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CHAPITRE V : ORGANISATION TEMPORELLE DES PROCESSUS COGNITIFS DE L’ECRITURE -

I. EXPERIMENTATION PRELIMINAIRE : EFFETS DE REGULARITE EN ECRITURE DE MOTS SOUS DICTEE

I.3. Résultats

I.3.1. Erreurs

Les productions des sujets ont été examinées pour en recenser les différentes erreurs. Celles-ci représentaient 14,3% des essais. Les erreurs phonologiquement plausibles représentaient ainsi 83% des erreurs, 8,7% des erreurs étaient des remplacements du mot cible par un autre mot de la langue (mauvaise identification du stimulus), 3% des productions de pseudo-mots ou de mots non identifiables, 2,6% des réponses incomplètes et 2,6% des absences de réponse (le taux d’erreur dans chaque condition est présenté dans la Figure V-2).

Les analyses ont ainsi montré que les taux d’erreurs étaient significativement plus important pour les mots courts que pour les longs (15,4% vs. 12,1 % ; p < .02), et plus importants pour les mots irréguliers que pour les mots réguliers (17,5% vs. 10,0% ; p < .02). Les ANOVA de Friedman incluant les facteurs Régularité et Position (p < .0001) puis Régularité et Longueur (p < .0001) suggéraient que le taux d’erreur était modulé par ces facteurs ; ainsi le taux d’erreur pour les mots irréguliers à l’initiale (22,6%) était supérieur au taux d’erreurs de chacune des trois autres catégories de mots (Réguliers-Initiale : 6,0%, pcorrigé < .0002 ; Réguliers-Finale : 13,9%, pcorrigé < .004 ; Irréguliers-Finale : 12,5%, pcorrigé < .003). De même, le taux d’erreur pour les mots courts et irréguliers (22,6%) était supérieur au taux d’erreurs de chacune des

2 La formule utilisée sous R était donc de la forme suivante :

trois autres catégories de mots (Courts-Réguliers : 8,2%, pcorrigé < .0002 ; Longs-Réguliers : 11,8%, pcorrigé < .0003 ; Longs-Irréguliers : 12,5%, pcorrigé < .0003).

Figure V-2 Taux d’erreurs (%) en fonction des trois facteurs de régularité, position et longueur. Les

barres d’erreur représentent l’erreur-type.

Pour étudier plus en détail les liens entre la régularité et les erreurs produites, nous nous sommes intéressés aux erreurs orthographiques phonologiquement plausibles (PPE) qui concernaient spécifiquement la séquence d’intérêt, c’est-à-dire, le premier phonème pour les mots de la condition Position Initiale (e.g. mot certitude orthographié sertitude) et le dernier phonème pour les mots de la condition Position Finale (e.g. mot plomb orthographié plon). 154 erreurs de ce type ont été identifiées (voir Table V-2); 101 sur les graphèmes irréguliers contre 53 sur les graphèmes réguliers. De plus, 76% des erreurs produites sur les irréguliers consistaient en la production, par erreur, du graphème défini comme régulier.

Table V-2 : Nombre d’erreurs PPE localisées sur la séquence d’intérêt, en fonction des trois facteurs de régularité, position et longueur.

Réguliers Irréguliers

Initiale Finale Initiale Finale

Mots Courts 0 25 44 13

Mots Longs 8 20 28 16

Les résultats sur les taux d’erreurs globaux suggéraient une interaction entre la régularité et la position. Les résultats d’un Chi² d’indépendance sur la quantité d’erreurs PPE localisées sur les séquences d’intérêt montre là encore une relation entre l’effet de l’irrégularité

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et la position de celle-ci (χ² = 43,97 ; p < .0001, voir Table V-3). L’effet de l’irrégularité sur ce type d’erreurs était visible sur l’initiale mais pas sur la finale.

Table V-3 : Table de contingence du nombre d’erreurs PPE localisées sur la séquence d’intérêt en fonction des facteurs de régularité et de position.

Initiale Finale Total

Réguliers 8 45 53

Irréguliers 72 29 101

Total 80 74

I.3.2. Latences d’écriture

Les analyses ont été effectuées sur les latences des essais corrects (voir moyennes et écart-types Table V-4) : 1426 essais sur 1664 (85,7 %), après suppression des latences aberrantes (supérieures à 2000 ms ou inférieures à 400 ms) : 39 items, soit 2,7%). Les données brutes (moyennes et écart-types) par condition sont présentées dans la Table V-4.

Table V-4 : Moyennes des latences (et écart-types), en fonction des trois facteurs de régularité, position et longueur (en ms).

Réguliers Irréguliers

Initiale Finale Initiale Finale

Mots Courts 1097 (243) 1047 (233) 1189 (239) 1015 (172)

Mots Longs 1134 (229) 1079 (213) 1153 (197) 1044 (202)

Après construction d’un premier modèle (incluant les 3 principaux facteurs fixes et leurs interactions, le facteur fixe de durée acoustique du stimulus3 et les deux facteurs aléatoires), nous avons supprimé du modèle final les données dont les résidus standardisés excédaient 2,5 écart-types. Cette procédure permet d’éliminer les outliers éventuels en évitant les problèmes liés à un screening a priori trop strict qui négligerait la forme de la distribution des latences (procédure issue de Baayen & Milin, 2010 ; voir Chapitre IV). Cette procédure a conduit à la suppression de 35 points de données supplémentaires (soit 2,6 %).

3 Un test du rapport de vraisemblance (« likelihood ratio test ») comparant ce modèle avec un modèle plus simple n’incluant pas la durée acoustique comme covariable montrait que la qualité de l’ajustement était meilleure dans le premier (χ² = 21,8 ; p < .0001). De plus, la corrélation entre la latence moyenne et la durée acoustique était significative : Pearson r = 0.54, p < .001.

Les effets de la Longueur (moyennes ajustées de 1139 ms pour les mots Courts contre 1081 ms pour les mots Longs ; F(1, 52) = 5,46 ; p < .03), de la Position (1138 ms pour les mots de la catégorie Initiale contre 1081 ms pour les mots de la catégorie Finale ; F(1, 51) = 6,10 ; p < .02) et de durée acoustique (F(1, 51) = 32,6 ; p < .0001) étaient significatifs.

Une interaction significative entre la Régularité et la Position était présente (F(1, 51) = 6,72 ; p < .02) traduisant4 des latences plus longues lorsque les mots étaient irréguliers à l’initiale (1178 ms) par rapport aux mots irréguliers sur la finale (1066 ms ; T(56) = 3,56 ; p < .0008) et par rapport aux mots réguliers à l’initiale (1098 ms ; T(55) = 2,64 ; p = .02) (voir Figure V-3).

Figure V-3 : Interaction entre la régularité et la position sur les latences. Moyennes ajustées issues du modèle intégrant l’effet de la durée acoustique du stimulus. On constate un impact négatif de

l’irrégularité apparaissant lorsque celle-ci est présente sur l’initiale (+81 ms) mais pas sur la finale (-30 ms), et se manifestant par une différence de latences entre les mots irréguliers sur l’initiale et irréguliers sur la finale (+112 ms). Les barres d’erreurs représentent l’erreur-type. n.s. : non significatif, * : p <.05, ** : p < .01 .

4 Seules les comparaisons pertinentes étaient testées lors des tests post-hocs : effet de régularité au sein de la catégorie Initiale ou Finale, puis effet de position au sein de la catégorie Réguliers ou Irréguliers. La formule employée sous R était la suivante:

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I.3.3. Vitesses moyennes d’écriture

Le même plan d’analyse a été utilisé pour analyser les vitesses moyennes d’écriture (à l’exception du facteur de durée acoustique du stimulus qui n’était pas inclus), exprimées en cm/s et correspondant à la simple division de la valeur de distance du tracé, mesurée par la tablette pour chaque essai, avec la durée d’écriture de l’essai correspondant (voir moyennes et écart-types Table V-5). Après suppression des valeurs extrêmes (supérieures à 6,0 cm/s ou inférieures à 1,5 cm/s ; 20 valeurs soit 1,4 %), les outliers ont été supprimés du modèle final (32 valeurs soit 2,3%).

Table V-5 : Moyennes des vitesses d’écriture moyenne par mot (et écart-types), en fonction des trois facteurs de régularité, position et longueur (en cm/s).

Réguliers Irréguliers

Initiale Finale Initiale Finale

Mots Courts 3,37 (0,99) 3,25 (0,99) 3,16 (0,96) 3,26 (0,94)

Mots Longs 3,20 (0,88) 3,10 (0,91) 3,10 (0,88) 3,19 (0,94)

L’effet principal de la longueur apparaissait significatif avec une vitesse d’écriture moyenne supérieure pour les mots courts par rapport aux mots longs (3,26 cm/s contre 3,11 cm/s ; F(1, 56) = 8,57 ; p < .005).

Une interaction entre la régularité et la position était aussi présente (F(1, 56) = 5,96 ; p < .02). L’analyse post-hoc a révélé une différence de vitesse entre les mots réguliers à l’initiale et irréguliers à l’initiale (3,29 cm/s contre 3,10 cm/s ; T(56) = 2,77 ; p < .04).

Figure V-4 : Interaction entre la régularité et la position sur les vitesses moyennes d’écriture (moyennes ajustées du modèle). On constate un ralentissement pour les mots dont l’irrégularité est

Synthèse des effets significatifs

Effet de la longueur des mots (1 syllabe vs. 3 syllabes)

- Latences plus longues pour les mots courts (+58 ms) (lorsque la durée acoustique est prise en compte).

- Vitesse moyenne d’écriture des mots courts plus élevée (+0,14 cm/s) et taux d’erreurs plus important (+3,3 %).

Effet de la régularité orthographique

- Taux d’erreur plus important pour les mots irréguliers par rapport aux réguliers (+7,5 %), en particulier en cas d’irrégularité initiale et/ou sur les mots courts.

- Latences plus longues pour les mots irréguliers à l’initiale, par rapport aux mots irréguliers sur la finale (+112 ms) ou réguliers sur l’initiale (+81 ms)

- Vitesses moyennes d’écriture plus lentes pour les mots irréguliers à l’initiale que pour les réguliers (-0,19 cm/s)