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Résultats de l’analyse des dimensions référentielle et interactionnelle

Relations interactives génériques type de

6.1.3 Résultats de l’analyse des dimensions référentielle et interactionnelle

Les dimensions référentielle et interactionnelle sont en relation étroite dans la mesure où elles permettent de rendre compte de l’influence sur le discours de ce que l’on a coutume de nommer le contexte, où la situation. Comme nous l’avons évoqué au cours du chapitre 3, la dimension référentielle traite des relations des paroles avec le monde tandis que la dimension interactionnelle décrit l’influence sur le discours de la place qu’occupent les locuteurs les uns par rapport aux autres. Que nous apprennent ces dimensions sur l’usage qui est fait de l’intonation d’implication ?

6.1.3.1 ‘Quand dire c’est faire’ : apport de l’analyse référentielle

Dans le modèle de Genève, la dimension référentielle conçoit les participants à l’interaction comme :

« (…) des agents (…) engagés dans des conduites finalisées et qui assument mutuellement une responsabilité dans la gestion d’activités conjointes spécifiques (…). » (Roulet et al., 2001 : 99)

Afin de décrire ces activités, le modèle propose deux outils dont nous ferons usage ici : la représentation praxéologique et le cadre actionnel.

La représentation praxéologique organise les enjeux typiques d’une interaction habituelle (c’est-à-dire prévisible) en une séquence chronologique attendue. Le modèle lui prête un certain réalisme psychologique en tant que ‘construit collectif’ intériorisé par

les agents. On peut attendre par exemple de la représentation praxéologique d’un débat radiodiffusé qu’elle est la forme que propose la figure 47 :

Début

Figure 47. Représentation praxéologiqued’un débat radiophonique

Ce schéma reste théorique et propose par exemple deux possibilités qui n’apparaissent pas dans le débat qui fait l’objet de notre étude 8 : l’illustration du thème par l’intermédiaire de reportages ou d’archives, et la question d’un auditeur qui pourrait participer au débat. Nous avons distinguées ces deux possibilités non exploitées en les représentant en italique dans la figure 47. La représentation praxéologique permet de nombreuses observations comme par exemple, de remarquer que d’autres types de signes que ceux de la parole peuvent jouer un rôle important et rituel dans ce type de situation discursive, en particulier la musique du générique qui suffit à marquer le début et la fin de l’émission. Mais ce qui nous intéresse ici c’est que les tours de parole qui prennent en charge la présentation et la clôture de l’émission ne comportent aucune occurrence de l’intonation d’implication. Celles-ci sont l’apanage du seul débat, qui par conséquent a fait seul l’objet de notre travail de description.

Cette constatation est à rapprocher de celle de l’absence de pi dans les séquences narratives et descriptives.

Action participative Action participative

introduire la question répondre

introduire les invités argumenter

distribuer les tours de parole contrer l’adversaire

gérer les accidents (interruptions, etc.) expliquer

faire surgir les différents aspects de la question détromper

Position actionnelle Position actionnelle

- statut social :journaliste - statut social : spécialiste

- rôle prax. : modérateur - rôle prax : débattants

Enjeu DEBATTRE

Complexe motivationnel : modérer un débat Complexe motivationnel : convaincre l’auditoire

Figure 48. Cadre actionnel du corpus La suite dans les idées

L’élaboration du cadre actionnel pour notre corpus révèle la distribution de ses locuteurs selon deux positions actionnelles dont les motivations diffèrent : les journalistes y assument un rôle de modérateur qui suppose qu’ils introduisent sujets de débats et invités, qu’ils distribuent les tours de parole, qu’ils gèrent les accidents interactionnels, qu’ils permettent au thème du débat de se développer dans tous ses aspects important ; quant aux spécialistes invités à débattre, leur objectif principal est de convaincre l’auditoire du bien fondé de leur position contre celle de leurs contradicteurs.

Certaines des actions participatives ainsi définies peuvent éclairer les usages qui sont fait de l’intonation choisie. Par exemple ces effets argumentatifs que l’intonation d’implication contribue à marquer correspondent à l’action participative argumenter.

Nous verrons plus loin que l’intonation d’implication accompagne aussi volontiers des épisodes discursifs où il s’agit pour le locuteur de contrer l’adversaire. Au contraire, les séquences descriptives et narratives que nous avons décrites dans la section précédente correspondent mieux à l’action d’expliquer, toute aussi cruciale lorsqu’il s’agit de convaincre.

Reste que nous n’éclairons là que les usages que font les invités de l’intonation d’implication. Pour expliquer en quoi les journalistes en font un usage spécifique, il nous faut recourir à la dimension interactionnelle, ce que nous nous proposons de faire dans la section suivante.

6.1.3.2 De l’importance de qui parle : apport de la dimension interactionnelle Comme nous l’avons évoqué dans la section 3.2.2.5., la notion de cadre interactionnel telle qu’elle est définie pour l’analyse de la dimension interactionnelle permet de décrire les positions et relations spécifiques entre les interactants qu’impose une situation interlocutive particulière. Elle va nous permettre de rendre compte du dispositif interactionnel que met en place le débat radiophonique dont son tirées nos données. La figure 49 instancie pour notre corpus la schématisation proposée par M.

Burger dans le chapitre 5 de l’ouvrage de 2001 :

concepteurs interlocuteurs interlocuteurs récipiendaires

<chaîne de radio> <débattants> <médiateurs> <auditeurs>

2 4 2 indéfini

oral et visuel

co-présence spatio-temporelle réciprocité

<DEBAT SOCIO-POLITIQUE>

oral

distance spatiale et temporelle non réciprocité

<EMISSION RADIOPHONIQUE>

Figure 49. Cadre interactionnel du débat radiophonique qui constitue notre corpus Ce cadre inventorie les différentes places qu’il est possible d’occuper dans l’interaction. En particulier, il resitue modérateurs et débattants comme des interlocuteurs co-présents, partageant les canaux visuel et oral et susceptibles d’échanges réciproques qui produisent du reste la matière du discours que nous analysons.

Le schéma permet d’identifier deux autres places interactionnelles qu’il importe de prendre en considération. Dans la partie gauche du cadre externe sont repérés les concepteurs de l’émission qui, justement, en définissent les règles, notamment celles de l’interaction, et qui de plus choisissent les thèmes abordés et les personnalités invitées.

Comme il est fréquent sur France Culture, les concepteurs de l’émission La suite dans les idées sont également les journalistes qui modèrent le débat. C’est pourquoi leur nombre, noté dans le schéma sous le nom de la place interactionnelle est 2 dans les deux cas.

Il faut surtout souligner l’importance de l’auditoire, dont la place figure à droite du cadre externe, car ses membres, en l’occurrence les auditeurs de l’émission, sont les principaux destinataires des paroles échangées : ce sont eux, en réalité, qu’il faut informer et convaincre. Dans cette émission, et contrairement à d’autres, ils ne peuvent pas intervenir dans le débat et nous n’avons donc pas à analyser leurs productions langagières. Reste que leur présence influe sur les paroles échangées, ce qu’il importe

tours de parole des journalistes modérateurs qui font partie de la transaction débat telle qu’elle est repérée par la représentation praxéologique (figure 47 ci-dessus) doivent avoir une valeur fonctionnelle de question. Seuls les tours de parole de présentation et de clôture échappent à cette règle.

Cette règle a trois conséquences :

La première est que si certains énoncés produits par les débattants présentent des marqueurs interrogatifs, par exemple un morphème interrogatif comme dans la figure 50, leur valeur de question ne sauraient être interactionnelle, ne pouvant attendre de réponse spontanée et immédiate de la part de l’interlocuteur.

As [16] est-ce que c'est un échec de l'Union Européenne

Pré Q I

Ap [17] non pi2 Ip

RE As [18] simplement ben le peuple norvégien préfère rester en dehors t4 arg

Figure 50. . Exemple de question rhétorique extraite du tour AL3 dû à un invité débattant Comme le montre l’exemple donné par la figure 50, on aura dans ce cas des questions rhétoriques auxquelles celui qui les pose répond lui-même. Nous verrons plus loin (section 6.2.2.2) comment ce procédé est utilisé intensivement par deux de nos locuteurs et qu’il implique toujours l’intonation d’implication.

La deuxième conséquence de la règle interactionnelle énoncée plus haut est que toute question effectivement interactionnelle de la part d’un invité consiste en une rupture de la règle. Le cas se produit une fois au cours de l’émission lorsque le locuteur AL, dont nous verrons qu’il s’agit du rhéteur le plus habile parmi les invités, répond à la question d’un journaliste qui s’adresse à lui (tour Ja8) par une autre question qui demande une précision. La figure 51 ci-dessous illustre cette violation de la règle : on constate que la rupture introduite inverse momentanément les rôles, le journaliste Ja se trouvant dans l’obligation de répondre à la question, ce qu’il fait dans le tour Ja9. Une autre rupture de la règle est elle aussi provoquée par AL un peu plus tard dans l’émission lorsqu’il réplique directement à une mise en cause par son principal adversaire dans le débat, le locuteur YS (voir tours YS3 et AL6 en annexe « Structure hiérarchique des tours de parole).

Ip [1-5]

Ip [6-14]

I Is Ap [15] alors y donnait des exemples euh

arg

Is Ac [16] la politique étrangère euh arg

Is Is Ac [17] la défense euh

arg arg

Ap [18] la sécurité Ic

As [19] alimentaire aussi des personnes etcetera ct3 clar

Ap [20] mais nulle part finalement euh y ne y ne il n'insistait sur l'importance de la constitution d'un espace public euh européen t1

AL4

Ap [1] et qu'est-ce que vous appelez espace public Q

Ja9

Ap [1] eh bé tout simplement un un un espace de de discussion ct1 euh

Es

clar Is Ap [2] qui associerait euh euh les citoyens les électeurs ct2

Ip pré

As [3] les médias peut-être qui rendent compte des débats ct3

I Is com

RE com

Ap [4] et puis euh les élus Ip

As [5] les représentants de de ces citoyens pi1 ref

As [6] qu les choses qui existent dans dans tous les Etats nations par ailleurs membres de la communauté européenne pi2

Ref

Figure 51. Exemple de rupture de la règle interactionnelle provoquée par une question directe du locuteur AL

La troisième conséquence de la règle issue du cadre interactionnel et la plus importante pour nous est que, à l’exception des cas de rupture de la règle, tous les pi

deuxième condition qui détermine la forme pour poser la question. Ce sont, je crois, ce que Borillo appelle des « questions estimatives » et Grundstrom « quasi-questions ». » (Fontaney, 1991 : 129-130).

C’est effectivement l’invité qui « détient le savoir » qui doit être formulé pour les auditeurs, ce pourquoi l’interroge le journaliste qui, évidemment, « connaît et comprend » ce sur quoi il interroge puisqu’il a lui-même conçu la discussion. C’est donc le dispositif interactionnel imposé par l’émission qui affecte le statut de question aux exemplaires de l’intonation d’implication produits par les journalistes (au moins ceux qui apparaissent en fin de tour de parole).

6.1.4 Conclusion concernant les analyses fondées sur le modèle de