦ Φ−t (holuT2→T1(x)) − F ◦ Φ−t(x)) ¸ = ¯kFu(x,holuT1→T2(x)). (7.1.3)
pour T1,T2∈ T+, et x dans le domaine d’une application d’holonomie holuT2→T1.
dhholsT1→T2∗ ν− F,T1 i dν− F,T2 (x) = exp ·ˆ ∞ 0 (F ◦ Φt (holTs2→T1(x)) − F ◦ Φt(x)) ¸ = ¯kFs(x,holsT1→T2(x)). (7.1.4)
pour T1,T2∈ T−, et x dans le domaine d’une application d’holonomie holuT2→T1.
Nous énonçons à présent notre résultat principal.
Theorème 7.1.25. Soit (Π, M,B,CP1,F ) un fibré feuilleté projectif dont la base B est une variété close
portant un flot d’Anosov topologiquement mélangeant ϕtde classe C2. Supposons que les feuilles soient
localement isométriques à la base, et notons Φt: M →M le flot hyperbolique feuileté relevé. Supposons
de plus qu’il n’y ait aucune mesure sur CP1 invariante par l’action du groupe d’holonomie. Soit F :
B →R un potentiel Hölder. Alors, à une constante multiplicative près, il existe deux uniques familles de
mesures (ν+
T)T ∈T+ et (ν−T)T ∈T−définies respectivement sur les sections transverses locales à Wuet Ws
qui satisfont aux relations (7.1.3) et (7.1.4).
De plus, sur les systèmes complets de transversales locales donnés par Tcs(p) = Π−1(Wcs
loc(p)) et
Tcu(p) = Π−1(Wcu
loc(p)), elles sont données respectivement par νcsF,p= σ+∗ λcsF,pet νcuF,p= σ−∗ λcuF,p(voir
la proposition7.1.6).
Nous allons raisonner par l’absurde. Supposons par exemple l’existence d’une autre mesure (i.e. singulière à celle définie par la proposition7.1.6) notée (ν+
T)T ∈T+existe. Nous considérons alors dans
la base B un atlas feuilleté pour Wu, noté (V
i,φi)i ∈I, avec un système complet de transversales formé de variétés centre-stables locales (Wloccs(pi))i ∈I. Supposons de plus que pour 0 ≤ t ≤ 1, les itérées
ϕ−t(Vi) forment également un atlas feuilleté pour Wu, et trivialisent le fibré. Alors, si Ui = Π−1(Vi) et Ti = Π−1(Wloccs(pi)), les Φ−t(Ui), 0 ≤ t ≤ 1 forment des atlas feuilletés pour Wu associés aux sys- tèmes de transversales Φ−t(Ti).
Lemme 7.1.26. Il existe une mesure de probabilité µ sur M qui en restriction à Ui est obtenue par
intégration contre ν+
Ti des mesures ¯ψ
u F,xi¯λ
u
F,xi (xi∈ Ti). De plus, µ se projette sur µF et est singulière par
rapport à µ+
F.
Preuve. Définissons une mesure sur chaque Ui comme suggéré dans l’énoncé. Le problème est de voir que ces mesures peuvent être recollées ensemble. Mais puisque les mesures ν+
Ti satisfont à la
condition de cocycle (7.1.3), nous avons par définition de ¯ψuF,x, pour tous i , j tels que Ui∩Uj6= ; :
d[holuTi→Tj∗ ν+ Ti] dν+ Tj = ¯ ψuF,xj ¯ ψuF,xi◦ holuTj→Ti.
Par conséquent, ces mesures peuvent bien être recollées, et µ est bien définie.
Nous devons maintenant voir que Π∗µ = µF. Ceci est dû au résultat d’unicité donnée au théorème
2.1.2. En effet, la fibration commute avec les holonomies instables, donc la projection de (ν+
B vérifie la relation de cocycle (2.1.4). Nous savons que dans ce cas, la famille est proportionnelle à (λcs|Wcs
loc(pi))i ∈I (après renormalisation, nous pouvons supposer qu’elles sont égales). Par définition
de µ, sa projection sur B est donc localement définie par intégration contre λcs
|Wloccs(pi)des mesures
ψuF,p
iλ
u
F,pi. C’est la structure de produit local de µF. Nous avons donc ce que nous voulions.
Finalement, puisque les deux mesures µ+
Fet µ induisent par hypothèse sur les transversales à W cu des mesures singulières, elles sont singulières. La preuve est donc terminée. ä La mesure µ n’est pas a priori invariante par le flot Φt. Nous allons voir que pour tout t ≥ 0, Φ−t∗µ possède un système de mesures transverses qui satisfont la relation de cocycle (7.1.3), et ont égale- ment une désintégration absolument continue par rapport à (Wu, ¯λuF,x), avec des densités uniformé- ment log-bornées. une fois que nous saurons cela, nous ferons la moyenne des itérations négatives de µ par le flot. Nous verrons qu’un point limite est encore singulier par rapport à µ+
F, et se projette encore sur µF : elle doit être égale à µ−F. Mais alors, nous déduisons que µ−F est ne mesure de Gibbs associée au potentiel F , contredisant le théorème7.1.25. Nous avons donc deux lemmes à prouver avant de venir à bout du théorème7.1.25.
Lemme 7.1.27. Pour tout t ≥ 0, il existe une famille de mesures (ν+
−t,T)T ∈T+définie sur la famille T+
des transversales locales à Wutelle que :
1. (ν+
−t,T)T ∈T+vérifie la relation (7.1.3) pour tout couple T1,T2∈ T+;
2. Φ−t∗ µ est localement obtenue par intégration contre ν+−t,T des mesures ¯ψuF,x¯λuF,x, x ∈ T . En par-
ticulier, Φ−t∗µ a une désintégration absolument continue par rapport à (W
u
, ¯λuF,x) avec des den-
sités locales uniformément log-bornées.
Preuve. Considérons tout d’abord le cas où t ∈ [0,1]. Φ−t∗ µ possède alors une désintégration dans les plaques Φ−t(Ui) par rapport à Φ−t∗ ν+Ti. Les mesures conditionnelles sont données par ( ¯ψ
u F,xi◦
Φ−t)(Φ−t∗ ¯λuF,xi).
Notons que dans ce cas, la famille de mesures Φ−t∗ ν+Ti ne satisfait pas à la relation (7.1.3), mais
à une relation analogue. Puisque le flot commute avec l’holonomie instable, cette famille vérifie les relations de cocycles suivantes (pour y⋆∈ Φ−t(T⋆), ⋆ = i, j appartenant à la meme variété instable locale) : dhholuyi→yj∗ (Φ−t∗ ν+Ti) i dΦ−t∗ ν+Tj (yj) = exp ·ˆ ∞ −t (F ◦ Φ−s(yi) − F ◦ Φ−s(yj))d s ¸ .
Nous pouvons alors renormaliser la famille Φ−t∗ν+Tien la multipliant par exp
h´t
0(F ◦ Φs(yi) − P(F ))ds i
, obtenant ainsi une famille de mesures (ν+
−t,Φ−t(Ti))i ∈I vérifiant la relation (7.1.3). Puisque la fibration
Π commute avec les flots, et avec les transformations d’holonomie instable, et µF est invariante par
ϕt, nous déduisons que Φ−t∗ µ se projette sur µF, et que la famille (ν+−t,Φ−t(Ti))i ∈I se projette sur (λcs
|ϕ−t(Wloccs(pi)))i ∈I.
Si l’on désintègre la mesure Φ−t∗µ dans Φ−t(Ui) par rapport à ν+−t,Ti, les nouvelles mesures condi- tionnelles sont obtenues à partir des anciennes en divisant par l’exponentielle ci-dessus. Ce faisant, nous voyons qu’elles sont données par ¯ψuF,yi¯λuF,yi (avec yi ∈ Φ−t(Ui)). En effet, ce fait vient directe- ment de l’invariance de µF par le flot : pour voir que la relation
( ¯ψuF,Φt(yi)◦ Φ−t)(Φ−t∗ ¯λuF,Φt(yi)) = exp ·ˆ t 0 (F ◦ Φs (yi) − P(F ))ds ¸ ¯ ψuF,yi¯λuF,yi
a lieu, il s’agit d’écrire dans les coordonnées données par la structure de produit local l’invariance de
µF, et de remarquer que les densités ¯ψuF,x, et les mesures ¯λuF,x sont les relevés de ψuF,p et λuF,p définis dans la base. Si cette relation a lieu en bas, elle aura encore lieu en haut.
Résumons : pour tout t ∈ [0,1], Φ−t∗ µ est localement obtenu par intégration contre ν+−t,Φ−t(Ti)
des mesures ¯ψuF,x¯λuF,x. Puisque les transversales (Φ−t(Ti))i ∈I forment un système complet de trans- versales, nous pouvons construire la famille (ν−t,T)T ∈T+(voir notre lemme1.3.4). Les densités dans
les variétés instables locales sont de plus uniformément log-bornées indépendamment de t ∈ [0,1]. Nous pouvons à présent raisonner par récurrence sur n et prouver que pour tout t ∈ [n,n+1], une telle famille de mesure existe. L’hérédité est évidente : une fois qu’on a construit une telle famille de mesures pour n, nous construisons comme précédemment pour tout t ∈ [0,1] une famille de mesures ³
ν+−(n+t),Φ
−t(Ti)
´
i ∈I qui convient sur le système de transversales complet Φ−t(Ti).
Puis par une autre adaptation de notre lemme1.3.4, nous obtenons la famille de mesures désirée, que nous notons (ν−(n+t),T)T ∈T+, achevant ainsi la preuve. ä
Lemme 7.1.28. Les mesures µTconvergent vers µ−F lorsque T tend à l’infini, où :
µT= 1
T
ˆ T
0 Φ−t∗ µd t. Preuve. La mesure µ est singulière par rapport à µ+
F, et elles se projettent toutes deux sur µF. Cela signifie que les mesures conditionnelles dans les fibres sont singulières. Si (µp)p∈Bdésigne la désinté- gration de µ dans les fibres, cela entraîne que pour µF-presque tout p ∈ B, µp(σ+(p)) = 0. Ainsi, pour
µF-presque tout p ∈ B, et µp-presque tout point x ∈ Vp, 1/T´0TδΦ−t(x)d t converge vers µ−F à mesure
que T croît indéfiniment (voir la proposition7.1.5).
Ainsi, cette convergence a lieu pour µ-presque tout x ∈ M. Une application du théorème de convergence dominée nous permet alors de conclure la preuve. ä
Fin de la preuve du théorème7.1.25. Comme nous l’avons expliqué au début de notre argument, les deux lemmes énoncés précédemment mènent tout droit à une contradiction. En effet, par le lemme7.1.27, les mesures µTdefines dans le lemme7.1.28ont des désintégrations absolument conti- nues par rapport à (Wu, ¯λu
F,x) avec des densités locales uniformément log-bornées. Cela entraîne que la mesure limite µ−
F, possède également une désintégration absolument conti- nue par rapport à ce couple, contredisant ainsi la proposition7.1.11. Ainsi, le théorème 7.1.25est
prouvé. ä.