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CHAPITRE V : ORGANISATION TEMPORELLE DES PROCESSUS COGNITIFS DE L’ECRITURE -

III. EXPERIMENTATION : EFFETS DE CONSISTANCE PHONO-ORTHOGRAPHIQUE EN ECRITURE DE MOTS

III.1. Matériel et méthode

III.1. Matériel et méthode

III.1.1. Participants

27 sujets adultes francophones (18 femmes, 9 hommes), étudiants à l’université, ne présentant pas de trouble de la perception visuelle ou auditive, ni d’antécédents de trouble neurologique, psychiatrique, ou d’acquisition du langage oral ou écrit, ont participé à cette expérience. Leur âge moyen était de 26,0 ans (± 6,0).

III.1.2. Stimuli

Des listes de mots ont été constituées selon 3 facteurs : leur longueur (1 syllabe vs. 2 syllabes vs. 3 syllabes), leur consistance initiale (« consistant » vs. « inconsistant ») et leur consistance finale (« consistant » vs. « inconsistant »), constituant ainsi 12 sous-catégories. Chacune de ces sous-catégories comporte 15 items, soit un total de 180 items. Les mots considérés étaient tous des noms au singulier, monomorphémiques et ne présentant pas d’homophones. Lors de la constitution de ces listes, nous avons porté une attention particulière à les équilibrer en fréquence lexicale ainsi qu’en fréquence de bigrammes et de trigrammes. Concernant le phonème initial, les mots de la catégorie « consistants » avaient une consistance « token » moyenne de .99 contre .15 pour les inconsistants. Concernant le phonème final, les mots de la catégorie « consistants » avaient une consistance « token » moyenne de .69 contre .14 pour les inconsistants. La valeur de consistance relativement basse des mots consistants sur la finale découle d’une propriété intrinsèque des mots de la langue concernant la finale (consistance moyenne de .25, comme évoqué précédemment). Les caractéristiques linguistiques

des items en fonction de la longueur, la consistance initiale et la consistance finale sont présentées dans la Table V-7 ci-après. La liste des items est disponible Annexe 2.4.

Table V-7 : Caractéristiques linguistiques des items utilisés dans la tâche d’écriture sous dictée (n = 180) en fonction de leur longueur, puis de leur consistance initiale, puis de leur consistance finale. Les valeurs en gras représentent les différences significatives lors d’un test t (e.g. mots consistants vs.

inconsistants à l’initiale). * : p < .05 ; *** : p < .001. Les différences significatives concernant la longueur des mots l’étaient pour chacune des trois différences testées (i.e. 1 vs. 2 syllabes, 1 vs. 3 et 2 vs. 3).

Longueur des mots Consistance initiale Consistance finale 1 syllabe 2 syllabes 3 syllabes Consistant Inconsistant Consistant Inconsistant Nombre de lettres 5,1*** 6,9*** 8,9*** 6,9 7,0 7,0 6,9 Nombre de phonèmes 3,2*** 4,8*** 7,1*** 5,2 4,8 5,1 4,9 Nombre de syllabes 1,0*** 2,0*** 3,0*** 2,0 2,0 2,0 2,0 Fréquence Films (lemmes) 10,5 9,1 8,8 9,5 9,4 10,6 8,3 Fréquence Livres (lemmes) 19,3 18,4 15,8 17,9 17,8 19,1 16,6 Fréquence Films 7,5 6,5 6,9 7,1 6,9 7,8 6,1 Fréquence Livres 13,3 13,6 11,9 13,1 12,7 13,7 12,1 Fréquence de trigrammes (token) 821 1001 826 872 891 863 900 Fréquence de trigrammes (type) 2118 2530 2048 2240 2243 2061 2422 Fréquence de bigrammes (token) 7039 6984 6807 6889 7017 6718 7188 Fréquence de bigrammes (type) 19609 21068 20389 20446 20383 19609 21221 Voisins phonologiques 12,0*** 3,9*** 0,7*** 5,7 5,5 5,4 5,7 Voisins orthographiques 4,2*** 1,1*** 0,4*** 2,1 1,7 2,4* 1,4*

Point d'unicité phonologique 3,2*** 4,7*** 6,2*** 4,9* 4,4* 4,8 4,6 Durée Acoustique 1130*** 1350*** 1608*** 1365 1360 1475* 1250*

Consistance Initiale (type) 0,55 0,58 0,60 0,98*** 0,17*** 0,58 0,57 Consistance Initiale (token) 0,55 0,58 0,57 0,99*** 0,15*** 0,57 0,56 Consistance Finale (type) 0,31 0,31 0,32 0,29 0,33 0,50* 0,12*

Consistance Finale (token) 0,40 0,41 0,44 0,40 0,44 0,69* 0,14*

Les stimuli, prononcés par une locutrice avec un accent et une intonation neutres, étaient enregistrés dans les mêmes conditions que lors de l’expérimentation précédente.

III.1.3. Procédure

Il s’agissait là encore d’une tâche de production écrite sous dictée de mots isolés. Le matériel et le dispositif utilisés étaient les mêmes que précédemment. Une feuille de papier A4 présentant 45 cadres rectangulaires et placée face au sujet était destinée à recueillir les productions (4 feuilles étaient utilisées pour la production des 180 mots requis).

Contrairement à l’expérimentation précédente, les participants déclenchaient ici eux-mêmes l’apparition du stimulus auditif en pressant un bouton sur la tablette avec leur main gauche. Celui-ci survenait après une latence d’une seconde. L’essai suivant ne débutait pas avant

Chapitre V – Organisation temporelle des processus cognitifs de l’écriture : approche psycholinguistique

que le participant n’ait à nouveau pressé le bouton. Ce dispositif était utilisé afin de mieux tenir compte des variabilités interindividuelles (certains participants étant plus rapides que d’autres, l’existence d’une limite temporelle pour chaque production était susceptible d’affecter les productions de certains) et d’éviter la mise en place d’un « critère de réponse » (sous la forme d’un rythme régulier) risquant d’ « uniformiser » les temps de réactions (voir par exemple les résultats de Meyer et al., 2003 montrant une disparition de l'effet de longueur à l'oral lorsque mots courts et longs étaient mélangés au sein des mêmes blocs).

Comme précédemment, après un bloc d’entraînement de 8 items permettant au participant de se familiariser avec le dispositif, les 180 stimuli étaient présentés en blocs de 45 stimuli, séparés par des pauses.

III.1.4. Analyse des données

L’analyse des données obtenues a été réalisée en deux étapes, guidées par des objectifs différents. Dans un premier temps, nous souhaitions fournir une analyse quantitative et qualitative des erreurs produites (afin de valider expérimentalement l’analyse de consistance présentée section II de ce chapitre). Tout d’abord, pour tester les effets de la consistance initiale, de la consistance finale et de la longueur des mots sur le taux d’erreur, des tests non paramétriques pour échantillons appariés ont été appliqués (test de Wilcoxon et ANOVA de Friedmann). L’analyse détaillée des erreurs, consistant notamment à isoler et comptabiliser les erreurs phonologiquement plausibles produites exactement sur les séquences manipulées (initiale ou finale), est développée dans la section III.2.2 ci-après.

Dans un second temps, les analyses de la dynamique de l’écriture (latences et vitesses moyennes) ont comme précédemment (cf. section I.2.5 de ce chapitre) été réalisées sous R (R Development CoreTeam, 2009) en utilisant les packages lme4 (construction du modèle), lmerTest (table d’ANOVA des effets) et lsmeans (tests post-hoc HSD de Tukey). Les facteurs Sujet et Item était inclus dans le modèle en tant qu’effets aléatoires. En tant qu’effets fixes, les facteurs Longueur (1 syllabe vs. 2 syllabes vs. 3 syllabes), Consistance-initiale (Consistant vs. Inconsistant), Consistance-Finale (Consistant vs. Inconsistant) et leurs interactions ont été inclus. Pour l’analyse des latences uniquement, l’effet simple de la durée acoustique du stimulus était inclus en tant que covariable (ce qui permettait d’améliorer la qualité de l’ajustement par rapport au modèle ne l’incluant pas : χ² = 20,97 ; p < .0001).

En outre, une analyse visant à évaluer les effets de nos facteurs sur l’évolution de la vitesse d’écriture au sein de chaque production a été introduite. La méthode employée est détaillée dans la section III.3.3.1 ci-après.