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Potentiel et noyau. Les états de u-Gibbs sont associés à un potentiel qu’il est d’usage de noter φu (voir par exemple [BR,Bo2]). Il est défini pour v ∈ T1F :

φu(v) = − d td ¯ ¯ ¯

¯t=0logJacuGt(v).

Le flot géodésique étant de classe Cdans les feuilles, et variant continûment dans la topolo- gie Cavec le paramètre transverse, nous en déduisons que cette fonction est continue dans M, et, comme le fibré instable, varie de façon uniformément Hölder dans les feuilles.

Associé à ce potentiel, il y a un noyau, qui jouera dans la suite le rôle du noyau de Poisson. Soit L une feuille de F , et eL le revêtement universel Riemannien. Nous pouvons relever la restriction φu

|T1L en une fonction eφu: T1L →R. Nous définissons alors sur eL × eL × eL(∞) le noyau suivant :e

ku(z1, z2;ξ) = exp ·ˆ z2 ξ e φu− ˆ z1 ξ e φu ¸ ,

où nous rappelons que la différence des intégrales a la signification suivante. Soit un rayon géodé- sique c qui est asymptote à ξ, alors la limite suivante existe, et ne dépend pas du choix du rayon c et nous pouvons poser par définition :

ˆ z2 ξ e φu− ˆ z1 ξ e φu= lim T →∞ µˆ z2 c(T ) e φu− ˆ z1 c(T ) e φu ¶ .

Lemme 5.3.1. Pour tout triplet (z1, z2,ξ) ∈ eL × eL × eL(∞), nous avons l’égalité suivante :

ku(z1, z2;ξ) = lim T →∞ JacuG −T −βξ(z1,z2)(vξ,z2) JacuG−T(vξ,z1) ,

où vξ,zi désigne le vecteur unitaire basé en zitel que limT →∞G−T(vξ,zi) = ξ.

Il est bien connu que lorsque L est une variété hyperbolique, le potentiel φuest constant égal à la dimension des horosphères, c’est-à-dire d −1, (d étant la dimension des feuilles du feuilletage). Il est aussi bien connu que dans ce cas, le noyau de Poisson sur eL coïncide avec la fonction qui associe à

un triplet (z1, z2,ξ) ∈ eL × eL × eL(∞) la quantité :

e−(d−1)βξ(z1,z2),

où βξreprésente le cocycle de Busemann en ξ. En conséquence, nous avons la proposition suivante : Proposition 5.3.2. Supposons que F soit un feuilletage par feuilles hyperboliques. Alors pour toute

Fonctions φu-harmoniques. Le noyau kujouant le rôle du noyau de Poisson, nous pouvons définir une notion de fonction harmonique associée au potentiel φu.

Définition 5.3.3. Soit eL une variété complète, connexe et simplement connexe dont la courbure section- nelle est pincée entre deux constantes négatives. Nous fixons un point base o ∈ eL. Une fonction positive

h : eL →R+est dite φu-harmonique s’il existe une mesure de Borel finie sur eL(∞), notée η, telle que pour

tout z ∈ eL, l’on ait :

h(z) =

ˆ e L(∞)

ku(o, z;ξ)dη(ξ).

La fonction induite par une fonction φu-harmonique invariante par un sous-groupe discret d’iso-

métries Γ, sur le quotient de eL/Γ est encore appelée φu-harmonique.

Remarque. La notion de fonction φu-harmonique est indépendante du choix du point base o : si

oest un autre point de eL, si η est une mesure de Borel finie sur eL(∞), et si h est la fonction φu- harmonique correspondante, alors on peut écrire pour tout z ∈ eL,

h(z) = ˆ e L(∞) ku(o, z;ξ)dη(ξ), où η(ξ) = ku(o,o;ξ)η(ξ).

Supposons à présent que F soit un feuilletage d’une variété close dont toutes les feuilles sont négativement courbées, et que eL soit le revêtement universel Riemannien de l’une d’elles. Bien que

la feuille ne soit pas compacte, elle se réalise à l’intérieur d’un feuilletage d’une variété compacte, de sorte que sa géométrie possède une certaine récurrence. En particulier, nous avons vu que les feuille- tages (centre-)stable et (centre)-instable sont absolument continus avec des Jacobiens d’holonomies uniformément log-Hölder. Dans ce contexte, nous pouvons prouver la proposition suivante :

Proposition 5.3.4. Soit L une feuille de F , et v ∈ T1L basé en x ∈ L. Nous notons θ(v) l’angle selon

lequel se coupent la variété centre-instable Wcu(v) et la fibre unitaire tangente T1

xL.

Soit T1, T2deux sections transverses au feuilletage centre-instable Wcuincluses chacune dans une

fibre unitaire tangente, telles qu’il y ait une application d’holonomie le long des feuilles centre-instables

holcuT1→T2: T1→T2, qui soit un homéomorphisme. Alors, pour tout w ∈ T2et w′= holcuT2→T1(w) ∈ T1:

dhholcuT1→T2∗ LebT1

i

dLebT2

(w) =sinθ(wsinθ(w))ku(w, w;ξ),

où ξ = cw(∞).

Ici la notation est abusive : il faut choisir des relevés au revêtement universel des points bases de

w et wdans un même domaine fondamental, et évaluer kuen ces points.

Preuve. Soit donc T1, T2deux sections transverses à Wcu, chacune étant incluse dans une fibre uni- taire, et telle qu’il existe une transformation d’holonomie du feuilletage Wcu, holcuT1→T2: T1→T2, qui soit un homéomorphisme.

Nous savons par absolue continuité du feuilletage centre-instable que la transformation préserve la classe de Lebesgue. Mieux, nous en connaissons le Jacobien. Nous avons, pour tout w ∈ T2, si l’on pose w= holcu

dhholcuT1→T2∗ LebT1 i dLebT2 (w) = limt →∞Jac T2G −t−βξ(w,w)(w) JacT1G −t(w′) ,

où pour tout v ∈ Ti, JacTiGt(v) désigne la fonction |det(DGt)| restreinte à l’espace tangent à Tien v. En nous plaçant dans une base formée de vecteurs tangents aux fibres unitaires tangentes, et aux variétés centre-instables, nous pouvons utiliser l’invariance par le flot géodésique de la mesure de Liouville pour prouver que l’on a pour tout w ∈ T2, et tout t ∈ R,

1 =sinθsinθ(w)t(Gt(w))JacT1G

t(w)JaccuGt(w),

où θt représente l’angle selon lequel se coupent en Gt(w) la variété centre-instable Wcu(Gt(w)), et l’image Gt(T2). Remarquons aussi que puisque le flot géodésique est orthogonal aux variétés instables et agit par isométrie le long des orbites, nous avons pour tout t ∈ R, JaccuGt(w) = JacuGt(w).

Nous remarquons également, que lorsque t →∞, l’angle θ−t(G−t(w)) s’approche de plus en plus de l’angle selon lequel se coupent en G−t(w) les variétés stable et centre-instables de w. En particu- lier, par Hölder-continuité des fibrés stables et centre-instables, nous avons , lorsque w= holcu

T2→T1(w),

lim t →∞

sinθ−t(G−t(w))

sinθ−t−βξ(w,w)(G−t−βξ(w,w)w)= 1.

En conséquence, nous avons l’égalité suivante :

lim t →∞ JacT2G −t−βξ(w,w)(w) JacT1G −t(w′) = sinθ(w) sinθ(w)t →∞lim JacuG−t(w) JacuG−t−βξ(w,w)(w) = sinθ(wsinθ(w))ku(w, w;ξ).

Nous pouvons donc conclure la preuve de la proposition. ä Ainsi, si nous définissons sur chaque sphère unitaire tangente Tx1F, x ∈ M, la mesure ωxdont la dentité par rapport à la mesure de Lebesgue est donnée par sinθ(v), v ∈ Tx1F, alors on a, pour tout couple de transversales au feuilletage centre-instable T1,T2incluses chacune dans une fibre unitaire tangente, et tel qu’il existe une application d’holonomie holcuT1→T2 : T1→T2qui est un homéomor- phisme, on a, pour w ∈ T2, basé en x ∈ L, et w′= holcuT2→T1(w), basé en x

∈ L :

dhholcuT1→T2∗ ωx

i

dωx (w) = k

u(x, x;ξ),

où ξ = cw(−∞) . Nous allons en déduire le théorème suivant :

Theorème 5.3.5. Soit (M,F ) une variété feuilletée close dont les feuilles sont courbées négativement.

Alors l’application h0: M →R associant à tout x ∈ M le nombre :

h0(x) = ˆ T1 xF sinθ dLebT1 xF,

Considérons, pour prouver ce théorème, la famille de mesures finies sur eL(∞) induite par (ωx)x∈L. Tout d’abord cette famille peut être relevée de façon naturelle au revêtement universel en une famille que nous notons encore (ωz)z∈eL. Nous rappelons ensuite qu’il existe une identification naturelle, pour

z ∈ eL, πz : Tz1eL → eL(∞), qui associe à tout vecteur unitaire v basé en z, le point πz(v) = cv(−∞). Via

cette identification, τz,z= π−1z ◦πz: Tz1eL →Tz1L est une transformation d’holonomie le long du feuille-e

tage instable.

Ainsi, si νz = πz∗ ωz, nous obtenons, pour tous z1, z2∈ eL, que les mesures νz1 et νz2 sont dans

la même classe (celle que nous appelons classe de visibilité), avec la dérivée suivante, pour tout ξ ∈ e L(∞) : dνz2 dνz1 (ξ) = dωz2 d[τz1,z2∗ ωz1] −1 z2(ξ)) = k u(z 1, z2;ξ). (5.3.12)

Preuve du théorème5.3.5. Tout d’abord, puisque les fibrés centre-instables, et unitaires tangents aux feuilles sont des fonctions continues, l’angle qu’ils forment, θ, ainsi que son sinus, le sont éga- lement. Puisque la métrique varie continûment avec le paramètre transverse, cette intégrale varie continûment avec x ∈ M.

Nous devons prouver qu’en restriction à une feuille L, cette fonction est φu-harmonique. Pour ce faire, nous allons relever h0 au revêtement universel de la feuille L. Nous avons donc une fonction

e

h0qui associe à tout z la masse de la mesure ωz. Or par définition, νz et ωz ont même masse. Une application de la formule (5.3.12) implique alors, après avoir fixé un point base o ∈ eL, que l’on a pour tout z, e h0(z) = mass(νz) = ˆ e L(∞)k u(o, z;ξ)dν o(ξ).

C’est donc que h0est, en restriction aux feuilles, une fonction φu-harmonique. ä Mesures φu-harmoniques. Nous pouvons à présent définir la notion de mesure φu-harmonique pour les feuilletages dont les feuilles sont courbées négativement :

Définition 5.3.6. Soit (M,F ) une variété close feuilletée. Nous la supposons munie d’une métrique

feuilletée de telle sorte que toutes les feuilles de F soient courbées négativement. Une mesure de pro-

babilité m sur M sera dite φu-harmonique si elle a une désintégration équivalente à Lebesgue dans les

feuilles de F , et si les densités locales sont des fonctions φu-harmoniques.

La question de l’existence de telles mesures sera traitée dans le paragraphe suivant. Nous don- nons néanmoins une propriété sur le support des mesures φu-harmoniques.

Lemme 5.3.7. Soit m1et m2deux mesures φu-harmoniques singulières. Alors il existe un ensemble de

Borel X ⊂M tel que, m1(X ) = 1, m2(X ) = 0, et X et est saturé par F .

Preuve. Soit m2une mesure φu-harmonique singulière par rapport à m1. Il existe donc un ensemble de Borel X0⊂ M tel que m1(X0) = 1 et m2(X0) = 0. Puisque les densités des mesures conditionnelles

m1dans les plaques sont > 0, il vient que la famille de mesures induites sur les transversales Ti est quasi-invariante par transformations d’holonomies.

Ainsi, quitte à jeter un ensemble de mesure nulle pour m1, nous pouvons supposer que, lorsque

µ(Ui) > 0, les projections de X0∩Uisur Ti, notées Xisont pleines pour νi ,1, et invariantes par holono- mie dans le sens que pour tout j , τi j(Xi∩dom(τi j)) = Xj∩but(τi j), où dom(τi j) et but(τi j) désignent respectivement le domaine et le but de l’application d’holonomie τi j. Ainsi, si X représente le saturé de X0, pour tout i , Xiest également la projection sur Tide X ∩Ui. D’autre part, puisque X0⊂X , on a m1(X ) = 1.

À présent, il reste à voir que m2(X ) = 0. Nous avons pour tout i, ν2,i(Xi) = m2(X0∩Ui) = 0, donc en particulier, puisque Xi est également la projection de X ∩Ui sur Ti, nous avons m2(X ∩Ui) = 0. ä

Remarque. La propositon précédente n’utilise que le fait que le désintégration des mesures φu- harmoniques est équivalente à Lebesgue dans les feuilles de F , et non une propriété spéciale des densités locales (outre le fait qu’elles soient strictement positives). En conséquence, la conclusion reste valide quelles que soient les mesures qui ont une désintégration équivalente par rapport à Le- besgue dans les feuilles, et quel que soit le feuilletage F (on ne fait pas d’hypothèse de courbure né- gative). En particulier, elle est valide pour les mesures F -harmoniques définies pour les feuilletages suspensions que nous définirons au chapitreVI.

Nous n’avons pas, a priori, de décomposition ergodique pour les mesures φu-harmonique, ou plutôt, elle sera montrée plus tard. Nous pouvons néanmoins prouver le lemme suivant qui nous servira à prouver la correspondance bijective entre mesure φu-harmonique et les états de u-Gibbs pour le flot géodésique feuilleté. Il nous servira à nous restreindre au cas de mesures φu-harmoniques pour lesquelles presque toute feuille rencontre une transversale donnée.

Lemme 5.3.8. Soit A = (Ui,φi)i ∈I un atlas feuilleté pour F , et (Ti)i ∈I un système complet de trans-

versales correspondantes. Alors pour toute mesure φu-harmonique m, il existe une famille de mesures

finies m0,...mk, ainsi que des Boréliens saturés Xi0,...,Xik tels que pour tout j ,

1. Xij∩ Xil= ; pour j 6= l ;

2. mij est une mesure φu-harmonique finie supportée par Xij : en particulier, mij et mil sont sin-

gulières dès que j 6= l ;

3. il existe une transversale Tij telle que µij-presque toute feuille de Xij rencontre la transversale

Tij.

Preuve. Soit m une mesure φu-harmonique pour F . Lorsque m(U

i) > 0, nous posons νila projection de la restriction m|Ui sur Ti. Comme dans la preuve du lemme précédent, on peut supposer l’exis-

tence, pour tout i tel que m(Ui) > 0, d’un ensemble Xide mesure pleine pour νitel que les Xisoient invariants les transformations d’holonomie.

Soit i0un indice tel que m(Ui0) > 0. Nous pouvons définir l’ensemble Xi0 comme le saturé de Xi0,

c’est un ensemble Borélien, sur lequel on peut restreindre m, obtenant ainsi une mesure Borélienne

mij. Nous pouvons alors écrire m = mi0+ m′.

Par définition de Xi0, les mesures mi0 et m= m|cX

i0, sont encore φ

u-harmoniques. Soit alors

m= 0, c’est-à-dire Xi

0 est de mesure pleine pour m, soit nous pouvons appliquer ce raisonnement

à m: ce procédé termine en un nombre d’étapes fini, donnant ainsi les familles de Boréliens et de

mesures désirés. ä