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CHAPITRE V : ORGANISATION TEMPORELLE DES PROCESSUS COGNITIFS DE L’ECRITURE -

III. EXPERIMENTATION : EFFETS DE CONSISTANCE PHONO-ORTHOGRAPHIQUE EN ECRITURE DE MOTS

III.2. Résultats partie 1 : analyse des erreurs

III.2.1. Taux d’erreurs

27 sujets ont écrit les 180 mots. Sur les 4860 productions attendues, 4273 ont été écrites correctement, soit un taux d’erreur moyen global de 12,1 %. Les analyses ont montré que les taux d’erreurs étaient significativement plus importants lorsque l’initiale était inconsistante plutôt que consistante (17,2% vs. 7,0% ; p < .0001) et également lorsque la finale était inconsistante plutôt que consistante (14,4% vs. 9,8% ; p < .0001). L’effet de la longueur des mots n’était quant à lui pas significatif (12,0% pour les mots de 1 syllabe ; 13,2% pour les 2 syllabes et 11,0% pour les 3 syllabes ; p = .39).

Figure V-5 Taux d’erreurs (%) en fonction des trois facteurs de longueur, consistance initiale et consistance finale. Les barres d’erreur représentent l’erreur-type.

III.2.2. Analyse des erreurs

Nous avons souhaité étudier la nature des erreurs produites en se concentrant en particulier sur les erreurs phonologiquement plausibles : erreurs orthographiques lors desquelles le graphème cible est remplacé par un graphème phonétiquement proche ou identique (e.g. mot phase écrit {faze}).

Toutes les erreurs produites ont donc été relevées et catégorisées pour ne conserver que les erreurs phonologiquement plausibles ; ont donc été écartées les déplacements, insertions, substitutions, omissions de lettres ne produisant pas de phonèmes plausibles (13 occurrences),

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les néologismes (pseudo-mots, produits par des sujets n’ayant pas reconnu ou mal compris le mot cible ; 8 occurrences), les ajouts d’accents injustifiés (21 occurrences), ainsi que toute erreur formelle lorsque le mot cible est remplacé par un autre mot de la langue, qu’aucun mot n’est reconnu, ou qu’une rature est survenue sur la production (48 occurrences). 595 erreurs phonologiquement plausibles ont été identifiées, réparties sur 530 mots produits.

Puisque nos mesures de consistance se restreignaient au phonème initial et au phonème final du mot, nous avons séparé les erreurs produites exactement sur l’initiale (221 occurrences), des erreurs produites exactement sur la finale (195 occurrences) et des erreurs à d’autres positions dans le mot (179 occurrences).

Comme attendu, le nombre d’erreurs était nettement plus important sur les séquences que nous avions classées comme inconsistantes : 6 erreurs à l’initiale sur les consistants à l’initiale contre 215 pour les inconsistants (soit 2,7% contre 97,3%), 10 erreurs sur la finale sur les mots consistants sur la finale contre 185 pour les inconsistants (soit 5,1% contre 94,9%). Les erreurs localisées à d’autres positions dans le mot n’apparaissaient pas clairement influencées par nos facteurs de consistance initiale et finale. Seule la longueur du mot augmentait la quantité d’erreurs internes : 21 erreurs sur les mots de 1 syllabe, 54 pour les 2 syllabes et 104 pour les 3 syllabes (voir Table V-8).

Table V-8 : Nombre d’erreurs PPE sur l’initiale, sur la finale et internes, selon la longueur du mot et la consistance initiale et finale

Erreurs PPE sur l'initiale Erreurs PPE sur la finale

Erreurs PPE internes Consistante Initiale Inconsistante Initiale Consistante Finale Inconsistante Finale

1 syllabe 5 79 6 72 21

2 syllabes 1 59 3 88 54

3 syllabes 0 77 1 25 104

Afin de vérifier que ces erreurs consistaient en des « régularisations » d’une relation phonie-graphie inconsistante, nous avons relevé pour chaque erreur la consistance de la relation phonie-graphie échouée (i.e. la « cible ») et la consistance de la relation phonie-graphie alternative réellement produite (de l’erreur). Un test t de Student a été utilisé pour les comparaisons.

Concernant les 221 erreurs portant sur l’initiale, la consistance-type était en moyenne de 0,12 pour la cible contre 0,59 pour l’erreur produite (T(220) = 13,96 ; p < .0001) et la consistance-token était en moyenne de 0,08 pour la cible contre 0,56 pour l’erreur produite (T(220) = 15,42 ; p < .0001). La moyenne de la consistance des graphèmes produits par erreur était donc significativement supérieure à celle des graphèmes cibles (+0,46 en Consistance-type

et +0,48 en Consistance-token). Concernant les 195 erreurs portant sur la finale, la consistance-type était en moyenne de 0,11 pour la cible contre 0,17 pour l’erreur produite (T(194) = 4,49 ; p < .0001) et la consistance-token était en moyenne de 0,11 pour la cible contre 0,24 pour l’erreur produite (T(194) = 6,78 ; p < .0001). La moyenne de consistance des graphèmes produits par erreur était donc significativement supérieure à celle des graphèmes cibles (+0,07 en Consistance-type et +0,13 en Consistance-token). Les valeurs de consistance des cibles et des erreurs selon la position sont rapportées dans la Table V-9 ci-après.

Pour aborder ce résultat d’une manière différente, un delta de consistance a été calculé pour chaque erreur produite : [Consistance-token de l’erreur produite] – [Consistance-token de la cible]. Ainsi, concernant les erreurs PPE sur l’initiale du mot nous pouvons considérer (en utilisant des bornes arbitraires) que 79,2% des erreurs constituaient des régularisations (delta supérieur à +0,10), 10,4% des « dé-régularisations » (delta inférieur à -0,10 ; le graphème choisi est moins « probable » que le graphème cible) et 10,4% des erreurs alternatives (la graphie utilisée par erreur est de même consistance que la graphie correcte ; delta entre -0,10 et +0,10). Concernant les erreurs PPE portant sur la finale du mot, 51,8% des erreurs constituaient des régularisations, 19,5% des « dé-régularisations » et 28,7% des erreurs alternatives (différence de consistance entre +0,10 et -0,10).

Table V-9 : Consistance moyenne, rang moyen et rang médian des couples phonèmes-graphèmes cible et produits par erreur, dans le cas d’erreurs sur l’initiale ou sur la finale.

Erreur sur l'initiale Erreur sur la finale

Cible Erreur Cible Erreur

Consistance-type 0,12 0,59 0,11 0,17

Consistance-token 0,08 0,56 0,11 0,24

Rang moyen 2,7 1,7 6,0 4,1

Rang médian 2,0 1,0 4,0 2,0

Les erreurs produites apparaissent donc comme majoritairement des régularisations ; l’erreur produite est d’une consistance supérieure à la cible échouée. Cependant, du fait de certaines propriétés de la distribution de la consistance décrites précédemment (e.g. consistance finale souvent basse, même parfois pour la graphie la plus consistante), la sélection d’une graphie plus consistante ne se traduit pas nécessairement par un delta de consistance important. Nous avons donc souhaité examiner le rang de chaque graphie utilisée parmi les graphies possibles, notamment pour répondre à l’hypothèse d’une utilisation (dans le cas d’une erreur orthographique) du graphème le plus consistant pour un phonème donné. Ainsi, en classant pour chaque phonème les différentes graphies possibles de la plus consistante à la moins consistante (par exemple pour le phonème / / à l’initiale, on obtiendra : 1. {in} ; 2. {im} ; 3. {ain} ; 4. {hin} ; 5. {ein}), on peut en déduire que les erreurs commises consistaient en la

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production de la graphie supérieure d’un rang (en moyenne) concernant l’initiale et de deux rangs concernant la finale (les rangs moyen et médian des cibles et des erreurs sont aussi rapportés Table V-9). Dans 60% des cas, la graphie produite par erreur était de rang 1 concernant l’erreur sur l’initiale (41% pour l’erreur sur la finale).