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Définition. Soit B et V deux variétés différentiables connexes. Considérons un fibré localement tri- vial (nous omettrons cette précision dans la suite pour simplifier la présentation) Π : M →B de base

B, et de fibre V . Cela signifie que Π est une submersion dont toutes les fibres Vp= Π−1(p) sont dif-

féomorphes à V , et tel qu’il existe un atlas localement fini de B, noté (Ui,φi)i ∈I, qui trivialise le fibré. C’est-à-dire que le diagramme suivant commute :

Π−1(Ui) φi // Π  Ui×V pr1  Ui I d //Ui ,

et que les changements de coordonnées sont de la forme φj◦ φ−1i (p, x) = (p,τi j(p)(x)), p ∈ Ui∩Uj,

x ∈ V , où

τi j: Ui∩Uj→Diff(V ).

L’ensemble {τi j(p)|i, j ∈ I, p ∈ Ui∩Uj} engendre un sous-groupe G ≤ Diff(V ) qui est appelé groupe

structural de la fibration. Si de plus le groupe G est discret, c’est-à-dire si les τi j sont localement

constants, on dit que le fibré est plat.

C’est équivalent au fait que le fibré admette une connexion plate, c’est-à-dire un champ de plans intégrable et transverse aux fibres. Il existe alors un feuilletage F dont les feuilles sont des revête- ments de la base B, et sont transverses aux fibres. Un tel objet sera appelé un fibré feuilleté, et noté (Π, M,B,V,F ).

Représentation d’holonomie. L’holonomie d’un tel feuilletage est décrite par une représentation du groupe fondamental de B dans le groupe des difféomorphismes de V , ρ : π1(B)→Diff(V ) que nous appelons représentation d’holonomie. En effet, si c est un chemin basé en p ∈ B, alors étant donné un point x de la fibre Vp= Π−1(p) il existe par le propriété de relèvements, un unique chemin de la feuille Lx qui se projette sur c et qui commence en x. L’application qui associe à tout point x le point d’arrivée de ce chemin relevé est un difféomorphisme de Fpqui ne dépend que de la classe d’homotopie de c. Cela définit de plus un morphisme contravariant π1(B, p)→Diff(Vp). Ainsi, son inverse, notée ρ, est la représentation qui décrit l’holonomie du feuilletage.

De plus, deux fibrés feuilletés possédant des représentations d’holonomies conjuguées par un difféomorphisme de V sont équivalents : ils sont conjugués par un difféomorphisme des espaces ambiants qui envoie feuille sur feuille.

Suspension. Toute représentation ρ : π1(B)→Diff(V ) se réalise comme représentation d’holono- mie d’un fibré feuilleté par un procédé appelé suspension. En effet il existe une action de π1(B) sur le revêtement universel eB de B par applications de revêtement. Il y a donc une action diagonale de π1(B) sur eB ×V , où l’on agit sur le premier facteur par transformations de revêtement, et sur le second, par ρ.

Il est alors prouvé dans [CL] que le quotient M par cette action diagonale est naturellement muni d’une structure différentiable, ainsi que d’une structure de fibré feuilleté dont la représentation d’ho- lonomie est donnée par ρ.

Exemple 1. Cet exemple est bien connu des dynamiciens : prenons un automorphisme linéaire d’Anosov A : T2→T2sur le tore. Le procédé de suspension exposé ci-dessus fournit donc un feuille- tage de dimension 1 d’une variété résoluble de dimension 3, fibrée en tores au dessus du cercles. Le paramétrage des feuilles par longueur d’arcs du cercle, fournit un flot d’Anosov transitif dont l’appli- cation de retour fibre à fibre coïncide avec l’automorphisme A.

Exemple 2. Nous décrivons le feuilletage canonique d’une surface hyperbolique, que nous aurons à étudier plus loin. Soit Σ une surface de Riemann compacte de genre g ≥ 2. Munir Σ d’une métrique hyperbolique revient, par uniformisation, à prendre une copie Γ de π1(Σ) dans le groupe Isom+(D), des isométries directes du disque muni de la métrique de Poincaré, ainsi qu’un revêtement Π : D→Σ tel que pour tout γ ∈ Γ, Π ◦ γ = Π.

L’action de Γ sur D s’étend alors en une action sur le cercle à l’infini S∞≃ RP1. Nous pouvons alors suspendre cette action, obtenant ainsi une variété de dimension 3 qui fibre en cercles au dessus de la surface Σ, feuilletée par des surfaces de Riemann qui la revêtent toutes. Nous pouvons alors voir que

cette variété suspension s’identifie au fibré unitaire tangent de Σ, et que le feuilletage ainsi obtenu est équivalent au feuilletage centre-stable (ou centre-instable) du flot géodésique de Σ.

Exemple 3. Une présentation de la surface compacte orientable de genre 2 est donnée par : 〈a,b,c,d |[a,b][c,d] = 1〉.

Le groupe engendré par a et c est alors un groupe libre à deux générateurs. Nous pouvons alors considérer des représentations de π1(Σ) qui transitent à travers ce groupe libre, c’est-à-dire à travers le morphisme : ρ : π1(Σ) −→ 〈A,B〉 ≃ F2 a 7−→ A b 7−→ I d c 7−→ B d 7−→ I d

La différence par rapport à l’exemple précédent est que la représentation est loin d’être injective. Le noyau G de cette représentation est énorme : c’est alors un groupe fuchsien libre infiniment en- gendré, et possédant une action minimale sur le cercle. Néanmoins, il y a un bon espoir d’étudier du point de vue ergodique ces représentations qui transitent à travers un groupe libre, parce que ce noyau G a un exposant critique < 1.

Groupe libre de rotations. Nous pouvons prendre par exemple deux matrices de rotation irration-

nelles de la sphère S2qui engendrent un groupe libre, A,B ∈ SO(3). Il y a donc une représentation

ρ : π1(Σ)→〈A,B〉, que l’on peut suspendre. Nous obtenons donc un feuilletage dont toutes les feuilles

sont denses et à croissance exponentielle (elles sont quasi-isométriques au groupe F2), et dont les ap- plications d’holonomie, sont toutes des isométries, et préservent donc la forme d’aire sur la sphère.

Groupe de Schottky. Nous pouvons également suspendre un groupe discret de transformations de

Möbius sur CP1. Soit quatre disques mutuellement disjoints DA, D−1A , DB, D−1B dans CP1, et deux éléments A,B ∈ PSL2(C) tels que A(CP1\ DA−1)⊂DA, B(CP1\ DB−1)⊂DB. Le groupe 〈A,B〉 est alors appelé groupe de Schottky et est un sous-groupe libre et discret de PSL2(C). L’ensemble limite de ce groupe est alors un ensemble de Cantor sphérique.

En suspendant cette représentation, nous obtenons donc un feuilletage par surfaces hyperbo- liques dont toutes les feuilles spiralent autour d’un ensemble minimal dont les intersections avec les fibres sont précisément des ensembles de Cantor sphériques. À la différence de l’exemple ci-dessus il n’y a pas de mesure transverse invariante par holonomie : en effet, les seules mesures invariantes par

A sont les combinaisons convexes des masses de Dirac situées en les droites propres : il y en a une

dans DA(celle associée à la valeur propre de module > 1), et une autre dans DA−1 (celle associée à la

valeur propre de module < 1), et de même pour B. En particulier, il n’existe pas de mesure invariante à la fois par A et B. Cette situation de non existence d’une mesure invariante par holonomie est gé- nérique parmi les représentations projectives de groupe de surfaces.

Action jointe hyperbolique-elliptique. Nous pouvons enfin imaginer un exemple qui semble beaucoup

plus compliqué d’un point de vue ergodique. Nous pouvons considérer, sur le cercle, l’action jointe d’une transformation projective hyperbolique A, et d’une rotation irrationnelle B qui engendrent un groupe libre. Dans ce cas, l’action de 〈A,B〉 sur le cercle est minimale. Mais d’autre part, l’action sur

le cercle ne préserve aucune mesure, parce que l’unique mesure invariante par B est la mesure de Lebesgue, qui n’est pas invariante par A.

Nous pouvons donc suspendre cette représentation de π1(Σ). La différence avec le groupe de Schottky est que le groupe d’holonomie n’est pas discret. Alors qu’il y a une description symbolique tout-à-fait commode pour l’ensemble limite d’un groupe de Schottky, la description symbolique de cette action est beaucoup moins claire. En particulier, nous souhaitons poser la question suivante, à laquelle nous ne sommes pas en mesure de répondre :

Question. Existe-t-il une mesure de probabilités sur 〈A,B〉, par exemple dont le support engendre tout le groupe, telle que la mesure de Lebesgue, ou une mesure équivalente, soit stationnaire pour la chaîne de Markov correspondante ?