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CHAPITRE VII : EXPERIMENTATION IRMf 1 : EFFETS DE LONGUEUR DE MOTS EN

III. RESULTATS

IV.3. Aires cruciales pour l’écriture ?

IV.3.1. Le cortex pariétal supérieur

Le cortex pariétal supérieur/inférieur gauche ensuite est bien une région importante dans la production écrite, tel que le confirment les résultats des différents contrastes. Il demeure

pourtant difficile d’en identifier un centre unique : les clusters concernés (dans les contrastes par rapport à la tâche de traçage et à la tâche de répétition orale) incluent des voxels s’étendant dans le gyrus postcentral, le lobule pariétal inférieur et le lobule pariétal supérieur. Deux pics d’intensité maximale communs sont identifiables dans des analyses restreintes au cluster frontopariétal gauche réalisées sur ces deux contrastes : gyrus postcentral (BA 40 ; x = 36, y = -42, z = 57) et lobule pariétal supérieur (BA 7 ; x = -27, y = -57, z = 60). L’activation de cette région dans l’écriture émerge plus favorablement lors du contraste avec une tâche non manuelle comme la répétition orale, mais reste toujours significativement plus active dans le contraste avec la tâche motrice. Une telle distinction est compatible avec l’hypothèse d’un contrôle sensori-moteur de la production qui serait toujours présent, bien que dans une moindre mesure, dans la tâche de traçage de créneaux. Nos données s’accordent donc avec les nombreuses données de la littérature attestant du rôle crucial dans l’écriture de cette région (e.g. Auerbach & Alexander, 1981; Magrassi et al., 2010; Sakurai et al., 2007), dont on peut soupçonner une fonction associée au contrôle moteur, mais la nature de ce rôle comme la localisation précise des territoires corticaux impliqués reste incertaine.

IV.3.2. GMFA et sensibilité à la longueur orthographique

Enfin, nous avions soumis l’hypothèse que la GMFA jouerait un rôle crucial dans l’écriture, un rôle d’interface entre la représentation orthographique des mots et les programmes moteurs, ou dans le stockage temporaire de cette représentation (i.e. le buffer graphémique). La sensibilité à la longueur des mots, indépendamment de la durée de l’activité motrice, est un indice de l’implication du buffer graphémique (des mots plus longs sollicitant davantage le buffer graphémique, voir par exemple Hillis & Caramazza, 1989). Nous ne sommes pas parvenus à démontrer une telle sensibilité dans le cortex préfrontal ou plus largement dans le réseau de l’écriture (i.e. lors de contrastes réalisés avec un masque inclusif « Ecriture vs. Ligne de base »). Au niveau de cerveau entier, seules deux aires de l’hémisphère droit apparaissaient davantage sollicitées lors de la tâche d’écriture de mots courts (2 syllabes) que lors de la tâche d’écriture de mots longs (3 syllabes) : le lobule pariétal supérieur droit, une aire traditionnellement associée au contrôle attentionnel ou visuo-spatial (Corbetta & Shulman, 2002), et le cuneus, une aire du cortex occipital plutôt associée au traitement de l’information visuelle. Au-delà de la question du stockage temporaire de la représentation orthographique, ce résultat pourrait s’expliquer par la nécessité de mieux prendre en compte l’espace graphique lors de l’écriture des mots courts dans notre tâche, du fait de retours à la ligne plus fréquents : les sujets étant invités à écrire autant de fois que possible le mot entendu dans le délai imparti

Chapitre VII – Expérimentation IRMf 1: Effets de longueur de mot en production écrite sous dictée

(durée de l’essai de 6 secondes), les mots plus courts étaient écrits davantage de fois (les sujets étaient de plus encouragés à faire des retour à la ligne après chaque mot pour éviter des mouvements trop amples). Une sensibilité à la longueur des mots dans le cortex préfrontal a pourtant déjà observée par Rapp et Dufor (2011), dans une région du sillon frontal supérieur pouvant correspondre à la GMFA (ainsi que, dans une moindre mesure, dans une aire du cortex pariétal supérieur). En effet, dans la tâche d’écriture sous dictée de cette expérimentation en IRMf, les participants devaient écrire chaque mot entendu de manière continue pendant une durée 6 secondes. Des mots longs (8 lettres) ou courts (4 lettres) étaient notamment utilisés. Cependant, contrairement à notre étude, les participants avaient ici pour instruction d’écrire les lettres les unes au-dessus des autres, en caractères d’imprimerie majuscules. Ainsi, on peut postuler que les différences entre nos résultats et ceux obtenus par Rapp et Dufor (2011), malgré des tâches très semblables, puissent s’expliquer (au-delà des variations méthodologiques dans l’acquisition et l’analyse des données) par le fait que la tâche utilisée par ces derniers sollicite davantage le buffer graphémique : chaque lettre est produite de manière relativement indépendante et probablement de manière moins automatisée que lors de l’écriture usuelle. En outre, certains travaux de neuropsychologie étudiant la forme « allographique » d’agraphie périphériques proposent une représentation qualitativement différentes des lettres en majuscules d’imprimerie (en termes de traits) et des lettres en minuscule de l’écriture cursive (de manière globale) (Di Pietro, Schnider, & Ptak, 2011). On peut ainsi suggérer que l’écriture cursive utilisée ici ait été moins coûteuse que ne l’aurait été une tâche d’écriture lettre à lettre en majuscule d’imprimerie.

La GMFA était une des aires les plus fortement actives lors de la tâche d’écriture (3ème pic en valeur de T dans le contraste avec le repos). Sa localisation au niveau individuel, en vue de l’expérimentation utilisant la rTMS (cf. Chapitre IX), pourra donc être aisément réalisée. Bien que nous n’ayons pas pu vérifier notre hypothèse quant à son rôle fonctionnel, elle demeure une aire dont l’activation persiste quelle que soit la tâche contrôle. Dès lors que la tâche contrôle de traçage de créneaux s’est avérée globalement inefficiente pour contrôler tous les aspects moteurs de la tâche d’écriture, il est difficile d’en conclure un rôle non moteur de la GMFA (on peut même constater dans une moindre mesure son activation dans la seule tâche de traçage de créneaux). Néanmoins, son caractère manifestement bilatéral (bien que la nature du signal BOLD ne nous permette pas d’écarter l’hypothèse que cette activité droite résulte d’un phénomène d’inhibition interhémisphérique) suggère un rôle dans l’écriture en amont de l’exécution motrice proprement dite (car seule la main droite était en mouvement), compatible avec les processus allographiques ou de sélection des engrammes moteurs correspondant aux lettres.

IV.4. Conclusion

Les résultats de ce travail en IRMf sont dans l’ensemble compatibles avec les résultats de la méta-analyse et les conclusions qui en résultaient. On retrouve un réseau de l’écriture chez le sujet sain centré sur les cortex frontaux et pariétaux supérieurs gauches, avec la présence d’activations sous corticales, du cervelet droit, mais aussi dans l’hémisphère droit (cortex frontal et pariétal). On distingue des composantes motrices ou associées au contrôle moteur de l’écriture : cortex moteur et sensori-moteur primaire, aire motrice supplémentaire, cervelet droit ; et des composantes plutôt associées aux processus linguistiques à l’œuvre dans l’écriture : gyrus fusiforme gauche, région frontale inférieure gauche. Les fonctions cognitives précises sous-tendues par les activations d’au moins quatre régions apparaissant cruciales pour l’écriture restent toutefois encore obscures : c’est le cas de la GMFA, située au niveau de la partie postérieure du sillon frontal supérieur (dont nous ne sommes pas parvenus à établir un lien avec le buffer graphémique), du cortex pariétal supérieur et du cortex prémoteur ventral / frontal inférieur (plusieurs pics pourraient relever de plusieurs fonctions distinctes) ou encore du cervelet droit.

CHAPITRE VIII : EXPERIMENTATION IRMf 2 : EFFETS D’AGE