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CHAPITRE IV : METHODES ET OUTILS D’INVESTIGATION

II. LA STIMULATION MAGNETIQUE TRANSCRANIENNE (TMS)

techniques de neuroimagerie, ayant pour principal objet la mise en relation des signaux recueillis (comme le signal BOLD) avec certains processus cognitifs d’intérêt. Ces corrélations entre une activité cérébrale et un comportement n’impliquent pourtant pas que l’aire activée est nécessaire pour un comportement donné, d’où la pertinence, encore aujourd’hui, du modèle lésionnel utilisé en neuropsychologie (voir Price et al., 1999). Ce champ d’étude, consistant à étudier les effets d’une lésion cérébrale sur un comportement particulier comporte pourtant plusieurs limites liées en particulier à la variabilité des lésions (en étendue, en localisation) ou aux phénomènes de plasticité cérébrale et de récupération (par exemple, le rôle de l’hémisphère droit dans la récupération de l’aphasie). La stimulation magnétique transcrânienne (ou TMS pour Transcranial Magnetic Stimulation) est un outil de plus en plus utilisé aujourd’hui dans le champ des neurosciences cognitives et qui permet notamment de provoquer chez le sujet sain des « lésions virtuelles » transitoires et de manière non invasive (Leone, 1999; Pascual-Leone, Walsh, & Rothwell, 2000), et ainsi de tester des hypothèses sur le caractère « essentiel » de l’activité d’une aire cérébrale sur un comportement donné.

II.1. Principes de base

La TMS est basée sur le principe de l’induction électromagnétique découvert par Michael Faraday. Lorsqu’un courant électrique est envoyé au travers d’une bobine, il génère un champ magnétique qui pourra induire un courant électrique dans un conducteur proche. Depuis les premiers travaux du début du XXème siècle, il a ainsi été montré que des courants de suffisamment forte d’intensité et de durée suffisamment courte pouvaient générer des impulsions magnétiques qui pénètrent le scalp et le crâne avec un minimum d’atténuation, permettant ainsi de stimuler le cerveau sans douleur. Le principe de l’induction magnétique appliqué par la TMS pour induire la stimulation du cortex est résumé dans la Figure IV-3 ci-après. Le type de bobine TMS utilisée de manière classique est une bobine en forme de huit dans laquelle le courant circule dans une direction opposée dans chaque boucle et s’additionne au niveau du point central. Cela permet de cibler une région précise du tissu cortical, avec une résolution effective qui peut être de quelques millimètres (O'Shea & Walsh, 2007). Bien que les mécanismes d’action précis demeurent incertains, on considère que la TMS active les axones des neurones du cortex plutôt que les corps cellulaires. Etant donné le déclin rapide de la force du champ magnétique avec la distance (généralement de 2 à 2,5 T), on considère que l’application de la TMS est limitée à des aires situées à 2-3 cm de profondeur par rapport à la surface du crâne (Sandrini, Umilta, & Rusconi, 2011).

Figure IV-3 : Principe de l’induction électromagnétique à l’œuvre dans la TMS (adapté de Wagner, Rushmore, Eden, & Valero-Cabre, 2009).

Chapitre IV – Méthode et outils d’investigation

II.2. Effets de la TMS

Dans les 20 à 30 dernières années, la TMS a été utilisée pour stimuler des nerfs périphériques et le cerveau dans une grande variété d’études, s’intéressant à la motricité, l’attention, la vision, la mémoire, ou encore le langage. Les impulsions TMS peuvent être appliquées à des intensités diverses et sous la forme d’impulsions individuelles (single pulse) ou de séries d’impulsions (TMS répétitive ou rTMS) de haute ou de basse fréquence. Une impulsion TMS individuelle appliquée sur le cortex moteur primaire pourra produire une contraction subite d’un muscle de la main, quand une impulsion sur le cortex visuel pourra entraîner la vision d’un bref flash lumineux (un phosphène). Mais selon les paramètres de stimulation choisis, les effets seront soit inhibiteurs, soit excitateurs (Chen et al., 1997; Wassermann, 1998). Une stimulation répétitive de basse fréquence, à 1 Hz, va par exemple avoir pour effets une diminution de l’excitabilité corticale pendant une certaine durée (généralement équivalente à la durée de la stimulation). La mesure de l’excitabilité corticale peut par exemple s’établir en enregistrant les potentiels évoqués moteurs au niveau d’un muscle de la main pendant une stimulation du cortex moteur primaire. Une stimulation répétitive de plus haute fréquence (supérieure à 10 Hz) aura au contraire pour effet une augmentation de l’excitabilité corticale. Une stimulation procédant par courts trains répétés de haute fréquence (50 Hz) (on parle de stimulation theta burst) se traduira, elle, par une diminution de l’activité corticale. On distinguera les protocoles de stimulation dits online, lors desquels la stimulation a lieu pendant la réalisation d’une tâche par le sujet (e.g. impulsion déclenchée sur le cortex visuel 100 ms après la présentation d’un stimulus visuel), des protocoles offline, où la stimulation, qui a lieu de manière passive pendant une durée déterminée, est suivie d’une phase de réalisation de tâches comportementales. Bien que la simple dichotomie entre effets excitateurs ou inhibiteurs masque en fait une réalité plus complexe (voir par exemple Siebner, Hartwigsen, Kassuba, & Rothwell, 2009), la TMS a souvent été utilisée avec succès chez le sujet sain en tant qu’outil pour créer des « lésions virtuelles », en perturbant temporairement l’activité cérébrale. Par exemple, une stimulation du cortex pariétal droit peut induire de manière temporaire un comportement semblable à la négligence spatiale unilatérale (Fierro et al., 2000), une stimulation du cortex visuel peut perturber les capacités d’imagerie visuelle mentale (Kosslyn et al., 1999). Il faut néanmoins noter qu’une stimulation offline inhibitrice peut parfois améliorer plutôt que dégrader un comportement (e.g. Andoh et al., 2006; Hilgetag, Theoret, & Pascual-Leone, 2001). Comme nous l’avons vu précédemment (cf. Chapitre II.IV.2), la TMS a aussi été utilisée avec succès pour étudier le rôle de certaines régions comme l’aire de Broca dans les fonctions langagières. Ses effets potentiels sur une compétence à la fois linguistique et motrice comme l’écriture sont encore mal connus car les études sont rares.

II.3. Détermination de la cible et guidage

Un des points les plus cruciaux pour la bonne conduite d’une expérimentation utilisant la TMS est la localisation de la cible de la stimulation. Si certaines études, ciblant en particulier le cortex moteur, disposent d’un moyen direct de déterminer la position de la bobine sur la zone souhaitée, en enregistrant les potentiels évoqués moteurs ou en repérant directement les contractions motrices générées par une impulsion TMS, les travaux s’intéressant à des fonctions cognitives de plus haut niveau comme le langage requièrent généralement un système de neuronavigation stéréotaxique. Ce type de système est composé d’un ensemble de capteurs réfléchissants, disposés en particulier sur la bobine TMS et autour du scalp du sujet, et d’une caméra infrarouge reliée à un ordinateur. Une image anatomique 3D du participant acquise lors d’un examen d’IRM (incluant le cerveau et la surface du scalp) peut ainsi être visualisée sur l’écran de l’ordinateur et ainsi guider le positionnement de la bobine sur le scalp avec une grande précision. L’anatomie du cortex cérébral peut ainsi être utilisée pour localiser la cible souhaitée ; frontières anatomiques (gyrus, sillons), aires de Brodmann, coordonnées de Talairach, etc. Pourtant cette stratégie, efficace dans bien des cas, présente certaines limites. Toutes les aires fonctionnelles ne correspondent pas à des marqueurs anatomiques précis et d’importantes variations anatomiques interindividuelles peuvent exister (e.g. Rademacher et al., 2001), c’est pourquoi le guidage utilisant des données d’IRM fonctionnelle est souvent la solution la plus fiable et efficace (Sack et al., 2009; Sparing, Buelte, Meister, Paus, & Fink, 2008). En effet, cette méthode permet de définir la cible de la stimulation au niveau individuel en fonction d’une activation liée à un processus cognitif particulier. Elle permet ainsi de pallier une autre limite importante de l’approche simplement anatomique qu’est la variabilité anatomo-fonctionnelle interindividuelle pour un même processus cognitif.

III. ANALYSE DES DONNEES COMPORTEMENTALES EN